Par Boubakeur Hamidechi [email protected] Avec tout le respect que l'on doit au métier de charretier, celui-ci a quand même donné au langage commun la métaphore la plus grossière. «Jurer comme un charretier» ne signifie-t-il pas qu'il y a du vulgaire mensonge dans le propos et bien plus encore ? La violence verbale et physique pour passer outre le droit ! C'est ainsi que se sont souvent comportés les élites politiques du FLN. Une voyoucratie structurée en multiples clans qui s'affrontent pour l'accaparement de positions dominantes afin de gérer quelques rentes du pouvoir. C'est que cette imposture de «front», supposé être le creuset agrégeant les sensibilités doctrinales qui traversent la société, a fini par devenir un enjeu maffieux pour des courants d'intérêts qui se sont dotés de milices que l'on actionne pour faire le coup de poing dans les salles de réunion. Cela aussi a une définition : le degré zéro de la confrontation des idées. Car enfin comment pourrait-on trouver quelques différences dans les comportements entre un Saâdani et un Belkhadem lorsque les deux lâchent leurs chiens de garde dans le hall d'un hôtel ? Pitoyable spectacle qui, à force de se répéter, ne discrédite pas seulement l'existence des partis politiques mais annonce surtout la fin de leur existence et notamment celle qui, jusque-là, est reconnaissable à travers un sigle historique. En effet, c'est toujours au sein du FLN que les complots se sont dessinés pour aboutir à ce que l'Algérie devienne un Etat avorté. Alors que le 10e congrès est programmé pour le printemps 2015, il se rejoue au sein de cet appareil les mêmes scénarios que ceux qui furent à l'origine de sa création et sa confiscation, un demi-siècle plus tôt. En effet, dès avril 1964, son premier congrès n'imposa-t-il pas, par l'intimidation et l'embastillement (Ferhat Abbas puis Aït Ahmed), le terrible modèle de la pensée unique ? Or, en dépit de toutes les séquences historiques qui ont ponctué la traversée de ces années, l'on retrouve encore de nos jours la même constante dans le discours de ses héritiers. Car enfin, c'est à des agitateurs comme Belkhadem et Saâdani que l'on doit la même formule. Celle énoncée à tout propos et qui décrète en permanence que le FLN est le seul parti de l'Algérie et qu'en aucun cas, sa prééminence ne doit lui être disputée. Malgré l'ouverture du champ politique au pluralisme, au lendemain d'Octobre 1988, le FLN a-t-il jamais été capable de s'adapter à l'idée de l'alternance politique ? Au mieux, il s'est consolé de cette mutation tout en revendiquant une sorte de «statut particulier». Celui d'être d'abord le moteur des pouvoirs et son fournisseur exclusif de cadres ! Avec le retour aux affaires de Bouteflika, il parvint effectivement à s'imposer dans ce sens jusqu'à édicter à l'exécutif les grandes lignes de sa politique. «Concorde», «réconciliation » et «amnistie», concernant le règlement de la question de l'islamisme, ne sont-elles pas en effet les thèmes qu'il a inspirés ? Parti politique irrigué par la doctrine du monopole de la pensée, il redevenait, dès 2003, la boîte à outils de Bouteflika, lequel avait un infini mépris pour le multipartisme qu'il n'a pas hésité plus d'une fois à qualifier de «maladie du désordre». Dès son second mandat (2004) et le putsch partisan de Belkhadem qui déboulonna Benflis, le Président s'appuiera sur cet appareil qui devint son entreprise de démolissage dans le champ politique. Sauf que l'influence grandissante que le FLN avait acquise au fil des élections lui apparut encombrante, dès 2012. Belkhadem, dont la servilité initiale se mua en ambition, était justement condamné à être déstabilisé. Il fera les frais du nettoyage par le vide que le palais opéra avant le 4e mandat. Belkhadem, tout comme ce secrétaire général du RND, sera justement dépossédé de son mandat partisan et même placardé durant quelques mois. Saâdani un fâlot prenait les rênes sans que l'on sache avec exactitude qui l'avait adoubé à ce poste. Toujours est-il que Belkhadem, remis en selle grâce à un symbolique portefeuille de ministre d'Etat, est redevenu fréquentable dans les couloirs du siège du parti et même courtisé par ses ennemis d'avanthier. Nouvel épurateur qui fut épuré un an auparavant, il laisse déjà entendre qu'il n'agit que selon une feuille de route du palais. Quant à Saâdani lui, prétend détenir sa légitimité de la base militante. Or, ni l'un ni l'autre ne détiennent la vérité dans cet exercice de «parrainage». En fait, leur affrontement pourrait se solder par l'implosion du vieux parti dont il est difficile d'imaginer qu'il puisse se recomposer en d'autres courants. Et pour cause, le FLN est en quelque sorte un monolithe que l'on ne peut fractionner sans le faire disparaître. En somme, il est en train de vivre la fin de son histoire avec un grand «H».