De plus en plus de parents ont recours à des dérogations pour faire inscrire leurs enfants au primaire avant l'âge de 6 ans. A peine débarrassés de leurs couches-culottes et de leurs biberons, voilà que nos petites têtes brunes se retrouvent sur les bancs de l'école avec des tonnes de cours à mémoriser et des avalanches d'exercices à préparer ! Parce qu'ils travaillent et qu'ils sont confrontés à un problème de garde ou dans un souci de faire gagner une année, voire même deux à leurs bambins, certains parents grillent les étapes en écourtant la période consacrée au préscolaire. Si certains «écoliers bébés» prennent le train en marche avec plus ou moins d'aisance, d'autres ne parviennent pas à s'adapter à cette scolarisation prématurée. Témoignages. Tinhinane, 29 ans Enseignante au collège, Tinhinane a envoyé sa fille en classe avant son cinquième anniversaire. Elle nous en parle. «Un an avant, je l'ai inscrite à la crèche. Elle y a appris à lire, à dessiner et surtout à être plus sociable. Je pensais qu'elle était fin prête à franchir le Rubicon. Je l'ai donc inscrite au primaire l'année suivante. Elle n'avait pas encore soufflé sa cinquième bougie. Avec son père, on s'est dit qu'avoir une année d'avance était un joker dans la vie. Nous avons très vite déchanté ! Notre petite fille a été submergée par un flot de devoirs. A la maison, elle ne pensait qu'à jouer. En classe, elle ne parvenait pas à suivre, selon les dires de son institutrice. Je me suis mise à me culpabiliser d'avoir forcé la main à mon enfant. aussi, à la fin du premier trimestre, j'ai préféré la retirer de l'école. J'ai temporisé jusqu'à la rentrée suivante tout en la préparant psychologiquement à la vie d'écolière qui l'attendait. J'avais peur qu'elle ne fasse un blocage mais tout s'est passé comme une lettre à la poste. Je pense que ma fille avait juste besoin de profiter de son enfance. Elle a reculé pour mieux sauter. Actuellement en classe de CE1, c'est une élève studieuse et épanouie. Cette expérience m'a servi de leçon. J'ai un fils âgé de 2 ans et je ne compte nullement reproduire les mêmes erreurs avec lui. Il faut un temps pour tout dans la vie. Inutile de chercher à griller les étapes au risque de faire naître chez l'enfant un sentiment de rejet et de dégoût pour les études». Anissa, 43 ans «J'ai scolarisé mes deux filles à l'âge de 5 ans. En général, les parents pensent toujours à gagner du temps, prendre de l'avance pour le cas où il y aura un ratage à l'examen du brevet ou au bac. Comme une année bonus à mettre de côté en cas de redoublage. Aujourd'hui, l'une de mes filles est au collège, l'autre au lycée mais force est de constater qu'elles n'ont pas la même vitesse de croisière. L'aînée est brillante mais la cadette a des difficultés à suivre. J'avoue être parfois submergée par la culpabilité à l'idée d'être responsable de ce couac. N'ai-je pas volé une partie de l'insoucience de mes filles en les précipitant trop tôt dans le système scolaire ?» Slimane, 37 ans Pour Slimane cela ne sert à rien d'aller vite en besogne. Père d'un petit garçon de 4 ans, il a bien l'intention de le laisser profiter de son enfance au sein d'une crèche «Il y apprend à être sociable et y fait un apprentissage tout en douceur des lettres de l'alphabet, des chiffres et des chansons avec ses éducatrices. Avez-vous vu comme les programmes sont chargés au CP ? Pour moi il est hors de question d'écourter cette merveilleuse période qu'est l'enfance. Et ce n'est pas en bourrant la tête de mon fils prématurément de cours que j'en ferai un génie. Mon neveu a fait un rejet total de l'école parce que ses parents l'y ont inscrit trop tôt. Il a redoublé trois fois au primaire. Finalement en voulant gagner du temps, on en perd bien plus parfois.» Souad, 29 ans Souad ne regrette pas d'avoir inscrit son fils à l'école avant son sixième anniversaire. «Il était déjà au préscolaire depuis l'âge de 3 ans et a eu le temps de se familiariser avec cet univers. En tout cas, son entrée à l'âge de 5 ans au primaire n'a pas posé de problème. Il a tout de suite pris le pli et se débrouille comme un grand», assure-t-elle. A la lumière de toutes ces expériences, force est de constater qu'aucun cas ne ressemble à l'autre. Certains enfants s'adaptent vite à la scolarité en dépit de leurs jeunes années. D'autres en revanche ressentent le besoin de prolonger cette parenthèse de jeux et d'insouciance. Mieux vaut alors suivre les conseils avisés d'un psychologue. Il y va de l'épanouissement de nos enfants.