Le ton sérieux et le regard décidé, à mon arrivée, ma mère me demanda de les rejoindre, et on m'expliqua que ce jeune homme désirait me prendre pour épouse. Ils attendaient donc mon avis sur cette question que je ne prenais réellement pas au sérieux. Je réfléchis pourtant un moment et je me sentis flattée et impressionnée par cet «homme». Par Katya Kaci Il avait vingt-sept ans, donc dix ans de plus que moi, et je dis «oui». Après son départ, mes parents ont tenté de me raisonner, disant que j'avais tout le temps de faire ces choses-là après, que le bac m'attendait et que tout un avenir restait à construire, mais j'étais déjà conquise, séduite et décidée à revoir ce jeune homme qui s'était ancré en moi en seulement quelques minutes. Je voulais le connaître, être avec lui et rien ni personne ne me feraient changer d'avis. Yanis est donc devenu le futur gendre, une sorte de fiancé-petit copain, on s'appelait tous les jours et il venait me rendre visite chez moi quelquefois. On sortait, accompagné de l'un de mes frères ou de ma mère, et je l'aimais de plus en plus d'un amour qui me submergeait. Je repris la route du lycée, et désormais, je n'avais plus autant d'amis garçons, Yanis était extrêmement jaloux et je ne voulais nullement le contrarier ni encore moins le perdre. Après quelques mois de relation, je sus que mon futur mari ne désirait pas que sa femme travaille ; il était riche héritier, en plus d'avoir une société à gérer et sa compagne ne pouvait décemment pas se faire malmener dans un boulot payé une misère, alors qu'il pouvait lui offrir tout ce dont elle rêvait. cette idée, même en paradoxe avec mes ambitions antérieures, germa dans mon esprit, je l'envisageais sérieusement et me sentais fière d'avoir un fiancé aussi puissant et protecteur qui me promettait une vie de rêve et de nonchalance, ce dont toute fille rêvait en secret et qui ne se concrétisait que pour certaines chanceuses comme moi. Ma mère, à qui j'avais raconté les projets de Yanis, resta sceptique et me conseilla un peu plus de réflexion, mais elle me laissa décider toute seule de ce que je voulais faire de ma vie. L'épreuve du bac arriva donc mais loin de la préparation de l'année passée, j'étais prise dans le tourbillon de l'amour et des sorties, restaurants, plage et shopping épiçaient maintenant mon quotidien. Mon père me faisait des remontrances à l'occasion, mais ma mère me défendait toujours, disant que je savais ce que je faisais, et qu'en plus, je risquais fort bien de ne rien faire de ce fameux diplôme. En effet, comme appréhendé par mes parents, j'échouais encore une fois au bac, mes résultats étaient catastrophiques, mais cela ne me faisait rien du tout, j'étais heureuse en amour, mon avenir s'annonçait radieux et mon seul projet était de finir mes jours dans les bras de mon adoré. Après que mes parents aient eu le temps de digérer ce second échec et qu'ils se soient résignés à mes nouveaux projets d'avenir, nous avons célébré les fiançailles et lu la fatiha. J'étais aux anges et tout se passait comme je le souhaitais. La seule chose qui avait changé était le fait que je n'avais plus le droit de sortir, mon fiancé étant protecteur et jaloux, il ne voyait pas l'utilité pour moi de sortir, il me promit par ailleurs de venir me voir très régulièrement pour m'acheter tout ce que je désirais sans que j'aie à faire le moindre effort et risquer aussi de me faire embêter par les jeunes dehors. Cette période de fiançailles dura deux années, deux longues années, où je suis restée cloîtrée, de mon plein gré, et durant lesquelles mes parents ne me comprenaient plus. J'étais devenue agressive et nerveuse et n'acceptais pas que l'un de mes proches se permette de critiquer mon fiancé et ces décisions. Il avait ses raisons, et j'étais seule à assumer ses exigences. Ils acceptèrent donc progressivement toutes les restrictions qui allaient des tenues qu'il voulait amples et discrètes aux relations familiales limitées aux proches du même sexe. L'étau se resserrait autour de moi, mais l'amour me faisait toujours voir les choses sous un angle positif et compréhensif. Cependant, et au bout de la seconde année, Yanis ayant espacé ses visites pour des raisons professionnelles, je sombrais dans une dépression qui se transforma en anorexie. Je me trouvais de plus en plus laide, et surtout grosse, les vêtements que je portais me serraient trop parce que j'étais, à mon sens, obèse et difforme et j'entrepris alors un régime hypocalorique. Grâce à un livre de ma mère sur la nutrition de Demis Roussos , j'appris à compter les calories qui se trouvent dans chaque aliment, je limitais ma consommation journalière à une centaine de calories et me faisais vomir en cas d'excès, je dormais beaucoup pour ne pas sentir la faim et la fatigue et aussi parce que je m'ennuyais trop entre ces quatre murs. Avec mes parents, la relation était devenue tumultueuse, je ne m'entendais plus avec ma mère qui était autrefois mon amie et mon père est devenu un ennemi parce qu'il acceptait de moins en moins cette relation qu'il disait «dévastatrice sur sa fille». Moi, je voyais les choses différemment, mon futur époux préférait les femmes minces et je me devais de le contenter. Les quelques visites auxquelles j'eu droit avant mon mariage me comblèrent au plus haut point, surtout que mon ami me faisait des compliments sur ma nouvelle silhouette. Je mesurais un mètre soixante-dix et je pesais quarante kilos, et avec du recul, quand je revois les photos prises à l'époque, je trouve que j'étais cadavérique et je me demande comment cet homme disait me trouver aussi bien. Les noces ont été fêtées de façon grandiose, et les deux années d'attente se sont évaporées de mon esprit. J'ai rejoint mon nouveau foyer, certaine que les choses iraient mieux dorénavant. Pourtant, et après les premiers jours de découverte et de prise de repères, j'ai découvert une autre façade de mon époux.