C'est incontestablement une réélection de Bouteflika au forceps que le clan présidentiel tente désormais, usant au besoin, de la grosse artillerie pour s'ouvrir le chemin. Et, parce qu'elle est problématique à plus d'un égard, la reconduction de Bouteflika donne lieu à un affrontement public entre le clan présidentiel et le DRS, à l'évidence opposé au scénario. Sofiane Aït Iflis- Alger (Le Soir) Si l'on devait s'arrêter sur un qualificatif concernant l'élection présidentielle du 17 avril prochain, c'est sûrement celui de rendez-vous inédit dans les annales des consultations électorales que le pays a eues à vivre depuis l'indépendance. Généralement, les tiraillements au sommet de l'Etat à l'approche d'une telle échéance capitale, ne dépassent pas les murailles du sérail. Cette fois-ci, c'est à un déballage public que l'on assiste. Un déballage inédit au demeurant, tant est qu'il est empreint d'affolement, à mesure qu'approche la présidentielle. En d'autres situations, les choses se seraient assurément passées autrement. Ce qui fait que les choses aient dérivé dangereusement, c'est que le clan présidentiel ne trouve aucun argument à faire valoir quant au renouvellement du bail pour Bouteflika. Le vague slogan de stabilité, répété jusqu'à l'overdose par le Premier ministre Abdelmalek Sellal, manque de convaincre, dès qu'il est confronté à la réalité d'un président malade, invisible et sans voix. Le président Bouteflika ne s'est plus adressé à la Nation depuis son discours de Sétif, en 2012, quelque temps avant la tenue des élections législatives. Dans ce discours-là, d'aucuns s'en rappellent, Bouteflika s'était fendu d'une déclaration qui a fait le buzz. «Tab Djna'ni», a-t-il insisté, laissant entendre du coup, que la succession était ouverte. Peut-être pour en écouter l'écho que cette déclaration allait susciter, Bouteflika, depuis, s'est drapé dans le silence. On peut supposer qu'il s'était volontairement rendu à un tel choix. Mais depuis le 27 avril 2013, jour de son AVC et de son évacuation d'urgence au Val-De-Grâce, en France, son silence est forcé. L'une des séquelles de l'AVC est que Bouteflika a perdu, non point la motricité, mais aussi l'usage de la parole. D'ailleurs, les séquences télévisuelles où il est montré recevant Sellal, Gaïd Salah ou des convives étrangers, sont des films sans paroles. Et c'est la candidature de cette personne complètement diminuée, forcément incapable d'articuler ne serait-ce qu'un court toast, que l'on travaille à imposer aux Algériens. Les courtisans qui se recrutent au sein de la classe politique, comme dans l'univers syndical et associatif, ont dû lire, à la va-vite quelques manuels, traitant du conditionnement des masses pour jouer inlassablement la sérénade d'un 4e mandat. L'idée première étant de faire admettre que la candidature d'un président gravement affecté par la maladie est concevable. Un chef de parti, le responsable du MPA pour ne pas le citer, s'est même permis d'affirmer que «le cerveau de Bouteflika fonctionne mieux que tous nos cerveaux réunis». Manière très maladroite de vouloir soutenir que, même malade et convalescent, Bouteflika a toujours la capacité de gouverner. Ça a fait rire. Sans plus. Après le candidat de consensus, le candidat sans voix.