Chaque année, des milliers de personnes atteintes de cancer viennent allonger les listes de celles déjà prises en charge. Le Centre Pierre-et- Marie-Curie, une référence sur papier, peine à répondre aux attentes de tous ceux qui, las de faire du tourisme médical, espèrent y être traités. Nawal Imès - Alger (Le Soir) - Journée ordinaire au CPMC. Du monde. Beaucoup de femmes. Des allers-retours incessants du personnel médical. Une attente interminable meublée par des discussions toutes axées autour de la maladie, de la souffrance et de l'espoir de guérison. A l'étage réservé aux consultations en oncologie, tous les bancs sont occupés. Des femmes, jeunes et beaucoup moins jeunes, se côtoient. Elles attendent toutes de pouvoir enfin voir un médecin. Munies de leurs cartes de rendez-vous, elles attendent patiemment leur tour. Elles sont là depuis déjà deux heures pour certaines mais ne montrent aucun signe de lassitude. Elles semblent accepter leur sort et se résigner. Elles ont déjà accusé le coup le jour de l'annonce de leur maladie. Depuis, elles disent vivre avec. Naïma en fait partie. Elle se fait toute petite sur le banc glacial. Elle ne parle pas mais observe. Elle dit être habituée à l'ambiance si particulière qui règne au niveau de l'immense hall du CPMC, froid comme le sont les hôpitaux. Elle ne veut parler avec personne. Elude les questions et n'aime pas qu'on lui demande pourquoi elle est là. Depuis qu'elle fréquente le CPMC, elle a appris à se recroqueviller sur elle-même, tapie sous sa carapace pour éviter les questions trop indiscrètes : qu'est-ce qui t'a amenée ? Quel cancer tu as ? Depuis quand ? Elle dit être révoltée par tant de curiosité malsaine et déteste échanger avec les autres. Elle se contente de dire qu'elle a un cancer du sein, qu'elle a été très choquée au début mais qu'à 40 ans, elle espérait encore beaucoup de la vie. Elle a un enfant pour lequel elle veut se battre pour le voir grandir. Son regard se fige lorsqu'elle parle de lui. Elle retombe aussitôt dans le silence. Le hall du CPMC quant à lui ne connaît pas de répit. Les différents services vivent au rythme des allers et venues incessants des malades et de leurs accompagnateurs. L'affluence est grande. Les malades viennent des quatre coins d'Algérie, souvent après avoir fait du «tourisme médical, ballottés d'un hôpital à un autre et voyant en le CPMC leur seule et dernière planche de salut. Des attentes souvent déçues. Les listes d'attente sont au kilomètre. Il faut souvent attendre longtemps avant de pouvoir voir un médecin. Les délais se rallongent pour atteindre parfois l'année avant de pouvoir prétendre obtenir rendez-vous pour une radiothérapie. Le service est débordé. Les personnes ayant subi des interventions chirurgicales et devant compléter leur prise en charge par des séances de radiothérapie ne savant pas à quel saint se vouer. Les plus nantis se rabattent sur les quelques centres de radiothérapie privés, les autres attendent désespérément. Certains décèdent avant même d'avoir bénéficié d'une seule séance de radiothérapie. Quelque 2 800 personnes sont en attente de rendez-vous de radiothérapie respectivement dans les centres d'Oran et du CPMC. La capacité d'accueil des centres de radiothérapie fonctionnels en Algérie est de 8 000 personnes par an alors que le nombre de nouveaux cas de cancer est actuellement estimé à 44 000. Le cancer du sein et du col de l'utérus font des ravages chez les femmes. Quel rôle jouent les gynécologues ? Participent-ils au dépistage actif ? Les femmes sont-elles assez sensibilisées ? Des questions qui se posent au regard de la multiplication des cas. Chacune d'entre elles est au-delà d'un impersonnel médical, une histoire, souvent une tragédie. A la maladie qu'elles doivent courageusement combattre s'ajoute le parcours du combattant que leur impose un système de santé boiteux. Médicaments souvent pas pris en charge par la caisse de sécurité sociale, rendez- vous difficilement obtenus, attentes de plusieurs heures dans les hôpitaux et déplacements coûteux sont le lot de milliers de femmes. Celles rencontrées au CPMC avaient en commun une lueur d'espoir. Elles croient en la médecine. A charge au système de santé de ne pas assassiner leurs rêves, de ne pas s'associer au sort pour les accabler davantage...