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Le cri de colère des Aurès
Publié dans Le Soir d'Algérie le 18 - 03 - 2014


Par Haider Bendrihem
Ex-Député de Batna
[email protected]
Un poète marocain criant sa colère contre la répression et les injustices subies par le Makhzen du roi disait : «Retenez vos chiens, nos lions risquent de se lâcher.»
Il est tout à fait clair, avec la dernière dérive du directeur de campagne du candidat-Président Abdelmalek Sellal, que l'oligarchie régnante sous l'ivresse du pouvoir, se prend la tête et se croit tout permis. Ce comportement est semblable à plus d'un égard à celui des colons les plus zélés qui, ayant perdu espoir de garder l'Algérie, avaient tiré leur venin contre tous ceux qui avaient dans leur cœur l'indépendance de leur pays.
Sellal, ex-chef de daïra devenu Premier ministre par la grâce d'un Président impotent, croit que tout lui est permis en usant et en abusant de blagues tissées contre des populations algériennes, dans la même tradition léguée par la colonisation qui faisait passer le paysan algérien en bougnoule qui serait imperméable à la civilisation et incapable d'intégrer l'ère de la modernité. Sa plaisanterie frise le sketch chorba hérité de la France colonialiste qui montrait l'Algérien dans ses différentes facettes, Kabyle, Chaoui, Guebli, Sahraoui ou Jijeli, sous une posture réfractaire au progrès et la modernité. Voilà ce que fait Sellal quand il passe son temps à rire et faire rire les autres, en racontant des blagues sur les gens de Mascara ou en insultant toute une région du pays, comme il vient de le faire. C'est à se demander si Sellal n'a pas finalement raté sa vocation. Il aurait bien réussi en faisant le bouffon sur scène au lieu de le faire à partir de son statut de Premier ministre payé par l'argent du contribuable.
Cet ex-chef de daïra assume des responsabilités depuis 40 ans au sein des instances de la République, ce qui n'a pas pour autant forgé en lui l'image du commis de l'Etat et tout le sens de la retenue que cela suppose. En adolescent politique, il continue à traiter les questions hautement politiques de la façon la plus vulgaire. L'ivresse du pouvoir aidant, il a confondu entre la satire et la raillerie contre ses concitoyens, pour s'engouffrer dans un comportement d'une ruralité évidente transformé, pour les besoins du quatrième mandat d'un Président malade, en un discours politique de circonstance.
Finalement, cet ex-chef de daïra devenu Premier ministre n'a rien à vendre en dehors de ses blagues d'un mauvais goût. Sinon, comment expliquer que quelqu'un qui a passé 40 ans dans les arcanes du pouvoir ne sait même pas communiquer, ni tenir un discours cohérent. Les Algériens avaient découvert, lors de la conférence de presse animée suite aux événements de Tiguentourine, un Premier ministre perdu qui ne sait même pas parler avec son peuple, et qui était incapable de convaincre la presse étrangère venue en force couvrir l'évènement. Sa piètre prestation restera gravée dans la mémoire des Algériens qui venaient de découvrir le niveau atteint par le personnel politique qui le gouvernait. Un Premier ministre bégayant, incapable d'articuler correctement une phrase dans une seule langue.
Que peut-on réellement garder de Sellal l'ex-Premier ministre devenu directeur de campagne de ces périples l'ayant conduit dans les 48 wilayas du pays ?
Rien, absolument rien de bon qui puisse augurer d'un avenir pour notre pays. Pourtant ce ne sont pas les problèmes qui manquent en Algérie et dans les différents secteurs.
En dehors de ses blagues, l'Algérien gardera un mauvais souvenir d'un Premier ministre qui, dans le sillage de son règne, les Algériens se sont entretués à Ghardaïa, à Bordj-Badji-El-Mokhtar et autres régions. Au sommet de la crise algérienne, durant les années 1990, l'Algérie qui a vécu une situation sécuritaire très grave n'a pas connu de problèmes de minorités ethniques ni confessionnelles. La question se posait en termes de sauvegarde de la République contre un terrorisme abjecte. Sous son règne, l'Algérie qui croyait avoir rompu avec les problèmes l'ayant minée durant le moyen-âge et l'ayant transformée en pays vulnérable et colonisable a vu ressurgir ces problèmes encore une fois qui risquent de torpiller sa cohésion chèrement payée durant les 7 ans de guerre de Libération.
Nous venons de passer le cap des excès du discours pour s'engouffrer corps et âme dans le cap de la vindicte, de la menace et du régionalisme de bas étage, voire dans le comportement antinational. Sinon comment expliquer la sortie tonitruante du sieur Saâdani qui, sans aucune retenue, s'en est pris de face à une institution de la République en faisant appel aux puissances étrangères pour juger la gestion de Tiguentourine et Tibhirine. Ce Saâdani reconverti à la politique par miracle bouteflikien s'est tout simplement mis au service des forces antialgériennes en faisant revivre le «qui-tue-qui ?» de sinistre mémoire. Ce même Saâdani qui s'est trouvé, grâce à une stratégie de sape et de destruction, à la tête du parti qui a présidé à l'indépendance du pays, s'est découvert une âme de militant pour un état civil, se déchaîne contre les opposants au quatrième mandat notamment des journalistes et des universitaires pour les traiter de traîtres à la nation et de suppôts des ennemis de l'Algérie. Lui emboîtant le pas, le blagueur de la République s'en est pris avec violence contre l'élite algérienne, en traitant les animateurs du mouvement «Barakat» d'insectes qu'il peut exterminer avec un insecticide. Le braconnier démocrate n'a pas dérogé à la règle, il vient lui aussi mettre son sel dans cette marmite infecte du quatrième mandat en insultant ouvertement les Algériens. «Yanaâl bou li mayhabnache», le propos est de Amara Benyounès, transfuge du RCD, transformé en militant rémunéré du bouteflikisme.
Dans cette course à l'insulte, l'ex-Premier ministre devenu directeur de campagne pour le 4e mandat s'est taillé la première place en s'en prenant, dans un langage ordurier, à l'une des plus illustres régions du pays. Le blagueur de la République doit ignorer l'histoire de son pays. Les habitants de la vieille Numidie sont toujours là pour lui rappeler les sacrifices consentis par de valeureux aguelids, de moudjahids et de chahids pour que ce pays demeure debout. De Jugurta à la Kahina, de Messaoud Azelmat à Benboulaïd, de Ben M'hidi à Abbès Laghrour, de Si Lhouès à Azil Abdelkader, de Grine Belkacem à Souai Mahmoud, de Meriem Bouattoura à Ziza Massika, et la liste est longue de ses valeureux combattants et combattantes qui ont arraché l'admiration de l'ennemi, cette région a tout donné pour préserver la fierté et l'honneur de l'Algérie.
L'ex-Premier ministre Sellal ignore certainement le prix payé pour la dignité de son pays pour se comporter de la sorte et insulter une partie chère à l'Algérie.
La région des Aurès compte certainement des lèche-bottes parmi la meute qui trouvent des vertus au quatrième mandat du Président-candidat qui risque de disloquer ce qui reste de l'Etat algérien indépendant, mais cette région historique a enfanté des symboles de l'amour du pays, de la justice, de la liberté, de l'indépendance et du sacrifice. L'histoire a inscrit avec leur sang, l'appel du 1er Novembre, le Kassaman et la plateforme de la Soummam. Encore, cette région a enfanté l'homme qui ne s'est pas dérobé en 1994, au moment où l'Algérie était mise à feu et à sang et au moment où de nombreux héros du dernier quart d'heure avaient pris la poudre d'escampette. Il s'agit de Liamine Zeroual qui avait pris ses responsabilités en sauvegardant l'honneur de la République et mené le bateau de l'Algérie à bon port. Liamine Zeroual avait laissé des institutions en construction qui devaient être consolidées. Ces mêmes institutions furent balayées devant les ambitions monarchiques d'un homme avide de pouvoir et de ses courtisans goinfres. Au moment où il jouissait d'une grande popularité, Liamine Zeroual a préféré écourter son mandat en laissant une Constitution qui consacrait l'alternance au pouvoir, un principe arraché par le sang durant les années de la folie du terrorisme. Ce même principe consacré dans l'article 74 fut tout simplement violé par ces mêmes personnes devenues les chantres du pouvoir à vie.
Cet ex-Premier ministre qui trouve un malin plaisir à se moquer des montagnards de notre pays doit savoir que ces mêmes montagnards des Aurès, du Djurdjura, des Beni Chougrane, du Ouarsenis, du Jijeli, des Nemamchas, de Djebel Boukehil et la liste est longue, ont été derrière la défaite de la quatrième puissance militaire du monde et son soutien de l'OTAN. Ces montagnes viendront certainement au secours de leur pays menacé de désintégration par cette oligarchie politico-financière. Forcément en 2014, les Aurès contribueront encore à cet effort, en traçant la voie du salut à cette nation comme ils l'avaient fait en 1954.
Les montagnards algériens en général et les Chaouis en particulier ont eu beaucoup de patience durant la longue histoire et ils connaissent les vertus de la résistance contre la nature, contre la soif, contre la faim et contre le mépris des envahisseurs et des colonisateurs mais ils avaient toujours refusé que leur dignité et leur honneur soit atteints, car, durant l'histoire, ils n'avaient jamais perdu ces deux vertus, la dignité et l'honneur, qui incarnent le montagnard algérien en général et le Chaoui en particulier que cet ex-chef de daïra vient d'insulter.


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