De notre envoyé spécial en Grèce, Mehdi Mehenni Thessalonique. Nord de la Grèce. La grandeur du mont Olympe veille sur la splendeur des îles et le charme ensorcelant des stations balnéaires. Au-delà de l'aspect purement touristique, il y a dans cette région, plusieurs fois millénaire, quelque chose qui apaise l'âme et enchante l'esprit. L'accueil tellement naturel de la population locale renseigne à quel point la Grèce n'a rien perdu de sa grande civilisation. Samedi 15 juin 2013. Après quatre heures de vol en provenance d'Alger, avec escale à Rome, l'avion s'apprête à atterrir à l'aéroport de Thessalonique, dans le gouvernorat de la Macédoine grecque. La vue aérienne de cet ensemble de lacs, de rivières, de plages et de montagnes fascine déjà l'œil. Un frisson saisit le corps et les récits d'Homère remontent à la surface pour donner à l'imagination libre cours. Un plongeon dans l'Antiquité. Tous les grands de la légende grecque sont passés par là. C'est à partir du mont Olympe qui se tient majestueusement au centre de la Macédoine, que les divinités grecques se plaisaient à comploter contre les humains. Ulysse en a connu un bout puisque ces îles qui s'affichent en miniatures sont marquées par son passage, en rescapé de la mer houleuse. C'est aussi un de ces villages, vus du ciel, qui a donné naissance à Alexandre le Grand, fils de Philippe de Macédoine, et c'est exactement de cette région qu'il a entamé sa conquête du monde. Il est midi, l'instant de l'atterrissage coupe le fil de l'imagination. Retour sur terre. Cette ville qui ne dort jamais ! Il est 13h30. Après une heure et demie de route, cap sur la station balnéaire Platamonas. Les portes de cette charmante petite ville s'ouvrent sur un décor fait d'une chaîne d'hôtels et de bungalows de différentes gammes, dont une simple chaussée les sépare d'un port de plaisance et une série de plages. Ici, les voitures n'ont pas vraiment leur place, vu que la tendance est au vélo et aux randonnées pédestres. Les touristes se promènent pieds nus, puisque il suffit de traverser la rue, large d'à peine dix mètres, pour gagner la mer. Magda Mouratidou, la propriétaire de l'agence de voyage MM Travel Agency, accueille les visiteurs algériens accompagnés de la représentante de l'agence de voyage Dam Tour, Iskra Koleva, au niveau d'une petite merveille du monde de l'hôtellerie, baptisée «Dias». C'est le point de départ pour la découverte des somptuosités du nord de la Grèce, puisque les deux agences, M.M Travel Agency de droit grecque, et Dam Tour de droit algérien, sont incontestablement devenus ces dernières années, les spécialistes de cette destination, grâce à un travail de collaboration presque infaillible. A peine les bagages déposés à la réception de l'hôtel, Arkis, le fils de la propriétaire de cet établissement, offre aux arrivants des boissons en guise de bienvenue. «Tant pis pour les amateurs de café», lance-t-il sympathiquement à ceux qui ont hésité d'étancher leur soif par l'une des meilleures brasses de la Grèce, une bière dite «Fix». Chacun gagne sa chambre pour ressortir dix minutes plus tard. Pas un instant à perdre au repos, surtout que le voyage avec le super équipage de la compagnie aérienne Alitalia n'a point été fatigant. A la plage, le procédé est plutôt simple. Chaque bistrot de Platamonas dispose d'une petite surface où des chaises longues, des tables et des parasols sont installés. Pour prendre place, aucun tarif n'est exigé, il suffit de s'offrir une boisson fraîche. Chaque consommation que les charmantes serveuses, aux tresses de la déesse Aphrodite, apportent sur un plateau argenté, est systématiquement suivie de chips et de cacahuètes. Le tout pour un prix moyen variant entre deux et quatre euros. Il est 20h. La ville change de rythme et de couleurs. Les touristes de différentes nationalités et provenances investissent l'avenue principale. La soirée ne fait que commencer. L'établissement Dias prévoit pour ce soir un dîner dansant. Une troupe musicale interprétant des chansons traditionnelles de la région. La chanteuse à la voix réveillant les chants de sirènes, fait le tour des tables prenant par la main, au hasard, le chanceux candidat pour une danse à tordre les pieds. Pendant ce temps, le très sympathique Arkis propose son poisson du jour que lui-même pêche au large de Platamonas. «Pas de dorade avec un jus d'orange», lance-t-il en déposant une carafe de vin blanc, un des meilleurs de la Méditerranée pour seulement quatre euros le demi-litre. Il est 23h. A 200 mètres de l'hôtel Dias, un autre décor, une autre ambiance. Des Russes, des Slaves, des Irlandais, des Anglais, des Argentins et Américains peuplent les pubs et les terrasses. Des cocktails enivrants, faits des fruits du jour, mixés sur place avec des liqueurs typiquement grecques. Ça danse de partout sous le rythme d'une musique affolante. De jeunes groupes de la région font leur promotion sur les scènes des pubs, et le public donne son appréciation en applaudissant chacun suivant le degré de son talent. Il faut dire que tout le monde trouve son compte. Il est quatre heures du matin et la ville grouille encore de fêtards. La sécurité règne sans même la présence de la police et rares sont les personnes qui quittent les lieux pour rentrer à l'hôtel. C'est à être complètement désespéré de la vie pour le faire. Le sacré Olympe ! Dimanche 16 juin. Il est 10h. Après une nuit mouvementée, il faut reprendre des forces. Le sommeil ne s'impose pas comme unique remède. Il en existe bien un substitut. Il s'agit du mont le plus sacré, haut de 3 000 mètres et abritant les divinités les plus vénérées de l'Antiquité. L'Olympe. C'est ici que Zeus, dieu des dieux et maître du ciel régnait dans l'ordre et la justice. Qui mieux que le maire de Dion Olympus, la commune où se situe le mont Olympe, pour découvrir cette merveille naturelle. Giorgos Papathanasiou accompagné du vice-maire Zourzoura Sofia, propose une randonnée sur une piste pédestre serpentant la montagne sacrée. Fortement peuplée de faunes et de flores protégées, elle offre une oxygénation et une relaxation inégalée. Des cascades de l'Olympe, l'eau de roche est canalisée vers la ville et les visiteurs peuvent boire à leur guise de ce liquide précieux. Certains autochtones de la région affirment suivant la tradition orale, qu'une seule gorgée de l'eau sacrée de Zeus rajeunit et offre la possibilité de se remarier. A bon entendeur ! L'autre visage de Thessalonique Lundi 17 juin. Centre de Thessalonique. Pour les amateurs de shoping, il n'existe pas dans la région une aussi intéressante ville commerciale. A la fois station balnéaire et capitale économique de la Macédoine, où siège d'ailleurs le gouverneur Apostolos Tzitzikostas, Thessalonique est dotée d'une architecture moderne, de grandes places et boulevards ouverts sur des sites historiques, particulièrement byzantins et qui n'ont rien perdu de leur valeur matérielle et immatérielle. Mais le fait le plus frappant, c'est que cette ville la plus peuplée du département de Macédoine est d'une propreté irréprochable. Une hygiène de vie qui se reflète dans l'épanouissement très visible chez la population locale. Ici, le laissez-passer porte un nom : les bonnes manières ! Voir Skiathos et mourir ! Mardi 18 juin. Il est 9h. Le bateau baptisé Elizabeth Cruises s'apprête à quitter le port de Platamonas, pour une croisière qui s'annonce très rythmée vu l'accueil des membres de l'équipage du capitaine Kostas Dimitriou. C'est un des personnages les plus populaires de la région. Son atout : l'ambiance et la bonne humeur. A peine le bateau prend le large, il annonce la couleur : «Je veux tout le monde sur la piste de danse». Gare à celui qui désobéit aux ordres. Le capitaine est muni d'un bâton. Musique. Accompagné de ses deux jeunes filles et ses deux garçons qui constituent principalement son équipage, le capitaine lance la danse. La main dans la main, les heureux passagers qui forment un cercle doivent suivre les pas et les gestes du maître danseur. Beaucoup n'arriveront pas à suivre le rythme pour un premier temps. Mais Kostas Dimitriou sait se montrer persuasive : «Apportez la Metaxa. C'est une liqueur grecque que le capitaine a pris le soin de contenir dans une énorme bouteille de cinq litres. «Pour chaque danse réussie, vous aurez droit à une dose de Metaxa.» Il faut dire que rares sont ceux qui n'ont pas trouvé le bon pas après ce deal. Il est midi. L'Elisabeth Cruises jette l'amarre à la station balnéaire Ahilon. La navigation ouvre l'appétit et à peine foulant le sol, les passagers ne manquent pas de prendre d'assaut les restaurants du port. Une variété de poissons à la carte, de quoi reprendre des forces pour la suite de la croisière. Il est 14h30. Cap sur l'île de Skiathos. Ici, Dame nature n'a pas fait l'économie de ses dons. A mesure que le bateau s'approche l'exaltation devient plus grandiose à la vue de la plage Koukounarias. Un décor fait d'une mer bleu turquoise, un sable doré et une forêt en arrière-plan. C'est alors qu'une pensée survient à l'esprit : heureux celui qui rate l'heure du retour. Le mystère des Météores ! Mercredi 19 juin. Kalambaka. Au débouché du fleuve Pénée sur la belle plaine de Thessalie et sur une altitude de 300 mètres, réside un des plus grands mystères du monde. Les Météores. Un ensemble de hauts rochers abrupts couronnés de monastères, de cloîtres et de cellules alors que les diverses grottes ont été transformées en cellule d'ermites pour le monasticisme orthodoxe à partir du 11e siècle. Une véritable forêt de pierres avoisinant mille rochers vertigineux devant lesquels l'esprit humain reste perplexe et interrogatif. Bien que la mythologie grecque ait répondu à une partie de la question, prétendant que c'est le ciel qui a envoyé les météores sur terre pour faire d'eux un lieu de l'élévation spirituelle et de la méditation pour les humains, l'autre partie de la question demeure sans solution : comment des êtres humains ont pu réaliser de tels chefs-d'œuvre sur d'aussi hautes montagnes rocheuses et difficilement accessibles avec les moyens rudimentaires de l'époque ? Beaucoup de visiteurs refusent de croire que la foi est à elle seule suffisante pour la conception d'une telle merveille. Les moines rencontrés au monastère de Vaarlam où, pour l'anecdote, le fameux film de Zorba le Grecquea été tourné, semblent eux bien convaincus de la chose. Ça aura été la journée la plus bénite du séjour ! L'ombre d'Alexandre le Grand plane sur Pieria 20 juin 2013. Katerini, capitale du sous-département de Pieria. En plus de sa grandeur, il y a comme quelque chose de surnaturel qui plane sur cette région. C'est à sup- poser que les divinités du mont Olympe ont pesé de tout leur poids pour la doter de tous les atouts de la nature. Avec une parfaite combinaison de mer et de montagnes, lacs et rivières, falaises et cascades, immenses plages, vastes forêts et espaces verts, cette sous-région de la Macédoine grecque réunit à elle seule, tous les secrets faisant d'une ville une destination touristique par excellence. Surtout que l'accueil particulièrement chaleureux d'une population fougueuse ne fait point défaut. Ce n'est pas tout : pour les amateurs de la bonne cuisine c'est le régal. Fraîche, simple et variée, la cuisine à Pieria ne se résume pas au Tsatsiki, à la Féta et encore moins au «Grec» bien gras. De la viande et du gibier mijoté dans les montagnes, du poisson au bord de la mer, avec beau- coup de bons légumes gorgés de soleil, le tout bien évidemment arrosé d'une huile d'olive hors pair : la cuisine dans cette région est décidément la plus délicieuse mais encore la plus saine de Méditerranée. Si l'aspect naturel y est beaucoup dans l'affluence des touristes à Pieria, l'aspect culinaire l'est tout aussi. Mais le fait saillant, c'est cette récente découverte qui fera certainement de la région de Pieria un lieu de pèlerinage où afflueront les passionnés d'histoire du monde entier. C'est le préfet de Pieria et néanmoins vice-gouvernante de la région central de la macédoine, Sophia Mavridou, rencontrée dans son bureau, qui l'affirme : «A Imathia, un petit village historique et plusieurs fois millénaire de la sous-région, des indices ont été trouvés prouvant qu'il s'agit bel et bien de l'hameau d'Alexandre le Grand.» La journée fatidique ! 21 juin 2013. Journée fatidique, celle du retour. Il est 9h, le bus est stationné en bas de l'hôtel, tout juste le temps de jeter un dernier regard, à partir du balcon de la chambre, sur l'allée de Platamonas. A mesure que le bus se rapproche de l'aéroport, le cœur devient encore plus lourd à l'idée de savoir que dans un instant les yeux s'arrêteront de se poser sur cet ensemble de merveilles. Il y a de par ce monde, des gens et des endroits que même la perte de la mémoire ne peut effacer le souvenir. Thessalonique l'enchanteresse, Magda Mouratidou la sublime et gracieuse dame, Iskra Koleva ou le cœur en or d'une grand-mère, Arkis l'ami et le frère... en font désormais partie. Sans oublier la charmante voisine de l'étage, la jeune Slave Bogdana (Don de Dieu), qui se plaisait à se prosterner au balcon, un verre à la main, écoutant dans le vent la gratte d'une guitare interprétant «Blowin' in the wind» de Bob Dylan. Une évidence : à Thessalonique, le commun des mortels ne se rend pas unique- ment en un simple touriste en quête de vacances, mais aussi et surtout en voyageur qui a soif de découvertes.