L'ancien chef de l'armée Abdel Fatah al-Sissi, archi-favori de la présidentielle, a promis samedi à l'Egypte «stabilité, sécurité et espoir» à l'ouverture officielle de la campagne, sur fond de violences et de répression des islamistes. Cette campagne doit s'achever le 23 mai, et le scrutin est prévu les 26 et 27 mai, pour doter le plus peuplé des pays arabes d'un nouveau président, onze mois après l'éviction par M. Sissi du premier chef d'Etat du pays élu démocratiquement, l'islamiste Mohamed Morsi. Depuis cette destitution le 3 juillet, les Frères musulmans de M. Morsi, première force politique organisée du pays, subissent une répression impitoyable. L'unique rival de M. Sissi, Hamdeen Sabbahi, une figure de la gauche laïque qui dit incarner les idéaux de la révolte de 2011 ayant chassé le président Hosni Moubarak, était arrivé troisième à la présidentielle de 2012, remportée par M. Morsi. Lors d'un meeting samedi à Assiout (sud), il a dénoncé une poursuite des «politiques menées sous Moubarak»et affirmé vouloir «changer les politiques de corruption et de tyrannie et de pauvreté». Sa campagne peine cependant à peser face aux médias publics comme privés acquis à M. Sissi, et son équipe affirme avoir été attaquée physiquement plusieurs fois. Dans tous les cas, les chances de M. Sabbahi apparaissent nulles face à M. Sissi, porté aux nues après avoir annoncé, alors qu'il était à la tête de la toute-puissante armée, la destitution de M. Morsi. Il avait alors invoqué les millions d'Egyptiens descendus dans la rue pour réclamer le départ de M. Morsi, accusé d'accaparer le pouvoir au profit des Frères musulmans et de vouloir islamiser de force la société. «Je promets de travailler dur, et j'appelle chacun à assumer ses responsabilités avec moi», a lancé M. Sissi samedi sur Twitter. «Par notre volonté et nos capacités, nous obtiendrons stabilité, sécurité et espoir». Dans une interview accordée plus tard à des journalistes, il a pleuré en évoquant des messages qu'il dit avoir reçus de gens pauvres, selon le site internet du quotidien officiel al-Ahram. «Il a dit avoir reçu des messages de gens qui n'ont pas de quoi manger mais qui disent accepter leur sort pour lui», selon al-Ahram. M. Sissi est vu comme celui qui saura rétablir la sécurité dans le pays, théâtre de violences meurtrières quasi quotidiennes. Vendredi encore, quatre personnes ont été tuées dans les violences, dont un policier tué par une bombe au Caire et un soldat tué par un kamikaze dans la péninsule du Sinaï. Depuis juillet, les forces de l'ordre sont la cible d'attentats qui ont fait quelque 500 morts selon le gouvernement intérimaire mis en place par l'armée. Et même si ces attaques ont été revendiquées par des mouvements jihadistes disant agir en représailles à la répression des pro-Morsi, le gouvernement les attribue aux Frères musulmans, décrétés «organisation terroriste». Quant à la répression menée contre les islamistes, elle a coûté la vie à plus de 1 400 personnes, en majorité des manifestants, et mené à la détention de plus de 15 000 autres, selon des ONG. De plus, des tribunaux ont ces derniers mois condamné à mort des centaines d'islamistes présumés de manière expéditive, dans ce que l'ONU a dénoncé comme des «procès de masse sans précédent dans l'Histoire récente». Samedi encore, un tribunal du Caire a condamné 102 pro-Morsi à 10 ans de prison pour des manifestations violentes, selon la télévision d'Etat. Par ailleurs, lors d'une audience du procès des journalistes d'Al-Jazeera, accusés de soutien aux islamistes, Peter Greste, un prévenu australien emprisonné depuis plus de quatre mois, a dénoncé une «immense injustice», le jour où est célébrée la Journée mondiale de la presse. Outre les islamistes, le pouvoir intérimaire s'en est pris aussi aux militants de la contestation libérale et laïque, inquiets d'un retour en force des militaires au sommet de l'Etat. Les limites posées au droit de manifester puis la condamnation de jeunes leaders laïques de la révolte de 2011, font désormais redouter l'avènement d'un régime plus autoritaire que celui de Moubarak. M. Sissi n'a encore pas dévoilé son programme pour un pays plongé dans la crise économique. Il doit donner lundi sa première interview télévisée depuis des mois.