Comme de tradition depuis 1999, c'est un score à la Brejnev que Bouteflika s'offre à l'occasion de l'élection présidentielle du jeudi 17 avril qui a connu un taux de participation de 51,70%. Le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Tayeb Belaiz, a été tout heureux d'annoncer, hier en conférence de presse, l'écrasante victoire du Président sortant avec le score de 81, 53%. Un résultat qui a de quoi surprendre tant il contraste de manière très nette avec la campagne électorale du candidat qui a battu de l'aile du début jusqu'à la fin. Sofiane Aït Iflis - Alger (Le Soir) Rien en effet ne prédisait un tel écart de voix entre le candidat Bouteflika et son principal rival dans cette course à la magistrature suprême. L'état de santé du Président sortant, qui briguait un 4e mandat de suite, son long règne sans partage et marqué par une excessive dépense publique pour des résultats mitigés ne plaidaient pas pour sa reconduction aisée. Un sentiment qui s'est davantage raffermi tout au long des 21 jours de campagne électorale qui n'aura pas vu, il convient de le rappeler, briller les préposés à l'animation des joutes électorales pour son compte. Officiellement donc, et en dépit des indices tangibles d'une compétition qui s'annonçait pour le moins serrée, le candidat Bouteflika s'adjuge la victoire avec 81, 53%, soit 8 332 598 voix sur un total de 10 220 029 suffrages exprimés. Un tel score relègue les cinq autres candidats au partage des quelque 2 millions des voix qui restent. Le candidat Ali Benflis, qui a concouru pour la seconde fois, après une première participation en 2004, se réveille sur une grande désillusion. Il se place certes en seconde position mais la statistique officielle confine son score dans la piètre portion des 12,8%, ce qui représente 1 244 918 voix. La troisième position dans le classement établi par le ministère de l'Intérieur est revenue à celui qui expérimente la compétition pour la première fois, en l'occurrence Abdelaziz Belaïd, le président du parti Al Moustaqbel. Pourtant auteur d'une campagne électorale discrète, le plus jeune des six candidats est parvenu à réaliser le score de 3, 36%, soit une récolte de 343 674 voix. Par ce score, Abdelaziz Belaïd crée la seconde surprise de ce scrutin, après celle de l'inattendue large victoire de Bouteflika. Abdelaziz Belaïd surclasse la secrétaire générale du Parti des travailleurs, Louisa Hanoune qui, deux jours avant le déroulement du scrutin, affirmait en conférence de presse qu'elle allait se positionner en seconde position et a rêvé même d'une belle confrontation qui l'opposerait à Bouteflika. Finalement Louisa Hanoune est arrivée en quatrième position, avec un petit score de 1,37%, soit 140 253 voix. Ce résultat est loin de sa performance lors de l'élection présidentielle de 2009. Il faut dire aussi que Louisa Hanoune a beaucoup plus travaillé à gêner la campagne de Benflis qu'à soigner la sienne propre. Jeudi, d'ailleurs, elle a été la première à reconnaître la victoire de Bouteflika dans une opération, a-t-elle dit, régulière. La course à cette présidentielle est fermée par Ali Fawzi Rebaïne et Moussa Touati, avec respectivement des scores quasi-nuls de o, 99% et 0, 56%, soit 101 046 voix pour le premier et juste 57590 voix pour le second. Belaïz réfute l'accusation de fraude Le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales a infirmé que la fraude, dont accusent les adversaires de Bouteflika, notamment Ali Benflis, eût entaché le scrutin. «C'est dans la nature de l'homme que celui qui sort vainqueur dans une compétition déclare qu'il n' y a pas de fraude et, inversement, celui qui y perd crie à la fraude», a-t-il affirmé, ajoutant que «le peuple a choisi en toute liberté et dans la transparence la plus totale et sans aucune pression.» Tayeb Belaïz a essayé, au passage, d'expliquer que la fraude était techniquement impossible, étant donné l'observation assurée par les représentants des candidats à qui, a-t-il précisé, ont été remis les copies des PV de dépouillements. Interrogé sur les éventuelles contestations des résultats de l'élection par la manifestation de rue, le ministre de l'Intérieur a répondu, un tantinet menaçant, que «l'Etat est tenu par la Constitution d'assurer la sécurité des biens et des personnes. Personne n'a le droit d'enfreindre la loi.» Néanmoins, le ministre de l'Intérieur a préféré croire que ce «qui s'était dit à ce propos durant la campagne électorale ne traduit pas un sentiment qui habite les cœurs.» Autrement dit, Belaïz a voulu signifier qu'il ne croit pas trop que les candidats mécontents iraient jusqu'à la contestation de rue. S'agissant du fort taux d'abstention, un électeur sur deux n'a pas voté, Belaïz a estimé qu'il y a là une tendance universelle. «Dans beaucoup de pays qui ont connu des élections récentes, les taux de participations ont oscillé entre 40% et 50%. C'est un phénomène qu'il faudra analyser.» Le ministre de l'Intérieur a concédé en sus que l'abstention pourrait être due au fait que l'Algérie ne vit pas dans une conjoncture ordinaire en raison des événements dans le voisinage et des effets du printemps arabe. «Au vu de tous ces facteurs, on ne peut que nous réjouir d'un tel taux de participation.» Belaïz a, par ailleurs, attesté que les violences qui ont marqué le scrutin n'ont pas grandement influé sur le déroulement et le résultat de l'élection. «Ce sont des événements marginaux». Enfin il a estimé que le boycott est une position politique à laquelle d'aucuns peuvent se rendre librement.