De notre bureau de Bruxelles, Aziouz Mokhtari A Bruxelles - Strasbourg, le pape François a plus défendu les musulmans que n'importe quel charlatan de chez nous. Dieu reconnaîtra les siens. On ne peut tolérer que la mer Méditerranée devienne un grand cimetière» (pape François). Devant des euro-députés pris de court par la hardiesse vaticane, le pape François, Argentin connaissant un «bout» de la misère du monde, a tenu un discours politique, très politique. Les europarlementaires de Bruxelles-Strasbourg ont été, en définitive, rappelés à l'ordre... européen. Il est vrai que l'Europe est une construction née du rapprochement franco-allemand tant économique, mariage de l'acier des deux voisins du Rhin qu'institutionnel, l'axe Berlin-Paris ayant été le premier fondement de l'UE. Pourtant, l'Europe est aussi et largement une idée chrétienne. Le pape le relève intelligemment. Les valeurs que le Vieux Continent vend à l'international sont un mixage entre les bonnes écritures de la Bible — des Bibles— et les acquis des citoyens. Egalité, indépendance de la justice, lutte contre toutes formes de discrimination, liberté, sexes reconnus égaux, femme égale de l'homme ou vice-versa... Il n'est pas un hasard que les Européens les plus convaincus, les plus acharnés, sont ceux issus des mouvements sociaux-chrétiens, démocrates-chrétiens, chrétiens-libéraux. Les eurosceptiques les désignent sous le vocable de «fédéralistes» qui sacrifient la souveraineté au pouvoir de Bruxelles. Pourtant, depuis quelques années, l'Union européenne a évolué en dehors de «ses valeurs». Les mandats, longs et médiocres, de l'ex-président de la Commission, le Portugais Barroso ont transformé le rêve européen en cauchemar. D'un idéal humaniste, l'Union-européenne est devenue, sous les assauts des marchés et d'une «élite inféodée à la Bourse», un capharnaum. Lourd à défendre, imbuvable, pas sortable. Il est même arrivé, plusieurs fois plutôt qu'une, que les commissaires européens affichent, ouvertement, des positions à la limite de ce qui est accepté dans les traités fondateurs. L'immigration est le domaine dans lequel s'est exprimé le plus, le sentiment le plus injuste, le plus sale et le plus détestable chez l'être humain : l'exclusion de l'autre, le barricadage contre l'assaillant, l'Africain, l'Arabe, le Levantin et même contre le Roumain, le Bulgare ou le Polonais. Shengen, espace de libre-échange entre les 28 de l'UE, est régulièrement rogné, déplumé, parfois même piétiné. Reconduite de Roms chez eux à partir de la France, alors même qu'ils sont «chez eux» en France, la Roumanie étant membre à part entière de l'Union... propos vexants et discriminatoires envers les pauvres clandestins arrivant des autres rives de la mer d'Ulysse... Depuis Barroso, tous les dispositifs en Méditerranée ont été rudes, policiers, militaires, de renoncement aux «valeurs»... Frontex, Marnostrum, depuis remplacé par un autre mécanisme encore plus contraignant.Le pape François a pris la parole pour remettre un peu d'ordre dans la mission des 28, très abîmée et très dégradée, moralement. Rien à voir avec nos chouyoukhs et les bavards s'exprimant au nom de l'Islam. Et, aucun télé-imam algérien n'a pris la parole pour dénoncer le sort fait aux Maliens, aux Syriens et autres Africains qui ont eu le Malheur, l'autre après celui d'avoir quitté leurs pays, de se réfugier en Algérie. Ces oulémas de pacotille et d'opportunisme passent même sous silence les propos racistes de certains citoyens ou écrits de journalistes concernant ces catégories de population. Les mots «kahlouche», «Ebolien» (pour désigner les Subsahariens) ou «Tlalba taâ souria» (les mendiants de Syrie)... Rien, les Chemsou et Hamadache regardent toujours ailleurs, vers le non-port du voile, les tenues vestimentaires des jeunes filles, les gorgées de whisky ou les chopes de bière que des Agériens ou Algériennes sont sommés de ne pas consommer. Le pape en ce qui le concerne, a discouru sur l'accueil des migrants, pour beaucoup d'entre eux des musulmans, les morts en Méditerranée des harraga, les centres d'accueil des réfugiés. François du Vatican a plus défendu l'Islam que les charlatans de chez nous. Les grands hommes de la Méditerranée ont dû apprécier. D'Ulysse à Guerrouabi en passant par Ibn Arabi, Mustapha Lacheraf, Ibn Khaldoun, Ibn Khafadja, Kateb Yacine, Mohamed Darwich, Didouche Mourad, Fadéla D'ziria, Jean Ferrat, Louis Aragon ou Reinette l'Oranaise.