[email protected] Ce jour-là, le bus n'était pas bondé. Zahia, assise sur son siège, avait les yeux rivés sur un jeune homme. Elle ajuste ses lunettes pour corriger sa vue. «C'est lui, j'en suis sûre. Mais il a grandi.» Le garçon, 18 ans à peine, ne l'avait même pas remarquée. Pensif, il comptait les mouches au plafond. Zahia ne lâche pas prise. «Mais je connais cette tête. Il n'y a aucun doute.» Elle l'appelle. -Dis-moi, tu ne serais pas Hakim ? Surpris, il sourit en rougissant : - Oui. - Approche. Elle le dévisage, lui tend la main et lui dit avec tristesse : - Tu ne m'as pas reconnue ? - Non, lui répondit-il confus. - Je suis ta tante Zahia. - Ah! oui, celle qui habite devant la staton-services ? - Exactement. Tu as changé, t'es devenu aussi grand que ton père. Au fait, comment il va ? - Il va bien. - Tu travailles ? - Non. Elle s'adresse à sa voisine «C'est incroyable comme le sang attire. C'est mon neveu», dit-elle avec un long soupire. - hakim, inscrits-moi ton numéro de téléphone. Hakim est déstabilisé, il demande à une jeune fille de le faire pour lui. Zahia, étonnée remarque : - Tu n'as pas été longtemps à l'école, toi. - Non. Je ne comprenais pas grand-chose, je dérangeais le maître, qui me mettait toujours au fond de la classe, il m'humiliait et me battait, alors j'ai décidé de ne plus remettre les pieds en classe. C'est malheureux, pense-t-elle. -Et ta mère, comment va-t-elle ? -Elle est souvent malade, depuis qu'elle s'est faite opérée de la vésicule. - Son frère vient la voir ? - De temps en temps. - Vous êtes toujours dans la seule pièce qu'on vous a cédée ? - Oui. On se sent de plus en plus à l'étroit. - Que voulez-vous faire. Ils ont décidé que c'est tout ce qui vous revient. Tout juste un abri pour ne pas vous retrouver dans la rue. Zahia ôte ses binocles et essuie une larme. Elle n'en revient pas que le fils de son frère ne l'ait pas reconnue. Celui qu'elle n'a pas vu depuis plus de dix ans pour une histoire d'héritage. Son frère a coupé toute relation avec sa sœur pour ça. Mais les liens du sang sont plus forts. Hakim, elle l'a reconnu, et elle n'a plus l'intention de le perdre. Lui, il n'y est pour rien. Ils s'échangeront leurs numéros de téléphone, et se donneront rendez-vous ce jour même. - Je vais à l'hôpital Maillot rendre visite à ma cousine. On se voit devant la porte à 13 h. Tu y seras, promis ? Je t'appellerai dès que j'arrive. Si tu es en avance, il y a un café juste à côté, tu m'y attends. -D'accord, j'y serai. Hakim descend. Zahia continue son parcours jusqu'au terminus, heureuse de ses retrouvailles.