[email protected] Il avait suivi de brillantes études à l'Ecole nationale d'administration. Tout le prédestinait à une carrière prometteuse. Son père était fier de lui lorsqu'il fut nommé diplomate en Norvège. Il était heureux, car la vie dans son pays ne lui plaisait guère. Tout petit, il rêvait de partir, devenir «quelqu'un», comme lui répétait son grand-père. Jeune, beau garçon, consciencieux, un vrai gentleman respecté de tous. Lorsqu'il rentrait au pays, histoire de revoir sa famille, il ne manquait pas de s'accrocher avec son cadet. Ce dernier, diplômé de l'Ecole nationale de vétérinaires, était aigri, car il n'avait pas cette chance de changer de pays et d'y vivre avec tous les honneurs. Il jurait par tous les Dieux, qu'un jour ou l'autre il quitterait l'Algérie qu'il accuse de ne pas lui avoir offert un travail et qui a fait de lui un diplômé chômeur. Au bout d'une énième tentative, il obtint son visa. Il sautait de joie, et ne perdant pas une minute, il achète un billet et dans sa petite tête, il décide d'un aller sans retour. «Enfin la liberté ! La belle vie !» criait-il. La durée du visa arrive à expiration, mais notre vétérinaire n'en a cure. Il n'a nullement l'intention de retourner chez lui, advienne que pourra ! Ni les mises en garde de son père ni celles de son frère aîné n'ont pu le faire plier. «Maintenant que j'y suis, j'y reste. Pas question de me faire refouler». Son statut de harrag vaut mieux pour lui que la vie dans son pays et personne ne pourra lui faire changer d'avis. Il se cache, travaille au noir et veille à ne pas se faire attraper, une chance pour lui qu'il n'ait pas le faciès. Une situation qui dure depuis plus d'un an et qui inquiète ses parents qui n'ont pas pu lui faire entendre raison. Et lorsqu'on lui demande des nouvelles de ses enfants, le père répond avec un rictus : «L'aîné est diplomate en Norvège, et le cadet harrag.»