Avec son charisme, son amour pour la cuisine, Hanane était destinée, un jour ou l'autre, à atterrir dans un restaurant. Mais elle était loin de se douter qu'elle gérerait les relais de Paris, un établissement de franchise française où l'on savoure la gastronomie raffinée. Elle est le maître à bord depuis son ouverture le 2 mars dernier après sa construction sur les vestiges du Suchi Bar situé sur les hauteurs d'El-Biar, un restaurant qui nous renvoie aux années 1970. L'idée a germé dans l'esprit du propriétaire, établi en France et qui, un jour, en goûtant une entrecôte dans un relais de Paris, s'est dit : «Pourquoi pas réaliser sa réplique en Algérie ?» Aussitôt dit, aussitôt fait. Hanane saisira l'opportunité en répondant à une annonce parue dans un réseau social, même si après ses études universitaires elle se voyait plutôt femme d'affaires. «Licenciée en commerce, gestion financière, je ne voulais pas rater l'occasion, d'autant que le propriétaire cherchait une gérante. Il avait l'intime conviction qu'une femme pouvait aussi bien gérer un établissement de cette envergure, que des hommes. J'avoue qu'en postulant je n'imaginais pas que ma candidature allait être retenue. Mais le rêve est permis ! J'étais la femme la plus heureuse quand j'ai eu le poste.» Originaire d'Oran où elle habite, mariée, deux enfants en bas âge, une situation qui n'a pas découragé Hanane qui, après concertation avec son époux, a décidé de quitter sa ville natale avec ses deux enfants pour s'installer à Alger, une ville qu'elle ne connaissait pas. «Ce n'était pas du tout évident pour moi, avoir la responsabilité de tout un établissement, m'acclimater à une nouvelle vie, cela me faisait peur, mais j'avais confiance en moi, car je suis exigeante envers moi-même. J'ai vécu dans une famille où l'on aime la bonne chair, j'adore ma cuisine où je m'éclate en mitonnant toutes sortes de plats et en réalisant de la fine pâtisserie. Je suis née et j'ai évolué dans ce milieu. De plus, j'ai fait des petits boulots dans ce sens, mais de là à gérer un restaurant gastronomique, cela était du domaine du rêve. Un rêve qui s'est réalisé. Du pur bonheur pour moi.» Une femme de fer qui dirige une équipe de professionnels triée sur le volet. Un établissement de quatre étages ultramoderne flambant neuf, où le tapis rouge vous est déroulé et une charmante hôtesse vous accueille, deux ascenseurs vous conduisent à des niveaux très personnalisés, où chaque frange de la population se retrouve, des étudiants qui se rencontrent au lunch pour surfer sur le net ou bouquiner, lovés sur des fauteuils confortables, car une petite bibliothèque est mise à la disposition des clients; un restaurant à l'ambiance très feutrée au mobilier rustique accueille les couples pour une soirée romantique où l'on mange raffiné, une terrasse qui surplombe Alger pour ceux qui préfèrent l'air libre tout en dégustant une entrecôte avec sa sauce originale dont la recette demeure secrète, le seul accompagnement, importé du pays d'origine ; ou en sirotant un thé ou un bon chocolat chaud. Le client est roi aux relais de Paris. Hanane y veille. Elle est présente depuis l'ouverture jusqu'à la fermeture. «Il m'arrive de rentrer à minuit chez moi, surtout lorsque je reçois des délégations diplomatiques, où lorsque nous organisons des réceptions ou des fiançailles. Avec mon équipe d'enfer, jeune, dynamique et très impliquée, nous vérifions les moindres détails. Tout doit être parfait. Pour l'anecdote, un jour mon briefing quotidien a duré longtemps exceptionnellement, juste pour des instructions sur la décoration d'une table. Même le stationnement est prévu. Quand c'est saturé, il y a un véhicule disponible chargé de récupérer les clients et de les raccompagner chez eux après le repas. Et je rends des comptes tous les jours au patron qui est mis au courant de tout ce qui se passe dans son établissement. On ne le voit pas souvent, mais il veille au grain même de loin. Nous n'avons pas le droit à l'erreur. Mon chef me fait entière confiance, car j'ai fait mes preuves, il m'a donné carte blanche.» Hanane a suivi la construction de «son «restaurant» pierre par pierre. Elle en parle avec passion : «C'est comme mon bébé. Petite déjà, je rêvais de posséder mon propre restaurant, aujourd'hui je n'ai plus cette ambition, mon resto je l'ai, et je ne suis pas près d'en changer. Je n'ai pas le sentiment d'abattre des heures de travail, mais plutôt l'impression d'accomplir une mission que je me suis assignée. Je sentirai peut-être la fatigue dans 40 ans ; je n'en ai que trente, j'ai encore le temps.» A notre question de savoir si elle arrive à allier travail et vie de famille, Hanane nous répond tout de go : «Ne croyez pas que je suis une mauvaise mère. Mes enfants je les vois, ils ne manquent pas d'affection. Quant à mon époux, je lui parle toute la journée au téléphone, on se voit régulièrement. Lui aussi est pris par l'ouverture, en cette fin de décembre, d'un deuxième relais de Paris à Oran dont la gestion lui a été confiée (le projet de la construction d'un troisième à Annaba n'est pas exclu). Heureusement pour nous, nous faisons le même métier, même séparément, l'entente est assurée. On s'échange nos expériences, nos idées, c'est enrichissant.» Hanane est convaincue d'une chose : elle ne pourra jamais changer de métier. «C'est comme si j'avais fait cela toute ma vie.»