«Tamazight : état des lieux et attentes» a été le thème d'une conférence-débat animée samedi par Djamel Ikhloufi, chargé de la formation des enseignants de tamazight, et Mohammed Adjal, enseignant de tamazight à Béjaïa. Lors de cette rencontre-débat, organisée à la salle de la bibliothèque municipale, par le Café littéraire de Tinebdar (Sidi-Aïch), en collaboration avec le mouvement associatif local, les deux conférenciers ont choisi le langage des chiffres tirés de leur expérience sur le terrain pour présenter l'état des lieux de l'enseignement de tamazight en Algérie tout en se référant aux textes de loi régissant l'apprentissage de cette langue «otage de l'idéologie arabo-islamique», a-t-on déploré. Lors de la conférence, les données qui ont été communiquées montrent les contradictions entre le discours des pouvoirs publics, qui renvoie une situation de prise en charge «positive» de l'enseignement de cette langue, et la réalité du terrain «lamentable», a-t-on précisé. De prime abord, Mohammed Adjal attire l'attention du public nombreux ayant assisté à la rencontre, sur ce qu'il qualifie de «manœuvres» des pouvoirs publics, ayant déclaré que tamazight est enseignée dans 38 wilayas. «Pour mieux mesurer la volonté des autorités sur la prise en charge de tamazight, il suffit d'analyser son évolution en dehors de la Kabylie», a-t-il estimé, avant d'ajouter : «Il ne faut pas mentir aux Algériens. Dire que tamazight est enseignée dans les 38 wilayas est un mensonge qui ne dit pas son nom. Nous assistons plutôt à l'introduction timide de tamazight dans 38 wilayas.» Le conférencier relève une dotation de 2 757 enseignants seulement à travers le pays, représentant 0,56% du nombre total des enseignants à travers ces wilayas tout en soulignant que «dans certaines wilayas comme Tindouf, Biskra, Oran, Tamanrasset et Alger, il n'y a respectivement que 1, 2, 5, 24 et 36 professeurs». Mohammed Adjal n'a pas manqué au passage de soulever des problèmes liés à la situation sociopédagogique des enseignants, qui souffrent, entre autres, de l'indisponibilité du livre scolaire. «Faisant partie en majorité de la Kabylie, ces enseignants trouvent beaucoup de difficultés sur le plan de l'hébergement. Certains, pour compléter leurs volumes horaires, sont contraints de se déplacer dans 3 à 4 écoles à leurs frais, sachant que les nouveaux profs ne sont rémunérés qu'après plusieurs mois d'exercice dans un environnement très souvent hostile», affirme-t-il. De son côté, sur le plan législatif et idéologique, Djamal Ikhloufi, tout en mettant en avant les lois qui ralentissent l'apprentissage de tamazight, indique que «la loi sur l'orientation scolaire élaborée en 2008 est à l'origine de ces maux, en plus du fait qu'elle véhicule l'esprit du caractère facultatif de l'enseignement de tamazight, car elle n'a pas pris en considération le statut de langue nationale consacrée par la Constitution de 2002». Pour lui, cette situation démontre l'absence d'une volonté politique de prendre en charge tamazight qui reste une question fondamentalement «politico-idéologique». Djamal Ikheloufi n'hésite pas à parler de «mauvaise volonté» des pouvoirs publics comme le relève la maigre dotation budgétaire de 2017-2018, où le taux de postes budgétaires créés pour cette langue est de 0,59%, soit 59 postes sur 10 000, dont 31 en Kabylie, signale-t-il. «La généralisation de la langue, selon les autorités, touche 343 725 élèves, ce qui représente un taux insignifiant de 3,15% d'Algériens seulement qui suivent des cours en tamazight», ajoute l'orateur qui a soutenu qu'il «faut en premier lieu un amendement de la loi d'orientation sur l'éducation et la promulgation d'une loi organique-cadre pour la promotion de tamazight». Par ailleurs, présent à la rencontre, le nouveau P/APC de Tinebdar, Hadjal Mustapha, a réitéré son engagement à «mettre tous les moyens nécessaires à la disposition du mouvement associatif local pour lui permettre d'activer dans les meilleures conditions».