La liberté de la presse et d'expression ne se jauge pas à l'aune de la foison de journaux et de télévisions offshore tolérées. Sinon, en la matière, l'Algérie, qui compte près de 200 périodiques et une dizaine de chaînes de télévision, aurait amélioré son classement dans les tableaux annuels des organisations internationales. Sofiane Aït Iflis - Alger (Le Soir) Avant même que le gouvernement ne consente à lâcher un peu de lest et confectionne une loi sur l'audiovisuel, des chaînes de télévision de droit étranger ont intégré le champ médiatique national. Pour contourner l'absence d'assise juridique qui aurait pu permettre la naissance de télévisions privées, le gouvernement, qui, assurément, était déjà dans des perspectives politiques importantes, se rendit à des dérogations spéciales pour l'activité de télévisions offshore et, du coup, consacrer un fait accompli. Car, pendant plusieurs mois, des chaînes de télévision privées ont activé en toute illégalité, admises même à couvrir des activités officielles. Pour se sortir d'une situation sur laquelle il était régulièrement interrogé sur une telle situation, le gouvernement délivra des autorisations spéciales, en attendant qu'il finalise son chantier relatif à la loi sur l'audiovisuel. Une loi qui a fini par être promulguée mais qui, à la déception générale, n'ouvre pas totalement le secteur audiovisuel à l'investissement privé. Selon les termes de la loi, dont l'entrée en application tarde à voir le jour, seules les chaînes thématiques peuvent être lancées. Mais cette balise n'a aucunement influé sur les chaînes de télévision déjà lancées. Ces dernières ont poursuivi d'être des chaînes généralistes, alternant bulletins d'information et émissions notamment politiques. D'ailleurs, c'est dans ce volet-là qu'elles se sont distinguées. Et toutes se sont retrouvées, comme mues par un même et seul intérêt éditorial, à faire la campagne électorale du candidat Bouteflika. Sur la plupart de ces chaînes, il n'y avait de l'espace que pour la promotion de Bouteflika. Une chaîne, WiamTV, pour ne pas la citer, fut même lancée spécialement pour appuyer la candidature de Bouteflika. Cet alignement derrière le Président sortant n'était pas fait pour déplaire à un gouvernement qui trouva en ces chaînes des vecteurs de propagande électoraliste inespérés. S'étant positionnées du «bon» côté de la barrière, ces chaînes ont parfois fait dans l'outrance, au point où l'une d'elles fut rappelée à l'ordre par la Commission nationale de surveillance de l'élection présidentielle. Pour ces chaînes, l'éthique professionnelle n'en a pas toujours constitué un credo. Le gouvernement a souvent fermé les yeux sur leurs excès. En revanche, il était de réaction ferme et excessive à l'encontre des chaînes privées qui affichaient une attitude éditoriale. Alatlas TV, qui a montré des sympathies pour le candidat Benflis, fut fermée manu militari, après une plainte suivie d'une perquisition de la gendarmerie dans ses locaux. Pas de voix discordante, donc. L'audiovisuel, dans ses deux segments public et privé, est dédié à la promotion du candidat du système. Un audiovisuel qui a servi exclusivement le candidat Bouteflika, au détriment de ses concurrents qui, eux, ont dû se contenter des espaces offerts par la presse écrite. Cependant, une question reste posée quant au devenir de ces chaînes de télévision qui, si elles désirent devenir des entreprises de droit algérien, doivent se conformer à la loi sur l'audiovisuel. Auquel cas, elles doivent se convertir en chaînes thématiques. A moins que le gouvernement ne se montre généreux à leur égard et émet pour elles des dérogations spéciales qui leur permettraient de demeurer des chaînes généralistes.