Zoulikha est grand-mère depuis peu. Avec son mari, elle a accueilli le fils de son fils aîné. Tout un évènement pour leur petite famille. Mais pour elle, il n'est pas question de changer ni sa vie ni son train-train quotidien. Dans cet entretien, cette mémé, employée dans la Fonction publique, explique les limites qu'elle s'est imposées et a imposé aux nouveaux parents. Soirmagazine : Comment avez-vous accompagné la grossesse de votre belle-fille ? Zoulikha : Pour être honnête avec vous, je ne l'ai pas accompagnée à proprement dit. Lors de l'annonce de sa grossesse, nous avons été très contents et excités à l'idée d'accueillir un petit bout de chou et devenir par la même occasion grands-parents. J'ai été, personnellement, très attendrie. Je me suis projetée très vite. Nous l'avons su au troisième mois de grossesse. Mon fils et ma belle-fille me l'ont annoncé ensemble. L'excitation passée, notre train-train a repris le dessus. Je n'appelais pas tous les jours pour avoir des nouvelles de la future maman ou de son enfant. Mon mari et moi travaillons toujours, donc nous n'avons pas vu défiler les mois. On se voyait les week-ends et lorsque ma belle-fille avait besoin de conseils cela se passait généralement au téléphone. Pour les achats du bébé, j'ai préféré ne pas trop m'immiscer pour que les futurs parents ne se sentent pas frustrés. J'ai appris par la suite que ma belle-fille a fait les achats avec mon fils et sa maman. Cela m'a un peu touché mais je n'ai pas fait de scène. C'est vrai que, moi non plus, je n'ai pas changé mon emploi du temps et je n'ai pas senti nécessaire de m'investir autant. C'est la même chose pour le cadeau du bébé, nous n'avons pas posé de questions sur les besoins des parents mais nous avons acheté selon nos envies. Mon fils nous a annoncé que l'accouhement était imminent. Nous nous sommes déplacés à l'hôpital et lorsque nous avons vu que cela durait trop longtemps, j'ai trouvé que c'était stupide de rester à attendre des heures pour rien. La nuit venue, nous sommes rentrés chez nous et dans la matinée, nous avons appris la naissance de notre petit-fils. Là, j'ai décidé de ne pas partir travailler, et, munis d'un thermos de thé et de tamina, nous nous sommes rendus à la maternité. Je n'oublierais jamais la joie que j'ai ressentie lorsque j'ai vu mon petit-fils. Nous avons appris sur place que mon fils l'a prénommé Nassim. C'est vrai que mon fils et son épouse nous ont demandé de les aider dans le choix du prénom mais nous nous sommes abstenus pour qu'ils ne se sentent pas obligés de retenir notre proposition. Je pense que je me suis senti tellement frustrée que ma belle-mère choisissait pour nous les prénoms de nos enfants, que je ne voulais pas les mettre dans la même situation mais je pense que cela a été senti comme un manque d'implication. J'en ai été un peu peinée mais peut-être que comparativement à d'autres futurs grands-parents, cela peut paraître vrai. Y a-t-il eu un changement dans votre statut social ? Je ne me suis pas sentie vieille dans ma tête. Mais bizarrement aux yeux des autres, j'avais l'impression qu'ils me regardaient comme une petite vieille grand-mère. Pour moi, rien n'a changé. Comme je suis autonome financièrement et que je me déplace seule sans aucun problème, je n'ai pas vu mon rythme de vie changer. Pendant un moment, j'ai senti un petit passage à vide, une pression sociale. Mais je ne voulais pas changer mon train de vie. Mon statut social n'a pas vraiment changé. Maintenant que mon petit-fils a grandi, je suis heureuse de le sortir de temps en temps. Je suis aussi fière de l'emmener à quelques fêtes. Il reste mon petit-fils et c'est grâce à sa venue au monde que j'ai pu goûter à la différence d'être grand-mère et non pas mère. Cela veut dire pas de responsabilités mais que du plaisir. Quelle relation avez-vous établie aujourd'hui avec les parents et les enfants ? Vous impliquez-vous dans l'éducation du petit Nassim ? Sincèrement, je vais être très claire. Je ne suis pas la nourrice. Je ne suis pas une baby-sitter. Jeune, j'ai dû arrêter de travailler pendant quelques années parce qu'il n'y avait pas de nourrice et que ma mère et ma belle-mère n'ont pas voulu garder mes enfants. Pour elles, une mère se doit d'être à la maison pour s'occuper de ses enfants. Si ma belle-fille veut travailler, elle n'a qu'à faire des choix. Aujourd'hui, il y a les nourrices et les crèches. Je ne vois pas pourquoi je me sentirais obligée de les aider. Ils n'ont qu'à gérer seuls. J'estime avoir assez donné. Votre belle-fille a-t-elle repris le travail dès la fin de son congé de maternité ? Durant son congé de maternité, je me suis rendue chez elle, de temps en temps. Je ne l'ai pas vraiment aidée à part les premiers jours où nous recevions les invités venus les féliciter. A ce moment-là, traditions obligent, j'ai pris quelques jours de congé. Par la suite, j'ai essayé d'y aller le week-end pour passer quelques heures en leur compagnie. Comme j'ai programmé de prendre ma retraite, mon fils et ma belle-fille m'ont demandé si je voulais m'occuper de leur fils à la reprise du travail de ma belle-fille, surtout du fait que je n'habitais pas loin. Ma réponse a été claire : non, dès le départ. Ils n'avaient qu'à se débrouiller. Je leur ai fait comprendre que pour moi, la retraite est synonyme de repos, cela signifie profiter des voyages et loisirs de toutes sortes. Par la suite, je n'ai même pas cherché à savoir comment ils allaient faire. Plus tard mon fils m'apprit que son épouse reprendrait le travail après avoir prolongé sa maternité d'une mise en disponibilité de trois mois. Cela lui a permis de trouver une nourrice qui l'a gardé jusqu'à un an. Ensuite, il a été inscrit dans une crèche. Comment vous projetez votre place ? Je vous le concède, on est bousculé par cette nouvelle situation et il n'est pas du tout évident de se trouver une place. Dans mon entourage, je passe pour une égoïste qui ne veut pas s'impliquer dans la vie de son petit-fils et de son fils. Je n'ai jamais voulu assumer le rôle de grand-mère traditionnelle qui est là, tout le temps disponible pour ses petits-enfants. Je préfère jouer le rôle de mamy gâteau, qui embrasse de temps en temps et peut offrir des cadeaux. Il n'est pas aussi question de sacrifier chaque fin de semaine à attendre mes petits-enfants. Si je programme un voyage ou une sortie le week-end, il n'est pas question pour moi de chambouler mon programme. C'est un choix que j'assume avec mon époux.