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HALTES ESTIVALES
Zagor, un extraterrestre au douar...
Publié dans Le Soir d'Algérie le 04 - 09 - 2014


Par Maâmar Farah
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Zagor est un habitant d'une planète lointaine, très lointaine, située dans la galaxie écaille NGC 4415 : Adanac. Très ressemblante à la Terre, elle se trouve à des milliards de kilomètres de chez nous. Ni les télescopes géants, ni les sondes spatiales sophistiquées n'avaient pu la dévoiler aux nombreux scientifiques qui cherchaient à découvrir un signe de vie dans l'une des dix-neuf planètes de cette galaxie. Zagor était arrivé sur Terre un 11 juillet, à bord d'une station propulsée par l'énergie cinétique, seul «carburant» en mesure de pousser l'engin aussi loin. La navette de Zagor était tombée par hasard près d'un douar où les gens fêtaient un mariage. Il fut horrifié par le spectacle des moutons qu'on égorgeait d'une manière brutale ! Mais il n'était pas au bout de ses surprises. Quand le mari sortit de la chambre nuptiale pour présenter à la foule en délire un linge trempé de sang, geste accueilli par des cris stridents appelés «youyous» selon l'encyclopédie électronique branchée sur son nerf optique, Zagor pensa tout d'abord que l'époux venait d'égorger sa femme, comme les autres l'avaient fait auparavant avec les moutons ! Dans la tête de l'extraterrestre Zagor, un mouton était un être vivant et une femme aussi. Il trouvait bizarre que l'on se comportât d'une manière aussi cruelle vis-à-vis des ovins et des êtres humains de sexe féminin. Mais, quand la pauvre mariée sortit pour monter dans une ambulance, il se calma. Elle n'avait pas été égorgée. Cependant, le fait qu'elle fût évacuée vers l'hôpital l'intriguait au plus haut point. Cela faisait quelques heures que son engin s'était posé sur notre planète et il y avait, déjà, trop de questions qui trottaient dans sa tête. Il décida d'aller à l'hôpital pour en savoir plus. Il vit la mariée se faire soigner avant d'être admise dans une chambre du service des femmes. Il entendit l'une des infirmières gueuler à l'adresse des parents de la mariée : «Son état est jugé grave et il faut la veiller. Ce n'est pas mon boulot ! Désignez une femme garde-malade pour ça !» Zagor était désappointé. Sur sa planète, les infirmières ne rechignaient pas à la tâche et gardaient les malades, nuit et jour ! Bizarre cette Terre ! Zagor décida de quitter le douar pour s'enfoncer dans une dense forêt. Il fut bientôt arrêté par une dizaine d'individus barbus et vêtus d'une drôle de manière. Il pensait qu'ils sortaient d'un cirque ou d'un carnaval, mais quand leur chef lui dit qu'il allait être égorgé, il commença à douter sérieusement de la santé mentale des habitants de cette planète qui passaient leur temps à jouer avec les couteaux. Lorsque deux des drôles d'individus essayèrent de le ceinturer pour le mettre à la disposition du bourreau qui aiguisait son couteau en récitant des paroles incompréhensibles, il passa aux choses sérieuses et d'un regard nourri de rayons tueurs gamma 14 AR, foudroya les dix plaisantins. Quelques heures plus tard, il était dans ce qui ressemblait à une ville. Ou, plus exactement, dans la banlieue d'une grande cité. Il errait dans des rues cassées et cendreuses. Partout, il ne voyait que désolation et tristesse. Toutes les bâtisses étaient inachevées. Grises et moches, elles étaient démesurées. Il n'y avait aucun jardin, aucun espace vert, aucun arbre. Il se dit alors que le centre-ville devait être certainement plus accueillant. Mais, quand il fut au beau milieu de la grande cité, il était encore plus dégoûté : l'état des rues ne s'était pas amélioré et une foule de badauds aux visages livides se mouvait dans tous les sens. Personne ne souriait. Il pensa que tous ces pauvres gens allaient être égorgés. C'est pour cette raison qu'ils n'avaient aucune expression sur le visage et qu'ils marchaient comme des zombies. Chemin faisant, il vit une grande inscription : «Cinéma Rialto». Il y avait également des affiches représentant des barbus qui ressemblaient à ceux de la montagne. Son dictionnaire électronique lui révéla qu'un cinéma était «une projection visuelle en mouvement, le plus souvent sonorisée. Le terme désigne indifféremment aujourd'hui une salle de projection ou l'art en luimême ». Mais, quand il pénétra dans la salle, il n'y avait aucune projection. Seulement un barbu qui criait tout seul. Il disait que la «zalabia» était «haram» et que la corruption pouvait être «hallal» ! Puis, le cheikh aborda la question de la femme : elle pouvait être battue... Zagor ne comprenait plus rien. Les gens de cette planète étaient à enfermer dans un asile. Quand ils n'égorgeaient pas, ils battaient leurs femmes ! Tout près de ce cinéma, il vit des dizaines de jeunes debout derrière des nappes tendues à même le sol et garnies de produits divers. Quelques clients négociaient le prix d'une montre qui semblait les attirer. A ce moment précis, il entendit une fille hurler : «Au voleur, au voleur !» Un pickpocket venait de lui subtiliser son téléphone portable. Zagor trouva curieux le fait que les gens qui passaient par là n'aient pas porté secours à la jeune fille. Donc, ces drôles de «makhloukat » égorgeaient, battaient les femmes et piquaient les téléphones mobiles des jeunes filles ! Il changea de ville, mais il rencontra la même hideur, la même saleté. Un jour, alors qu'il était au volant d'une automobile, Zagor klaxonna sur une route de campagne pour que des moutons lui cèdent le passage. Ces derniers, fidèles à Panurge, quittèrent la chaussée en quelques secondes. Il en fit de même dans une ville, mais pour réveiller des êtres humains qui tenaient une conférence au beau milieu de la rue. Personne ne bougea et, au deuxième klaxon, il eut droit à un chapelet d'insultes. Il apprit qu'un automobiliste qui avait osé aller au-delà du deuxième klaxon fut poignardé ! Au cours de ses pérégrinations, il s'arrêta devant un stade fermé. On lui expliqua qu'une partie du public avait jeté des pierres sur les joueurs et tué celui qui était leur adoré ! Si Zagor comprenait que l'on puisse en avoir marre des couteaux et les remplacer par des pierres, il n'arrivait pas à concevoir que l'on assassine celui que l'on aime ! Enfin, une bizarrerie de plus n'allait pas le décourager. Il poursuivit son voyage et découvrit un peuple arriéré et qui s'enfonçait dans l'archaïsme et la violence. Il lui arrivait de s'arrêter dans les cafés. Autour de lui, on ne parlait que de «fetwas », de «hallal» et de «haram». Il rencontra un gars éméché qui sortait d'un bar clandestin : «Si tu veux t'amuser, viens au bistrot !» Il accompagna le soulard et fut estomaqué par l'état des lieux. Un local poisseux, mal éclairé et aux odeurs insupportables accueillait une vingtaine de buveurs qui reprenaient un vieil air chaâbi diffusé par un parleur nasillard. Les hommes se bagarraient entre eux mais étaient gentils avec deux femmes affalées sur des tabourets d'un autre âge qui s'aspergeaient de «Ploum-Ploum» toutes les cinq minutes. Elles avaient de fausses dents en plaqué or mais n'acceptaient que les vrais billets pour faire un tour dans l'arrière salle : «J'espère que ce n'est pas pour les égorger» lança-t-il au soulard. La bagarre fut bientôt générale. A cause d'une des deux femmes. La plus moche. Zagor était fatigué. Il était usé, ratatiné, détérioré, râpé, défraîchi, flétri, fichu, fané. Il grimpa dans sa station et décolla rapidement vers Adanac. Il aurait pu aussi monter dans une barque et aller en Sardaigne ou en Espagne, solution choisie par ceux qui n'avaient pas de fusées à leur disposition...


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