Par Boubakeur Hamidechi [email protected] Grande purge au palais. Annoncée comme imminente par certains titres de la presse arabophone elle est désormais confirmée grâce à une étrange mise au point adressée au quotidien El Watan ! Car figurez-vous que les actes politiques du régime n'ont jamais eu besoin de transparence pour être sereinement assumés. Et c'est ainsi que la répudiation de certains conseillers du Président n'a pu être certaine qu'au moment où l'on a cru nécessaire de rectifier l'information donnée par ce journal en lui précisant que l'annonce de la révocation du secrétaire particulier du chef de l'Etat était une assertion fausse. Cela étant, l'opinion publique peut donc considérer que la fin de mission des trois autres personnalités citées se passe de commentaires. La table rase qui vient d'être ordonnée à leurs dépens ressemble bien à un vaste démantèlement. Dès l'instant où elle concerne trois figures du bouteflikisme l'on ne peut que s'interroger sur les tenants et les aboutissants d'un tel nettoyage. S'agissant du général à la retraite Touati, conseiller aux questions sécuritaires ; Rachid Aïssat, le metteur en musique politique de toutes les manœuvres du pouvoir, et Mohamed Meguedem, l'interface du milieu des affaires, dont la notoriété charrie une odeur de soufre, l'on s'est vite empressé de qualifier l'oukase du Président de cabale inspirée par son nouvel entourage. Car dans les différents cercles du pouvoir nul n'ignorait que ces hommes du Président bénéficiaient d'une influence particulière dans les domaines où ils opéraient jusque-là. Aussi bien les ministres que les hauts dignitaires des autres institutions de l'Etat étaient suspendus à leur verdict au point que dans les allées du pouvoir ils incarnaient parfaitement ce que l'on entend par «cabinet noir». On les croyait indéboulonnables, notamment pour celui d'entre ces trois-là qui parvint à rester à «demeure» au palais depuis Chadli Bendjedid ! Et ce sont précisément ces longévités hors normes dans des rôles d'influence qui firent d'eux des gourous. Bouteflika s'en entoura dès son second mandat et s'inspira souvent de leur supposée préscience. Or la sanction qui les frappe collectivement ne semble pas de l'ordre naturel et paisible d'une fin de mission. Elle relevait plutôt du préliminaire à une future réorganisation des missions au sommet de l'exécutif. Le chef de l'Etat, dont les difficultés de santé font qu'il n'a pu que souscrire à l'idée sans avoir le tonus nécessaire pour l'accomplir, a certainement dû faire appel à un maître d'œuvre qualifié. C'est ainsi que le nom d'Ouyahia est cité. Lui le ministre d'Etat, directeur de cabinet du président de la République et de surcroît en charge des consultations relatives à la réforme constitutionnelle, est à l'évidence le premier auquel l'on pense à propos de ce grand ménage. De par la fonction qu'il occupe, n'est-il pas d'abord dans son pré-carré lui qui s'est fait une réputation de ne guère apprécier les parasitages dans les domaines de ses prérogatives ? Alors qu'il était donné pour un «has been» il y a à peine 6 mois, le revoilà au cœur du dispositif du pouvoir. Sa résurrection, pour exceptionnelle qu'elle est, s'explique sans doute par ses indéniables qualités politiques. Nous disons bien qualités politiques et pas du tout qualités éthiques ! À ce sujet justement tout, ou presque, a été dit et écrit sur ses travers. Depuis son grand baptême, lorsqu'il eut à occuper pour la première fois la fonction de chef de gouvernement, 19 années se sont écoulées. Il connut certes des moments moins gratifiants dont certains furent carrément humiliants, mais il sut chaque fois rebondir et se replacer dans le jeu. Dans le microcosme ne s'est-il pas, en effet, forgé une réputation de redoutable calculateur pour qui une alliance est toujours précaire et révocable. Ambitieux sans états d'âme, il ne goûte guère le «jeu» collectif. Solitaire, dont l'adhésion à un pôle de convergence politique ne s'impose à lui que pour le dépasser ou s'en approprier, il obéit en toutes circonstances au plan de sa carrière personnelle. Celui qui doit un jour ou l'autre le mener à la magistrature suprême. Or cela lui semble réussir dans l'actuel contexte dès lors qu'il se voit placé au point nodal du système. Grâce à la fonction axiale qu'il occupe, il est effectivement en mesure de déplacer l'ensemble des pions et justifier ses martingales auprès du chef de l'Etat comme étant des réponses aux inquiétudes de celui-ci. Prudent et rusé, n'a-t-il pas toujours tiré argument de cette fameuse posture de grand commis de l'Etat uniquement préoccupé par la «glorieuse servitude» qu'elle inspire ? Sa rivalité avec le Président étant désormais sans objet, n'est-il pas en voie de redevenir l'homme idoine capable de conduire la transition ? Il est même probable que ce soit le chef de l'Etat qui en aurait exprimé le souhait. Car, sans cette hypothèse, il n'est guère possible d'expliquer l'épuration du palais et de surcroît mettre un nom parmi les probables préposés à l'ouvrage. Celui de la liquidation d'une certaine caste.