Par Boubakeur Hamidechi [email protected] Officiellement, la cérémonie d'investiture aura lieu le 27 avril. Or, ce jour n'a certainement pas été choisi en fonction de la simple nécessité qu'imposait les procédures de confirmations des «résultats» d'un scrutin. Sans doute aucun la raison principale, qui en a décidé ainsi, obéissait à une certaine symbolique. Celle de faire coïncider sciemment une prestation de serment avec la date de son accident de santé de l'an dernier. Jour pour jour, ou presque, le Président était alors évacué dans l'urgence à Paris pour un AVC et, le revoilà 365 jours plus tard, plébiscité par des féodalités de toute sorte afin de garder les rênes du pays. C'est que, non satisfaits qu'il fût désigné vainqueur avant d'avoir vaincu, les maîtres d'œuvres de sa campagne voudront indiquer qu'il est le rescapé d'une épreuve et pourquoi pas un ressuscité que la main du destin aura voulu tendre à cette nation ! L'esbroufe est évidemment grossière car elle insulte le bon sens des Algériens quand elle ne voit pas en chacun d'eux qu'un sot. Sauf que l'on oublie que les mystifications sont toutes appelées à être éventées, le moment venu. Parmi elles, justement celle de claironner que le Président allait renouer avec sa charge à partir de cette semaine et qu'il aura, en conscience et capacité de travail, le devoir de conduire les affaires de l'Etat dont nul ne niait qu'elles étaient en stand-by depuis un an au moins. Autrement dit, les «conjecturistes » de métier ne manqueront pas d'observer à la loupe les tractations autour de la reconstitution de ce pouvoir exécutif qui a pris de l'eau de toutes parts. Une question centrale les intéressera certainement et de laquelle s'expliquera alors la distribution des rôles informels et des fonctions effectives. Celle-ci pourrait s'énoncer ainsi : de quelle manière pourra-t-il exercer sa charge et à qui déléguera-t-il certaines prérogatives régaliennes ? Elle est donc close la parenthèse des déclamations flatteuses charriant des insanités et autres dérapages verbaux. Le régime est contraint donc d'entrer, comme ont dit, «dans le dur». Celui de se demander quoi faire d'une omnipuissance virtuelle lorsque la marge de manœuvre s'avère étroite ? Pour y répondre dans un premier temps, il ne serait pas inintéressant de réexaminer les profils du personnel qui a constitué la coterie. Une dizaine d'ambitieux qui prétendent à des dividendes de carrières mais qui à «l'usage» se sont révélés de médiocres hommes d'Etat, inaptes aux responsabilités sensibles. «Ministricules» projetés audevant de la scène politique, ils accomplirent dans l'ensemble le plus mauvais «match» de toutes les campagnes de Bouteflika. Grâce au gaffeur de Sellal, à l'insultant Benyounès, à la flagornerie indécente de Ghoul et évidemment à l'escroquerie politique de Saâdani, cette délégation du palais n'a-t-elle pas focalisé sur ces travers toute la détestation de l'opinion ? Bouteflika pourrait et devrait sûrement tirer les conséquences de ces colossales bavures lui qui n'a plus les moyens de son rayonnement habituel pour garder auprès de lui de dévoués serviteurs mais néanmoins imprévisibles dans l'expression politique. Voire la culture qui va avec celle-ci. Reste évidemment la troïka qui l'avait longtemps accompagné et qui a capitalisé une expérience certaine dans la gestion de l'Etat et des institutions. Bensalah, Ouyahia et Belkhadem ont-ils des chances de retrouver de la visibilité dans ce contexte-là ? Pour le premier cité, cela ne fait guère de doute car dans l'immédiat il ne sera pas question de dissolution du Parlement. Mais quid alors de ce binôme installé provisoirement au palais mais qui n'incarnent aucune façon la promesse faite d'un changement ? Le carriérisme de l'un comme de l'autre ne peut a priori que les disqualifier pour cette raison. Or l'on peut penser qu'un Ouyahia est tout de même «repêchable» pour une haute fonction, grâce à son savoir-faire. Même s'il faut redire la même chose, tant que ce sera la même chose concernant l'état physique handicapant du Président, il sera dans la nécessité de déléguer certaines fonctions vers l'expertise d'un homme de régime aux talents réels. Reste enfin l'énigme de Saïd Bouteflika, ce frère conseiller omnipotent qui, depuis avril 2013 notamment, a confisqué les clés de l'Etat pour ensuite s'imposer comme l'ordonnateur des opérations et l'interlocuteur des responsables de toutes les institutions. Or, quel que soit ce degré de parenté avec le chef de l'Etat, l'ambiguïté sur ses interventions doit être levée d'une manière ou d'une autre. La nécessité de rétablir la synergie des institutions et la transparence dans la chaîne de commandement de l'Etat exige effectivement à ce que cette «éminence grise» agissant derrière les rideaux sorte de l'ombre et occupe clairement une fonction bien balisée. Le chef de l'Etat y est tenu dans ce sens. Celui de dissoudre le cabinet parallèle qui régente la république et dont il sait qu'il illustre parfaitement l'esprit et la lettre du complot permanent. Ainsi, au lendemain du faste de la prestation, il sera justement appelé à fournir des réponses rapides aux pesantes répudiations politiques d'un entourage qu'il avait choisi auparavant, mais qui semble devenir désormais encombrant. L'Algérie attend de lui le nouvel organigramme de l'attelage qui doit conduire l'Etat. Mais pourra-t-il se convaincre dans sa bulle que le temps est compté ? Rien n'est moins sûr, hélas.