De notre bureau de Bruxelles, Aziouz Mokhtari Marc Wilmots, le sélectionneur belge, passe à l'offensive en menant un triple discours. L'un envers ses compatriotes, l'autre destiné à l'Algérie et le troisième s'adresse à la Russie. Pour autant, les propos du chef du staff technique diable rouge contiennent certes des contradictions mais par périodes de guerre psychologique, cela passe comme une lettre à la poste. D'autant que personne n'est dupe. Ni les Russes, ni les Algériens, ni les Belges, d'ailleurs. Si la Corée du Sud n'est jamais citée, ou si peu, dans le discours wilmotsien, c'est aussi pure tactique. Nous verrons pourquoi. Interviewé par plusieurs télés fédérales du royaume et en aparté, par une algérienne, Wilmots dit : «Je m'attelle, présentement, à visionner. quelques matchs livrés par l'Algérie.» Et, poursuit-il, «notamment celui contre le Burkina Faso à Alger (Blida, ndlr)». Ce qui est, évidemment, faux, puisque l'Algérie est scientifiquement pistée depuis sa qualification au Brésil à l'issue de la rencontre contre les Burkinabé au retour. Mieux, dès le match aller (3-2 à Ouagadougou), une cellule Algérie a été mise sur pied, parce que, selon les prévisions belges, avérées, d'ailleurs, justes, le Burkina Faso n'avait aucune chance de passer à Tchaker. Georges Grün, ex-joueurs commentateur avisé, écouté et faisant autorité, ici, a été, dès lors, chargé de diriger le pool-Algeria et de remettre rapport sur rapport. L'Union belge de football lui a aménagé un poste budgétisé sur mesure pour qu'il émarge ailleurs que dans la dotation de la sélection fédérale. Les bons comptes font les bons favoris... Georges Grün a même été instruit de ne pas trop communiquer sur le dossier, laissant le soin à Wilmots de bavarder pour tromper les adversaires. Ce que fait, avec brio, ce dernier. Par rapport à la Russie, la vigilance est aussi de mise, si elle ne l'est davantage. Les médias belges savent, parfaitement, qu'un «Monsieur Russie» est en activité mais refusent de divulguer son nom. Il semble acquis, cependant, que Fabio Capello, le rusé italien de Russie, le connaît. En réponse à une question relative à la question, maître Capello a déclaré : «Je sais que les Belges nous respectent parce qu'ils nous font l'honneur de ne pas désigner quelqu'un spécialement chargé de nous superviser...» Avant de rajouter : «Peut-être qu'ils savent tout de nous et qu'ils ont suffisamment de données sur notre jeu...» Ce qui indique, bien sûr, que les Russes n'accordent aucun crédit aux allégations partant de Bruxelles. Eux qui sont maîtres du jeu d'échecs, de l'art du secret et pour qui l'espionnage est une science qui doit taquiner la perfection. Reste la Corée. En la détachant du groupe H dans les déclarations officielles, Wilmots semble s'accommoder des mystères de préparation des Asiatiques. En ne divulguant rien sur eux, le sélectionneur fédéral évite, ainsi, d'informer les autres sur ce qu'il sait du groupe coréen. Un détachement de suivi de cette nation est évidemment opérationnel depuis longtemps. Cette semaine, Wilmots a, c'est perceptible, décidé de parler et de communiquer. Il met en place un véritable système de coopération avec les médias, tant belges qu'étrangers. Il reçoit régulièrement, tient informé le peuple diable de tout, organise une visite guidée via les réseaux sociaux du site qui héberge sa sélection au Brésil et donne des précisions sur tel ou tel potentiel sélectionnable. Il serait naïf, cependant, de prendre pour vérités absolues les paroles de Wilmots. Dans le flot des mots, des contre-vérités et des pièges pour induire en erreur les adversaires y sont glissés. Aux Russes, aux Algériens et aux Coréens de démêler l'écheveau. Wilmots n'est pas là pour faire des cadeaux aux uns et aux autres. Ce n'est pas son job. Des journalistes, surtout ceux de la presse écrite, croient, pourtant, savoir que le sélectionneur fédéral est inquiet, anxieux, stressé. Notamment, écrivent-ils, sur le temps de jeu «inhumain» de Eden Hazard à Chelsea. Selon un canard néerlandophone, Wilmots sera la semaine prochaine à Londres pour s'entretenir — à sa demande — avec José Mourinho pour amener le coach du club richissime des bords de la Tamise à permettre à Hazard de souffler un peu. Pas sûr que Mourinho accède aux doléances de Wilmots. Les priorités de l'un ne sont pas nécessairement celles de l'autre. Le poste de gardien de but préoccupe aussi la direction technique. Thibaud Courtois, sommité mondiale dans son poste, présente actuellement des signes de fléchissement inquiétants. A Madrid où il officie en portant les couleurs de l'Atletico, la presse belge se dit sûre que son entraîneur l'aurait sérieusement sermonné. Ce qui relance, ici, le sempiternel débat Courtois-Mignolet. Ce dernier évoluant à Liverpool, excellent keeper, selon certains, meilleur que Courtois, aurait, dernièrement, menacé de ne pas se contenter d'être l'éternel n° 2. «Je suis Diable rouge, oui, mais si je suis en meilleure forme, je ne vois pas pourquoi, je chaufferais le banc». Bataille d'ego ? Crise larvée en interne ? Lobbies poussant les uns contre les autres ? Wilmots doit gérer, mais il se serait passé de ces passes d'armes. D'autres contrariétés sont répertoriées qui indiquent que d'ici juin, le chemin de Wilmots est pavé de difficultés. Blessures (Lukaku), méforme (Vincent Kompany), peu de temps de jeu (de Bruyne), perte de confiance (Mirallas), plusieurs étoiles sur un même poste. En inscrivant trois buts avant-hier, Eden Hazard a rajouté à l'angoisse de Wilmots. En étant inégalable au mois de février, en juin la géniale étoile belge risque de s'émousser, de n'être que l'ombre d'elle-même, d'errer comme une âme en peine à Belo-Horizonte et ailleurs. Les Diables n'en sont pas là. A chaque jour suffit sa peine...