C'est l'histoire d'un homme qui observe Alger, assis à la terrasse d'un café ou arpentant ses rues... La topographie particulière de la ville, les événements de son histoire récente (notamment ceux tragiques) suscitent en lui des questionnements sur la vie et la mort. Paru aux éditions Barzakh, le premier livre de Samir Toumi se décline comme un récit autobiographique. Ce sont là 166 pages où éclate l'amour pour la ville natale, mais en même temps se manifestent tourments et amertume d'un quadragénaire déçu et blessé par tous les côtés sombres de la cité jadis auréolée de lumière. «De ma terrasse, je vois Alger comme mon reflet, complexe, impénétrable, moi éclaté, choc culturel, choc du relief. Alger est belle et nauséabonde, tout à la fois», écrit l'auteur dès l'entame de ce récit en huit chapitres. L'identification à la cité complexe et tentaculaire rythme alors tout le reste du livre, Samir Toumi évoquant, au gré de ses pérégrinations, cette relation passionnelle faite d'amour et de haine mêlés. Une fusion d'autant plus forte que le cordon ombilical, jamais coupé, le contraint à reproduire — par le moyen de l'écriture — le cri de l'enfant poussé à la naissance. La quête symbolique du «cri», sans cesse renouvelée, illustre la rage de vivre qui habite l'auteur. Mais le cri exprime en même temps sa révolte et sa colère, miroir de tout ce qu'il peut lire sur les visages des passants et sur la triste mine des immeubles délabrés. Souvenirs, images du présent, questions existentielles... tissant la trame du récit, les allers et retours entre Alger et Tunis permettent eux aussi de mieux rebondir. Cela donne comme un effet boomerang aux événements récents ou passés, par exemple «la colère qui monte au pays du jasmin» n'étant pas sans rappeler à l'auteur les événements d'Octobre 1988. A la fin, les va-et-vient incessants entre passé et présent lui font se poser la question qui l'a hanté tout au long du livre : «Suis-je un homme sans futur (...) condamné à me nourrir du passé ?» Des reproductions de vieilles cartes postales d'Alger et des photos de la capitale prises par Samir Toumi au cours de ses promenades agrémentent cet ouvrage très agréable à lire.