Assassinats politiques, attentats terroristes, grogne des forces de sécurité, démissions collectives des députés de la Constituante et manifestations dans la rue. La situation ne tient qu'à un fil en Tunisie voisine où les sorties médiatiques des dirigeants de la troïka au pouvoir ne sont pas faites pour désamorcer ce cocktail explosif... Lyas Hallas - Alger (Le Soir) Si elle couve depuis presque une année à cause des tiraillements qui minent l'Assemblée nationale constituante (ANC), retardant l'adoption de la constitution postrévolutionnaire, la crise politique que traverse la Tunisie s'accentue à coup d'assassinats de membres de l'opposition et d'attentats terroristes. Une tension dont la responsabilité n'est toujours pas établie, les hypothèses formulées par l'opposition accablant Ennahdha (parti islamiste au pouvoir, ndlr) au moment où le gouvernement en exercice crie au complot des «résidus» de l'ancien régime. Le ministre de l'Intérieur, M. Lotfi Ben Jeddou a confié hier, à radio Mosaïque FM que « liste de personnalités menacées d'assassinats est longue. Elle inclut des politiques, journalistes, intellectuels et même des membres du gouvernement, dont il fait partie que son département renforcé la garde rapprochée des ministres menacés mais, reste incapable d'assurer la sécurité pour tout le monde». Or, le tout dernier attentat du mont Chaâmbi, neuf militaires ont été tués ce lundi dans une embuscade tendue par un groupe terroriste près Kasserine, est venu saper le moral des troupes stationnées loin des turpitudes de Tunis. «Ce que nous venons de vivre à Kasserine est une catastrophe ! Du jamais vu dans l'histoire de la Tunisie. Ça suffit ! Que les politiques qui s'entretuent pour le pouvoir viennent voir dans quelles conditions nous travaillons ici, livrés à nous-mêmes sans équipements », a déclaré à la télévision publique le chef de la police judiciaire dans cette ville, M. Youcef Benyoucef. L'émotion était aussi palpable du côté du directeur de l'hôpital régional de Kasserine, M. Salah Amri qui a précisé au même média que trois des neufs militaires ont été égorgés. A Tunis, ce sont ainsi les députés démissionnaires qui battent le pavé devant le siège de l'ANC, au Bardo. Ils tiennent depuis maintenant quatre jours un sit-in et réclament la dissolution de l'ANC. Parmi ces élus soixante- et-onze se sont, en effet, retirés, soit près du tiers. Ils ont constitué une coalition de l'opposition, baptisée Front du salut national, qui a rallié à sa cause la plupart des formations politiques de la gauche en dehors de la troïka et l'exception de la toute puissante UGTT (Union générale des travailleurs tunisiens, ndlr). Cette dernière, si elle appelé à la composition d'un nouveau gouvernement «de compétences autour d'une personnalité nationale consensuelle», s'est opposée à la dissolution de l'ANC. De quoi décevoir l'opposition et faire le bonheur de la troïka au pouvoir ? Forte de 500 000 adhérents et d'un capital sympathie chez la population, l'UGTT est un élément stabilisateur et ne risque, néanmoins, pas d'atténuer la volonté des coalisés, de plus en plus déterminés venir à bout de la troïka au pouvoir. L'escalade de la violence les conforte dans leurs analyses et le gouvernement d'Ali Larayedh ne fait rien pour les calmer. Se drapant dans un discours conspirateur, il donne l'impression de s'accrocher à son poste, à défaut d'être ferme. Certes, Aqmi, Al-Qaïda au Maghreb islamique, a démenti son implication dans l'attentat de Djebel Chaâmbi dans une vidéo diffusée sur la Toile par le biais de l'un de ses «cheikhs » algériens, Ahmed Abou Abdalilah El Jijeli en l'occurrence, qui s'est référé aux «orientations» d'Ayman Zawahiri, ménageant «les gouvernements postrévolutionnaires». Il n'en demeure pas moins que la Tunisie reste un terrain de prédilection pour la nébuleuse, traquée en Algérie et au Sahel, pour venger ses déboires. L'Etat étant faible, le wahhabisme gagnant du terrain et la Libye voisine fournit des armes à bas prix.