Peut-on être, en Algérie, haut cadre ou commis de l'Etat sans que sa droiture, son intégrité, sa probité et son autonomie soient altérées ? Mohamed Kebci - Alger (Le Soir) Parce que des gens de la trempe de feu Mohamed-Salah Mentouri ont existé, existent et existeront encore, l'on ne peut que répondre par l'affirmative à cette interrogation qui relève presque d'un non-sens en cette ère des unanimismes et des résignations et des reniements tous azimuts. Et c'est ce à quoi les intervenants, hier, au Forum de la Mémoire qu'organise hebdomadairement le quotidien El Moudjahid, se sont attelés à l'occasion d'une pensée à la mémoire de l'ancien ministre et de l'ex-président du CNES à l'occasion du troisième anniversaire de son décès des suites d'une crise cardiaque. Ainsi, le natif de Hamma Bouziane, à Constantine, en 1940, avait décliné des propositions beaucoup plus intéressantes que la présidence du CNES, lui qui avait le souci de faire de cette institution le creuset d'expression de la société algérienne et lui conférer toute l'autonomie d'expression et de fonctionnement, son administration étant jusque-là obsolète, témoignera l'ancien chef de cabinet du défunt au CNES. «Il a tant fait pour rendre l'institution utile à la société et pas une caisse de résonance encore moins un contre-pouvoir qu'elle n'a jamais cessé d'être», ajoutera Djamal Eddine Belhadjoudja, pour qui Mentouri avait préféré remettre le tablier le 5 mai 2005 après 9 ans au poste, lui qui était pour la publication régulière des rapports de conjoncture du CNES à l'opposé de ce que désirait l'exécutif. Des rapports semestriels qui mettaient à nu les lacunes de la politique du gouvernement et éclairaient sur la situation globale du pays. Au ministère du Tourisme, il s'était catégoriquement opposé à la privatisaton à tout-va qui allait toucher même l'hôtel El-Aurassi. Il insistait pour que cette opération inévitable de l'ajustement structurel se fasse dans un cadre légal. Au niveau de la sécurité sociale, dont il a assuré la direction au début des années 1970, Aïssa Badis, sous-directeur à la direction générale une décennie durant, témoignera que feu Mentouri avait lutté tout d'abord, pour l'autonomie financière de la Sécurité sociale, ce qui était difficile à faire admettre aux spécialistes partisans de la budgétisation de ces «ponctions» qu'ils assimilaient à de l'impôt. Il avait aussi été le précurseur de la démocratisation du système de Sécurité sociale via l'ouverture d'appendices au niveau des wilayas aux côtés des centres médicaux sociaux ouverts ici et là à travers le pays. Pour sa part, sa sœur et néanmoins ancien ministre elle aussi, Fatiha, a eu un témoignage émouvant en parlant d'un cadre d'une probité inégalée, d'une compétence reconnue de tous, un intellectuel engagé, clairvoyant doté d'une grande hauteur de vue. «Mohamed-Salah n'a jamais été un assoiffé de pouvoir», dira-t-il, regrettant qu'il n'ait pas été «plus audible»..