Par Boubakeur Hamidechi [email protected] Ne sont-ils pas en train d'engager leurs paroles dans le funeste rouage de la compromission ? Quels que soient les respectables curriculums de carrière que certains possèdent tout aussi bien que les notoriétés originales que d'autres mettent en avant, il est, hélas, difficile de donner raison à leurs annonces, même si formellement ils sont parfaitement en droit de postuler. Encore fallait-il, en conscience, que chacun d'entre eux ait pris la mesure des conséquences futures qui en résulteraient lorsque tout cela sera emballé par les officines du système puis vendu comme un plébiscite à travers de virtuelles urnes. En ne faisant pas cas de la défiance de l'opinion tout en n'abordant que du bout des lèvres seulement la crise institutionnelle que connaît le pays, ils pourraient bien se retrouver en avril 2014 dans les rôles de figurants. Sans même le statut d'outsider et encore moins celui de challenger, possédant l'épaisseur politique et le rayonnement de leader, il n'y aura alors aucune «glorieuse incertitude» d'une urne plombée en amont. C'est ainsi d'ailleurs que naissent dans les terriers (terreaux ?) du régime les lièvres qu'il préfère et dont il en a fait ponctuellement ses faire-valoir électoraux. Les présidentielles de 2004 et 2009 témoignent encore de ces sordides pratiques qui ont valu à ce genre de compétiteurs-alibi l'humiliation finale à travers des taux de voix ridicules. Or, qu'y a-t-il de changé depuis, si ce n'est la morgue et la férocité de l'entourage d'un despote usé mais dont il claironne qu'il ne renoncera pas aux ors du palais. Sellal l'ayant souligné à partir d'Adrar et Belaïz, le ministre de l'Intérieur, l'ayant, à son tour, traduit en garde-fous réglementaires, que reste-t-il alors de marge aux vertus des scrutins pour encore susciter des vocations ? Aucune, si ce n'est celui de changer du tout-au-tout la perspective du combat en faisant campagne contre l'imposture et en appelant à la fois au boycott des simulacres et en remettant au placard les ambitions personnelles. En cet an de grâce 2013, nul n'a désormais le droit d'affirmer qu'il ne pouvait pas se douter de l'étendue de l'escroquerie qui se prépare ni du double langage des préposés au tripatouillage de la loi fondamentale. L'irréparable pour le pays, étant en train de s'accomplir, qui doit-on exclure de cette complicité passive, faite de silence mais aussi d'opportunisme indécent ? Au moment où des motions circulent qui dénoncent la dérive de la morale de l'Etat et, par voie de conséquence, le recours intempestif au fait accompli, que doit attendre la société de cette opposition politique, si ce n'est de prendre le relais de sa colère ? Mais c'est le contraire qui se passe illustrant d'ailleurs le déplorable décalage de ces officines partisanes par rapport au péril qui se dessine et qui disqualifie en ce sens, un peu plus celles-là. Une étonnante frilosité qui dessert mortellement la perspicacité de l'opinion et dont la traduction est parfaitement lisible dans les pages des journaux et sur internet. Alors que les spécialistes de tous bords concluent que l'Algérie présente des symptômes alarmants dans tous les domaines et que l'élite qui la gouverne a manifestement une vision trouble des mutations qui s'opèrent à son insu dans la société, pourquoi donc la classe politique ne se charge-t-elle pas d'interpeller les faiseurs de régime jusqu'à aller à l'affrontement afin de mettre fin à un diktat archaïque ? Si oui, comme il était espéré en vain, pour quelle raison continue-t-elle encore à camper dans un légalisme étroit et se contenter d'arguties de scrutateurs auprès d'un ministre en évoquant des garanties de transparence alors que le préalable nodal était de dire qu'il faut mettre un terme à la présence-absence d'un chef de l'Etat demeuré trop longtemps à son poste ? Peu importe celui qui lui succédera, dès l'instant où certaines interférences dans l'orientation des urnes seront moins pesantes, car les gains politiques à terme seraient multiples. D'abord le prochain scrutin inaugurera une sorte de déclic psychologique dans le retour de la confiance de l'électeur dans les institutions du pays, ensuite la même dynamique rendra plausible, faisable et même impératif le projet historique d'une seconde république à travers une constituante en phase avec son siècle. Etonnamment, les partis les plus en vue et les personnalités influentes semblent ne plus s'intéresser à ce que l'on peut appeler le «réarmement moral et politique» de la nation. Trop préoccupés, les uns, par les dividendes qu'escomptent leurs appareils, et les autres par les atouts qu'ils possèdent pour se projeter dans des ambitions personnelles, ils finissent par intégrer dans leurs stratégies ou leurs démarches les critères et les règles d'un jeu de dupes que le système a depuis longtemps élaboré et qu'il ne module qu'en fonction de sa survie. Voilà pourquoi à la veille des grands rendez-vous, des lièvres font du «buzz» dans les médias avec le secret espoir d'être retenus pour le show final avec la clé des défaites consenties en contrepartie d'un financement avec l'argent du contribuable. Un affligeant tropisme du mercenariat politique qui démonétise la politique elle-même.