Nichée dans la forêt de Yakouren au pied de l'Akfadou, sanctuaire de la révolution, l'association Azro N'svah du village Azrou, qui a payé le prix fort durant la guerre de libération nationale, a rendu en fin d'après-midi d'avant-hier un vibrant hommage aux berbéristes poseurs de bombes de 1976, dont des fils de chahids, qui ont recouru à cette alternative extrême pour revendiquer la langue et la culture amazighes. Arrêtés par la Sécurité militaire, ils sont accusés de haute trahison et condamnés à des peines très lourdes, allant de la prison à perpétuité à la peine capitale. Revenant sur l'affaire de 1976, Kaci Lounès enfant du village Azrou, qui avait écopé de 20 ans de prison avant d'être libéré avec ses compagnons après en avoir purgé 11, suite à un vaste mouvement international initié par Mme Medjber, déclare que le recours à cette action découlait du fait que le pouvoir dictatorial de l'époque avait fermé toutes les issues aux revendications pacifiques. Répondre à la violence par la violence pour démystifier ce régime «gargantuesque» et prouver qu'il était possible de faire face au pouvoir en place, même avec des armées inégales, était la seule alternative qui restait au groupe de berbéristes activant dans la clandestinité pour faire avancer la revendication. Les tracts et les revues dénonçant le système ne suffisant plus, il fallait recourir à cette action afin d'alerter l'opinion publique, face au déni identitaire qui valait à l'époque la prison et des brimades policières aux gens, par le seul fait de s'exprimer en kabyle dans les rues d'Alger. La revue Adhef, qui servait de support médiatique à la revendication et les tracts qui allaient sensibiliser l'opinion, outrageusement trompée par la désinformation, n'ont pu prendre le relais suite à l'arrestation des poseurs de bombes passés à l'action directe à savoir Kaci Lounès, poseur de la bombe d'El Moudjahid et Cheradi Hocine, Mohand Ouharoun au tribunal de Constantine et Smaïl Medjber à Oran arrêté avant l'explosion de l'engin. Les gens ont parlé sous l'effet de la torture et les familles des poseurs de bombes ont été kidnappées et emprisonnées. Kaci Lounès estime qu'en dépit du grand pas qu'elle a franchi depuis 1976, rien n'est encore joué aujourd'hui pour Tamazight, le pouvoir ayant même confisqué ses instruments techniques et la lutte est plus, politique que linguistique. En sus des acteurs de l'époque auxquels manquaient à l'appel Smaïl Medjber et le défunt Mohand Ouharoun. La cérémonie d'hommage s'est déroulée en présence d'une foule nombreuse dont des détenus d'avril 1980, d' artistes engagés à l'image de Ali Idheflaouen et s'est prolongée par une conférence animée par les membres du groupe de poseurs de bombes.