Le plus fort des leitmotivs entonnés par la police, qui a battu le pavé lundi à Ghardaïa puis le lendemain à Alger, concerne le départ du grand patron, le directeur général de la Sûreté nationale (DGSN), Abdelghani Hamel. Ce dernier survivra-t-il à cette grogne visiblement profonde qui réclame sa tête ? Sera-t-il sacrifié sur l'autel de la paix dans les rangs de la police ? Sofiane Aït Iflis - Alger (Le Soir) Le fait est inédit en Algérie : les tuniques bleues qui se liguent ouvertement contre le sommet de leur hiérarchie. Au-delà des réclamations socioprofessionnelles, somme toute légitimes, les policiers, qui, par leurs marches, signent leur premier acte d'indiscipline envers leur hiérarchie, demandent prioritairement le départ d'Abdelghani Hamel. C'est, au demeurant, cette revendication qui ouvre le chapelet de leurs réclamations long de 19 points. «Dégage, Hamel !», pouvions-nous lire hier sur une pancarte brandie lors du rassemblement des policiers devant le siège de la présidence de la République. Qui aurait cru, ou imaginé qu'un jour la Police nationale viendrait à s'inspirer des slogans scandés en janvier 2011 par les jeunes manifestants tunisiens réclamant le départ du président Ben Ali ! Le fait est là, désormais acté. Si les policiers en sont arrivés là, c'est que le malaise qui ronge ce corps constitué est réellement profond. Un malaise dont ils tiennent le DGSN pour responsable. Mais cette colère policière, manifestée dans la rue et devant la plus haute institution de la République, dessine-t-elle le lit à la crue qui emporterait Abdelghani Hamel ? Rien ne permet de l'affirmer, au troisième jour des manifestations. Néanmoins, quoi qu'il en soit, la brisure est là, tellement visible qu'elle n'est pas éligible aux traditionnels colmatages. Le directeur général de la Sûreté nationale devrait vivre les pires moments de sa vie professionnelle, du moins celle qu'il a accomplie à la tête de la police, lui dont l'autorité est aujourd'hui contestée publiquement. Il devrait, pour le moins, ressentir l'échec de sa gestion d'un corps dont la discipline fut toujours un credo. Abdelaghani Hamel pliera-t-il à l'exigence des policiers ou fera-t-il de la résistance ? Paiera-t-il de son poste (limogeage) le retour au calme ? Pour le moment, Hamel s'est résigné au silence, adoptant, face à la déferlante qui le menace, l'extrême prudence. C'est son supérieur hiérarchique, le ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Tayeb Belaïz, qui tente d'apaiser ce subit accès de colère de la police, promettant tout juste de prendre en charge les revendications socioprofessionnelles exprimées. Aussi, on ne sait pas quelles suites le ministre de l'Intérieur compte-t-il donner aux trois revendications politiques des policiers : le départ de Hamel, la permission de créer un syndicat et l'arrêt des pressions, surtout celles venant d'hommes d'affaires. Surtout le départ du général major Abdelghani Hamel, qui n'a jamais été vraiment adopté par le corps de la police qu'il intégra en tant que DGSN en remplacement de Boufenaia qui y assura l'intérim après l'assassinat d'Ali Tounsi, venant de l'ANP (Garde républicaine). S. A. I. Malaise dans les barrages routiers Suite aux manifestations de rue enclenchées depuis lundi et qui se sont poursuivies mardi et mercredi, les barrages permanents de la police n'ont pas été relevés. Les policiers que les manifestations ont surpris alors qu'ils étaient en poste au niveau des barrages routiers ont dû passer leurs nuits dans les fourgons. Une situation qui a accentué un malaise déjà grand dans les rangs de la police. D'ailleurs, il n'est pas exclu que le reste des corps de la police emboîtent le pas à leurs collègues URS et se joignent à la protestation.