Nabila, une quadragénaire sociologue de formation, maman de deux filles, a choisi de s'occuper des enfants des autres. Elle nous relate sa vie de nounou. Une nouvelle vocation qui a changé son existence. Soignée et bien habillée, Nabila a accompagné sa fille jusqu'au portail de son collège. La quarantaine, le pas alerte, elle prend quelques minutes pour discuter avec les autres mamans regroupées devant l'établissement. Le temps des salamalecs, elle presse le pas pour rentrer chez elle. Pour elle, sa journée ne fait que commencer. Et pour cause, Nabila est nourrice au sens noble du terme. Elle s'occupe des enfants des autres. Pour cela, elle doit rentrer chez elle pour préparer le déjeuner, faire le ménage et repartir à l'école primaire à côté de chez elle pour récupérer deux petites filles. Elle leur a donné à manger, les a habillées et les laisse se reposer avant de les raccompagner à l'école. A 14h30, rebelote. Après qu'elles aient pris leur goûter, elle se repose un peu avant que les cours du soir ne soient entamés. Nabila, en effet, en plus d'être nourrice, donne des cours de français, d'arabe et de mathématiques aux écoliers. «Je suis sociologue de formation et j'ai travaillé pendant de longues années avec les enfants en tant qu'éducatrice. J'ai dû à un certain moment quitter mon emploi pour m'occuper de ma fille cadette qui a eu une maladie grave. Cela a nécessité son hospitalisation et je n'ai pas eu d'autre choix que d'abandonner mon poste», confie-t-elle. C'est grâce à son expérience acquise en tant qu'enseignante au sein des établissements scolaires et dans les crèches, que le chemin de la reconversion en assistante maternelle a pu se faire de façon très naturelle. Ses années de travail lui ont valu une bonne maîtrise de la gestion de son temps et assez d'expérience pour encadrer les enfants. Depuis le rétablissement de sa fille, le travail a pris le sens inverse. C'est l'emploi qui est venu chez elle. Elle assume un travail épanouissant, enrichissant en émotions et fatiguant en même temps. Un travail taillé sur mesure pour une passionnée des petites têtes bien pleines. «Je n'estime pas être femme au foyer ; pour moi, j'occupe un poste à plein temps et en plus c'est un Contrat à durée indéterminée (CDI)», dit-elle tout sourire. Et de continuer : «Pour moi, c'est un travail comme un autre. J'ai un programme pour la journée et pour la semaine. Tout doit être fait à l'heure et au moment opportun pour que cela ne déborde pas.» Et sa journée est très speed. «Dire que je m'ennuie est tout à fait faux. Bien au contraire, ma journée est comme une tornade ou un ouragan, elle passe très vite mais heureusement rien n'est cassé au passage !» «Je suis très zen et en même temps très stressée pour que tout se passe bien. J'adore travailler avec les enfants. Il suffit de savoir leur parler et les diriger. Et surtout, ne pas sous-estimer leur intelligence. Par contre, avec les adultes, c'est une autre paire de manches. Je trouve qu'il y a beaucoup de difficultés avec eux. Lorsque j'étais éducatrice dans une crèche, j'ai préféré démissionner devant le comportement de certains gestionnaires. Dans mon environnement, je suis plus à l'aise et apte à donner plus aux enfants», confie Nabila en caressant la tête de ses protégés. Et des têtes, elle en garde. «Je ne sais pas comment expliquer cela, mais je pense que c'est inné d'être nourrice. Chacun a un comportement différent et une façon d'être particulière», ajoute-t-elle. «Ce que j'apprécie le plus ce sont les anecdotes et la façon avec laquelle les enfants décrivent leur monde et leur quotidien. Par exemple, une de mes petites filles que je garde m'a raconté son retour à la maison avec sa maman. Elle m'a dit : ‘'Dès que nous rentrons chez nous, nous dormons et ma mère ne cuisine jamais, nous ne mangeons pas.'' Et elle le disait avec une telle assurance ! Une autre, pour expliquer qu'il ne fallait pas décevoir sa maman, m'a raconté que sa mère était tellement sévère qu'elle pouvait la couper en petits morceaux. La journée de mardi est encore plus chargée. Les cours commencent plus tôt et le nombre d'enfants est un peu plus important mais cela ne m'empêche pas de bien m'organiser et d'avoir l'œil sur tout le monde», relève Nabila. A 18 heures, c'est la fin de sa journée de nourrice. Je range mon tablier de maman de substitution et je prends celui de maman à plein temps. «Mes deux filles sont grandes maintenant mais je prends le temps de revoir avec elles les cours, de discuter. Toute la soirée, après le dîner, la vaisselle, ce qui me reste comme temps, je le leur consacre. C'est ma source de vie, de joie et de fierté», conclut-elle. Voilà une journée bien remplie d'une nourrice à plein temps !