Par Kader Bakou Cela se passe au début de l'année 1990. Un groupe d'adultes est en train de parler (ou plutôt de crier) politique. Pratiquement, tous se plaignent de quelque chose. Chacun y va de sa revue quotidienne des «défauts», «imperfections» et parfois des «dépassements» commis par des «responsables» à tous les niveaux. Ils se plaignent aussi de «l'absence de l'Etat» qui sévirait contre «tous les dépassements». «Ce peuple mal éduqué ne mérite que la matraque», assène celui qui paraissait être le plus âgé du groupe. Tous les autres étaient d'accord avec lui. «Pardon, mais vous êtes en train de dire que nous méritons d'être colonisés?» intervient un jeune homme qui était resté silencieux durant toute le discussion. «Ah! non Noureddine. Nous n'avons pas dit ça. Nous ne sommes pas des traîtres et jamais nous n'accepterons une ingérence étrangère dans nos affaires intérieures », lui répondent en chœur ses amis manifestement indignés. «Vous ne l'avez pas dit. Mais si nous décodons ce que vous dites, vous êtes en train de penser qu'il nous faut un pouvoir étranger pour nous forcer à nous discipliner et à appliquer la loi. Si tout le monde accuse tout le monde de tous les défauts du monde, cela veut dire qu'il n'y a parmi nous personne digne d'appliquer la loi qu'il est le premier à bafouer. Il ne reste donc que l'étranger. Un esprit libre applique de lui-même la loi. Celui qui ne respecte pas la loi est inconsciemment en train de dire : utilisez la force contre moi, sinon je vais faire le mal partout.» Noureddine cesse de parler quelques secondes. Ses amis restent silencieux. «Je vais vous dire une chose : si dans les pays arabes et musulmans, les sociétés ne changent pas leurs modes de pensée. Si les dirigeants continuent à ne pas respecter les droits de l'homme. Si la démocratie continue à n'être qu'un slogan creux. Si nous n'essayons pas de trouver les causes réelles de notre sous-développement. Si les pays arabes et musulmans continuent à parler d'union et de solidarité et à faire le contraire, alors il faut s'attendre au retour d'un colonialisme occidental direct, comme au XIXe siècle.» Les prévisions (prédications) de Noureddine ne se sont pas réalisées. Ce qui est arrivé à partir de 1991 est pire ! K. B.