Par Hassane Zerrouky Treize groupes rebelles dont trois appartenant à l'Armée syrienne libre (ASL) refusent l'autorité de la Coalition nationale syrienne (CNS, opposition reconnue par l'Arabie saoudite, le Qatar et la France). La CNS n'avait en fait qu'une autorité toute relative sur les insurgés syriens : le Front al-Nosra, Ahrar al Cham, Lioua al-Taouhid (Frères musulmans) et Lioua al-Islam (proche de l'Arabie saoudite) pour ne citer que les plus importants, ne l'ont jamais reconnue en tant que telle. «La Coalition nationale et son gouvernement de transition dirigé par Ahmed Toumeh ne les représentent pas et ne seront pas reconnus», déclarait son porte-parole Abdoulaziz Salameh cité par Reuters du 25 septembre. «Ces forces, ajoutait-il, appellent toutes les forces militaires et civiles à s'unir dans un cadre islamique clair fondé sur la Charia qui doit être la seule source du droit.» Qui plus est, le 27 septembre, rapporte le quotidien Le Monde, une dizaine d'unités combattantes conduites par un autre déserteur de l'armée de Bachar, le colonel Ammar Al-Wawi, ont rompu à leur tour avec la CNS ! Effet boule de neige ? S'il est trop tôt pour l'affirmer, il n'en reste pas moins qu'après le vote à l'ONU sur le désarmement de l'arsenal chimique de la Syrie qui a ouvert la voie à la tenue prochaine de la conférence Genève 2, la défection de ces groupes, très présents dans le Nord et dans les régions autour de Damas, deux bastions de la rébellion, est un coup dur pour la Coalition nationale syrienne et son supposé bras armé l'ASL dirigé par le général déserteur Salim Idriss. Cette défection, qui fragilise la CNS, traduit une nette poussée djihadiste en Syrie, et peut modifier la donne sur le terrain politico-militaire. En tout cas, après que la ville d'Azaz est passée sous contrôle des djihadistes qui en ont chassé l'ASL, cette dernière serait en train de céder du terrain à ses rivaux islamistes dans d'autres régions du pays. Ainsi, après avoir longtemps minimisé le poids des islamistes au sein de l'insurrection syrienne, en faisant croire qu'ils ne dépassaient pas les 10%, les services occidentaux mais aussi certaines composantes de l'opposition syrienne réalisent aujourd'hui l'inanité de leurs affirmations. Pire, Washington, qui était il y a peu de temps prêt à frapper le régime syrien, s'inquiète. Une chose paraît certaine : le poids grandissant des islamistes sur le terrain militaire au détriment de l'ASL rebat les cartes en Syrie. Afin d'y voir clair, qui sont ces forces islamistes ? Il existe une myriade de groupes armés islamistes. Parmi les plus importants – on ne peut tous les citer – Ahrar al-Sham, d'obédience salafiste et membre du Front islamique syrien (FIS), fort de ses 15 000 combattants, établi dans le nord de la Syrie, à Idlib, Alep, Raqqa, Hama, mais aussi autour de Damas. C'est le plus important groupe armé islamiste en Syrie. Arrive derrière Djebhat al Nosra qui, à défaut d'être le plus important, est le plus connu. Se réclamant d'Al-Qaïda, ce groupe de la salafyia djihadiya est connu pour la radicalité de ses positions et de ses actions. Lioua al Islam, Lioua Al Taouhid, Al Farouk dont le chef s'est rendu célèbre en mordant le foie d'un soldat syrien après l'avoir arraché, basés à Alep, Rastan (Homs), Deraa, se sont plus ou moins regroupés au sein d'un Front islamique pour la libération de la Syrie (FILS). Vient ensuite l'Etat islamique d'Irak et du Levant (EIIL) dans les rangs duquel combattent environ 5 000 étrangers (Irakiens, Libyens, Tunisiens, Turcs, Libanais, Tchétchènes, des Européens convertis ainsi que des Pakistanais et des Afghans). Grâce à la complicité turque, l'EIIL tente depuis des mois de prendre le contrôle de plusieurs localités dans le Kurdistan syrien. Quant à Ahfad al-Rassoul et Jabhat Ahrar Souriya, proches des Frères musulmans, qui se battaient il y a peu de temps sous la bannière de l'ALS avant de faire défection, ils sont basés dans la banlieue de Damas où se trouvent également Ahrar al-Sham et Djabhat Al-Nosra. Financés par le Qatar et l'Arabie saoudite, ces divers groupes bénéficient également de l'aide de richissimes hommes du Golfe, saoudiens, koweïtiens et émiratis. Et le fait que la Turquie leur serve de base arrière – l'armée turque fermant les yeux sur leurs activités quand elle ne les aide pas sur le plan logistique – leur donne un certain poids militaire et risque de rendre problématique toute issue politique à la crise syrienne.