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Lettre de province
La barbarie et l'œil du cyclone médiatique
Publié dans Le Soir d'Algérie le 27 - 09 - 2014


Par Boubakeur Hamidechi
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Dans le jargon des médias anglo-saxons, il existe un raccourci pour désigner l'information susceptible de doper l'audience du jour (et même des suivants) de la presse. C'est la règle de la «mauvaise» nouvelle énoncée sous la forme d'une sentence édictant qu'il n'en est de «bonnes» que celles qui sont «mauvaises» ! «Bad news, good news», disent-ils. Or revoilà l'Algérie occupant les «unes» de la presse papier et des JT mais pour l'évoquer et la désigner sous les angles les moins glorieux pour son image. Un désastre qui l'a renvoie à un autre passé, pas très ancien, à l'époque où la communauté internationale, conditionnée par les relais de la communication, en fit un Etat proscrit. C'est que la barbarie, mise en scène dans le massif du Djurdjura par des loups solitaires d'un djihadisme de mutants, ne pouvait que susciter de la désapprobation. Une répulsion nauséeuse tout à fait compréhensible tant le mode opératoire relevait de la bestialité sauf que le lieu géographique où se commit ce crime contre l'humanité est non seulement fortuit mais de plus devient moralement dommageable pour les paisibles populations seulement préoccupées par les difficultés de leur existence. Hélas les commentaires entendus, de même que leurs illustrations par les images dont se sont servis les médias français, laissent dans l'ensemble entendre que l'Algérie demeure toujours une destination à haut risque et pis encore, pourrait redevenir à terme un sanctuaire de confrontation et d'affrontement entre Aqmi et le projet Daesh. L'assertion est grave dès l'instant où elle suppose, in fine, que le pouvoir algérien n'avait fait, au cours des 12 dernières années, que multiplier les stratégies de «containment» de la nuisance de l'islamisme politique en pensant l'avoir absorbé grâce aux cautions à son existence légale. Bien que par certains aspects ce constat a été souvent fait ici même en Algérie, pouvait-on par contre ignorer que sur le volet sécuritaire l'Algérie n'a à aucun moment «déposé les armes», pouvait-on écrire.
Il est quand même significatif de rappeler que l'attaque terroriste sur le site gazier de Tiguentourine, en janvier 2013, avait permis de vérifier le primat des armes sur les tergiversations politiciennes. La fermeté mise par l'armée à déloger et neutraliser les groupes terroristes ayant investi ce complexe stratégique n'avait-elle pas signifié au pouvoir politique qu'une grande part de sa doctrine a échoué ? Or, rien n'exclut l'hypothèse qu'il en sera de même après l'horrible épisode de la décapitation d'un ressortissant étranger. C'est-à-dire renouer avec l'option éradicatrice avec tout ce que celle-ci implique comme dommages collatéraux. Si tant est que l'on ne glose pas sur l'éthique des armes. Alors que l'image du pays se détériore à l'extérieur et de surcroît que l'on commence à prêter à l'Algérie les mêmes qualificatifs qui discréditent la plupart des Etats du Moyen-Orient la seule évidence qui s'imposerait ne passerait-elle pas d'abord par la déconstruction de l'édifice doctrinal qui dote en la matière la praxis surréaliste de la paix civile. Autrement dit, ne faudrait-il pas détricoter et la loi sur la concorde et celle de la réconciliation qui a élargi l'amnistie sans date-butoir ? Certes, dans le contexte de leurs promulgations elles ont effectivement permis de faire baisser la nuisance de l'activisme des GIA et du GSPC, cependant elles n'ont guère pu rendre l'islamisme soluble dans la légalité républicaine. Car la rémission terroriste que l'on avait connue était moins la conséquence d'une paix retrouvée qu'une étrange trêve armée.
En effet, cycliquement, le terrorisme reprenait du service afin de modifier à son profit le rapport au pouvoir et de tester ponctuellement la réactivité des services sécuritaires. A l'inverse, le pouvoir n'a jamais estimé nécessaire la moindre remise en question de ces fameux deals que sont la concorde et la réconciliation. Tout au plus, il expliquait ce terrorisme résiduel par sa mutation exogène dont la nature transnationale est mise en avant. Même s'il est exact que les ramifications dont il s'agit sont bel et bien liées à l'ensemble du contexte arabe et musulman, rien n'interdit dorénavant à un pouvoir fort et scrupuleux d'ordonner un coup d'arrêt légal dans les limites de nos frontières.
Car une paix négociée, même mal, se valide en permanence dans l'épreuve du terrain. Elle n'est jamais un dogme idéalement à l'abri des contingences quand la multiplication des coups de canif engendre le péril. Quand bien même le désir de paix doit s'accommoder des concessions déchirantes que tout un chacun doit y mettre, elle ne doit cependant pas perdre de vue la pérennité de l'Etat.
C'est-à-dire son socle et son éthique constitutifs de son existence. Est-ce le cas actuellement ? Sans doute pas dès lors que le pouvoir lui-même s'en inquiète publiquement au point de tenir une consultation de très haut niveau sur la question sécuritaire. Voilà qui est clair, par conséquent. A la seule condition, évidemment, que le choix des armes soit soutenu par l'arme du droit. En un mot, l'abrogation. Et strictement l'abrogation du cadre de la réconciliation et la concorde.


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