Un texte portant éléments pour un accord de paix et de réconciliation au Mali a été présenté en fin de semaine aux protagonistes — gouvernement et groupes armés — participant au troisième round des pourparlers d'Alger. Abordant tous les aspects ayant occupé les travaux des sessions d'Alger, ce texte a passé en revue et élaboré des propositions concrètes sur de très nombreuses questions de fond. Si l'organisation institutionnelle et politique, la répartition des pouvoirs et compétences, les questions sécuritaires et de défense, de désarmement ont occupé toute la première partie de ces propositions, la deuxième a largement couvert les aspects de développement, notamment au Nord, et décliné ce que pourrait être l'étape intérimaire. Proposé pour examen à tous les participants, ceux-ci devront se prononcer pour son adoption. La coordination des mouvements armés du nord du Mali (mouvement armé de l'Azawed) y voit déjà une fin de non-recevoir de sa prétention au projet de «fédération de la République du Mali». Les concepteurs de ce texte ou médiateurs internationaux, dont l'Algérie est le chef de file des pourparlers, ont, pour éviter toute équivoque, rappelé en préambule les fondamentaux sur lesquels il ne peut y avoir de retour et notamment «la nécessité de reconstruire l'unité nationale et son intégrité territoriale». Cela sans omettre toutefois «le respect et la promotion de la diversité culturelle ; la participation effective des populations à travers un gouvernance prenant en compte leurs besoins ; un développement équilibré et la lutte contre le terrorisme et le trafic de drogue transnational organisé. Le tout, est-il rappelé, en conformité avec les valeurs de respect des droits de l'Homme. Allant au-delà des déclarations de principe qui constituent, toutefois, le socle de ce texte d'accord, les médiateurs ont proposé un cadre institutionnel et de réorganisation territoriale. Ainsi, deux niveaux de propositions sont émis : l'échelle locale et l'échelle nationale. Dans le premier, nous relevons en particulier que les collectivités territoriales bénéficieront «d'un très large transfert de compétences» et «jouiront de pouvoirs juridiques, administratifs et financiers» et son assemblée sera élue au suffrage universel. Quant à la zone du Nord (Azawed), elle sera dotée d'un conseil consultatif interrégional ayant en particulier pour charge d'accélérer le développement de cette zone. Un découpage administratif peut être envisagé si le besoin de la zone le requiert mais ce, en concertation avec l'Etat et en ayant le souci de la «cohésion sociale et de la cohérence territoriale. Une force de sécurité intérieure ou police territoriale placée sous l'autorité des collectivités locales, sera par ailleurs créée. Quant au deuxième niveau, le national, il va être veillé à une plus grande représentativité des populations dans toutes les institutions nationales. Le texte prévoit, en outre, la mise en place d'une deuxième Chambre, un Sénat qui vient s'ajouter à l'Assemblée nationale et qui sera formé de «représentants des collectivités territoriales et de notabilités traditionnelles, et religieuses». Tous les autres aménagements de ces institutions nationales insistent sur une plus grande représentativité et diversité de leurs composantes. Les cadis voient dans ces propositions, leur rôle de justice revalorisé, notamment «en ce qui concerne la médiation civile et pénale». La répartition des pouvoirs et compétences est alors détaillée entre le niveau national et les régions afin, dit le texte, d'«assurer le niveau d'efficacité requis et la prise en compte des besoins et demandes des citoyens et des communautés de base». Quant au financement et des moyens, il est, entre autres, mis en place d'ici 2017, un mécanisme de transfert de 33% des recettes budgétaires de l'Etat aux collectivités territoriales sur la base de la péréquation et selon des critères à définir. La région Nord bénéficiera, en outre, de façon prioritaire des conventions-programmes à instituer entre l'Etat et les régions. Désarmer, démobiliser, réintégrer et réinsérer Un dispositif précis est décrit pour concrétiser cette phase très importante en terme de sécurité. Avant toute chose, il est précisé que pour instituer confiance et stabilité, il est impératif que «les parties s'engagent à respecter scrupuleusement l'accord de cessez-le-feu du 23 mai 2014 et la déclaration de cessation des hostilités signée le 24 juillet à Alger». Un dispositif détaillé est alors décliné pour le redéploiement de l'armée malienne, le cantonnement des éléments des mouvements armés et la mise en oeuvre du programme de désarmement, de mobilisation, de réintégration et de réinsertion, appelé DDRR. Ce processus se déroulera au fur et à mesure du cantonnement des combattants, selon un programme arrêté par une commission créée à cet effet et mené avec le soutien de la Minusma. Ce processus devra s'achever au plus tard une année après la signature de cet accord. Notons qu'il est envisagé que les membres des groupes armés pourront, comme ils l'ont souhaité, soit être réintégrés au sein des forces de défense et de sécurité, soit être réinsérés dans la vie civile dans le cadre de projets de développement ciblés. Dans le même ordre d'idées, les forces redéployées devront intégrer en leur sein et «d'une façon significative» des habitants du Nord «y compris dans le commandement». Pour ce qui est de la réorganisation des forces de défense et de sécurité, il est prévu la mise en place, au plus tard 30 jours après la signature de cet accord, d'un comité national sur la réorganisation des forces de défense et de sécurité RSDS qui sera aidé par les partenaires internationaux et qui devra élaborer «une nouvelle vision nationale de la sécurité et de la défense». Des comités consultatifs locaux seront par ailleurs mis en place sous l'autorité de l'exécutif local. La sécurité ne pouvant aller sans le développement, une part très importante du dispositif est consacrée à ce volet. Tout le monde s'accordant à reconnaître que le nord du Mali accuse un retard de développement considérable, il était attendu que cette région soit une priorité dans les programmes et qu'elle bénéficie d'un plan spécial de développement socioéconomique et culturel. Outre ce plan décliné en actions bien précises, une liste d'opérations très ciblées a été proposée pour faire que ce programme soit soutenu par une mobilisation nationale en sa faveur et par l'octroi par l'Etat de moyens, de ressources et d'organisations adéquates. Une réconciliation qui ne va pas sans justice et sans expression plurielle Reconstruire l'unité nationale ne peut se faire sans «tenir compte de la diversité ethnique et culturelle et des spécificités géographiques». Aussi, pour ce faire et pour éliminer définitivement les causes profondes de la situation actuelle, il est envisagé l'élaboration consensuelle d'une «charte nationale pour la paix, l'unité et la réconciliation nationale et engagement à ouvrir une nouvelle page dans l'histoire du pays». Cela ne va cependant pas sans le renforcement du «mandat et l'organisation de la commission vérité, justice et réconciliation» mise en place par le gouvernement et pas non plus sans l'engagement à mettre en œuvre une réforme de la justice afin qu'elle se rapproche du justiciable. Et en attendant ? En attendant que les mesures contenues dans ce projet soient mises en œuvre dans un délai n'excédant pas dix-huit mois, une période intérimaire est proposée. Elle concerne essentiellement trois aspects : l'institutionnel, le sécuritaire et la défense et enfin l'économique, le social et le culturel. Pour chacun de ces trois niveaux, des actions très précises listées devront permettre d'arriver d'ici dix-huit mois au plus tard à permettre la mise en œuvre de cet accord. Dans l'attente, et sitôt la signature de cet accord obtenue, une campagne d'information et de sensibilisation sera menée pour faire part du contenu de ce texte et amener l'adhésion du plus grand nombre à sa concrétisation. Le gouvernement, de son côté, devra s'atteler à l'élaboration de la charte nationale pour la paix, l'unité et la réconciliation nationale. Il faut espérer que cet accord reçoive l'adhésion d'abord des parties en pourparlers. On saura dans les jours à venir leur position sur ce dispositif qui propose pour le moins une démarche très détaillée.