Amarchi Ahcène, plus couramment connu à Guelma sous le fameux sobriquet de «Baâtouche», est entouré d'un flot de mémoire et d'anecdotes du football à Guelma et à l'échelle nationale. Une passion qui prend une immense partie dans la vie de cette personne hors du commun, connue pour sa loyauté, sa droiture et son honnêteté. Le football était presque exclusivement un loisir urbain à la disposition des Guelmis jusqu'aux couches les plus défavorisées. A cette époque, la pratique de ce sport se situait dans une perpective d'éducation et d'ouverture socioculturelle. Ahcène Baâtouche faisait partie de cette frange de la société guelmie, c'était un véritable passionné du football, principalement celui pratiqué sur les terrains vagues et les placettes des anciens quartiers de la ville. Il a sillonné, le plus souvent pieds nus, toutes les aires de jeux des cités de Guelma. «J'ai un penchant pour ce sport populaire depuis que je suis gamin, je l'ai adoré. A l'époque, mon seul objectif, c'était de faire carrière dans ce domaine.» Le rêve de Baâtouche n'a pas été exaucé, pour une raison ou pour une autre. Quand on discute avec cet homme, on pénètre dans son univers. Des souvenirs plein la tête. Sa mémoire est une véritable encyclopédie du football. «C'est un précieux trésor que je garde éternellement», m'a-t-il dit. Ses anciennes histoires se sont déroulées dans tous les recoins, impossible de les oublier. Entre le terrain militaire, et les «batha» de Bled El Âsker, une série de terrains vagues, sur les hauteurs de la ville ou encore au quartier du faubourg de la gare, sur le terrain où a été érigé l'hôtel touristique Mermoura, cette passion envahit le quotidien de Ahcène Baâtouche. Lui, bricoleur de grand talent, ses partenaires sont des jeunes collégiens, lycéens et même universitaires, natifs essentiellement des quartiers populaires de Bab Essouk, Bourdjiba, et Kahouet El-Eulmi. Baâtouche, artisan passionné de très longue date, a eu donc l'opportunité de travailler à temps partiel pour pouvoir se consacrer aussi à sa passion, le football. C'est les larmes aux yeux qu'il se remémore le bon vieux temps : «Je suis très content d'avoir côtoyé des personnalités remarquables de cette ville historique, leur modestie est tout à leur grand honneur, je citerai Abdelhamid Zeguine, les frères Bahlouli et dans le milieu du foot, les frères Seridi, Hachouf Noureddine, Ahmed Amira, Djamel Hammami, Abderrahmene Bendjeddou, Essalhi Abdelwahab...» Pour le remémorer et en guise de reconnaissance à l'égard de ce mordu du foot, l'APC de Guelma, en partenariat avec certains opérateurs économiques, a organisé il y a plus de deux années un tournoi de football à l'honneur de Ahcène Baâtouche. Une manifestation sportive qui a regroupé une pléiade de footballeurs de trois générations et qui ont jadis porté les couleurs de l'Espérance de Guelma, la glorieuse équipe de football de cette ville. «Notre objectif à travers ce tournoi, c'est d'organiser des retrouvailles», nous a déclaré un membre de la commission d'organisation. Cette manifestation qui s'est déroulée au stade emblématique Ali-Abda du centre-ville a rassemblé une foule très nombreuse, du petit supporter au vieux journaliste, en passant par les anciennes gloires du football guelmi. Ahcène Baâtouche est connu également pour son humour et ses plaisanteries, notamment lors des événements douloureux, permettant ainsi à son entourage de mieux les supporter et de moins en souffrir. Issu d'une famille modeste, Baâtouche a réussi à intégrer la prestigieuse et incontournable équipe du quartier de Bab Essouk, appelée communément «El Aâtrcha», une véritable école de la vie où on apprend la débrouillardise, l'entraide et la vie en groupe. Cheikh Layachi, Ahmed Bras, Farouk et Abdelwahab Benyahia, Menaouer, Touhami, les Belaïd, Saci et Kamel ( Bilinda), Hamid et Hacene Bensaâda, Khelassi dit Chiba..., «Allah Yarhem limatou». Une génération de jeunes autochtones qui composent autour de Ahcène le célèbre groupe de Ouled El Aâtrcha. Pour organiser des matchs inter- quartiers, jouer aux cartes, discuter, s'amuser...Tous les motifs sont bons pour faire du café Hannachi, Kahouet Saklayes, comme préfèrent l'appeler les nostalgiques, un rituel au quotidien. Ce café symbole qui a aujourd'hui fermé ses portes se trouve en plein cœur de Bab Essouk. C'était le fief de ce groupe de jeunes, réputés pour leur rire facile et leur plaisir à divertir ceux qui les entouraient en déclenchant le plus souvent des explosions de gaîté. Kahouet Saklayes constituait autrefois une échappatoire procurant d'irremplaçables moments d'évasion et de détente pour Baâtouche et ses amis, qui formaient toute une équipe orchestrée de manière à répondre aux exigences et aspirations de toute une génération qui reste à jamais gravée dans les esprits de tous les Guelmis. Aujourd'hui, Amarchi Ahcène qui frôle les soixante-dix ans fait partie de la vie quotidienne des anciennes familles de Guelma. Il se fait estimer partout, chez Ouled Nahbia, le célèbre quartier du boulevard Souidani-Boudjemââ, Haoumet Kahouet El-Eulmi, le quartier du faubourg de la gare... Baâtouche est toujours égal à lui-même et il reste donc l'ami de tout le monde. Bien qu'il n'ait pas eu la chance de suivre des études, les anciens de cette cité se souviennent que Baâtouche a toujours été un enfant éveillé, curieux de tout ce qui l'entourait, désireux de tout comprendre. Il se distingue surtout par sa fierté du fait qu'il soit en perpétuelle opposition à toute forme d'autorité et de mépris. Ahcène Baâtouche disait tout le temps : «Je vis seul mais avec mes principes, on ne choisit jamais son destin.»