Le parcours politique de l'inamovible ministre de l'Intérieur Ahmed Médeghri, celui que l'on considère comme le père de l'administration de l'Algérie indépendante, a été revisité, hier à l'occasion du quarantenaire de sa disparition «énigmatique», à la force de l'âge, 40 ans. M. Kebci - Alger (Le Soir) Et qui mieux que l'ancien ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales et président de l'Association des anciens du MALG pour le faire, lui qui a eu à connaître de près le défunt ? C'était, hier mardi, au forum du quotidien El Moudjahid quand Dahou Ould-Kablia s'est évertué à brosser le portrait politique de l'homme d'Etat, opiniâtre et jaloux de ses prérogatives que fut Médeghri. Autant de facettes que ce fils d'un ancien cadre de l'UDMA puis du PPA-MTLD, né en 1934 à Saïda, à l'ouest du pays, a fini par payer au prix suprême, sa vie et trop précocement. Brillant matheux pour avoir décroché son bac à Oran avant d'atterrir à Alger pour des études supérieures, c'est à Mascara où il retournera en 1956 pour exercer le métier d'instituteur qu'il rencontrera Larbi Ben-M'hidi qui y venait régulièrement. Ceci avant de rejoindre le maquis l'année suivante, en 1957 dans la zone 5, à Sidi-Bel-Abbès où il gravira les grades jusqu'à celui de commandant en avril 1962. Au recouvrement par le pays de son indépendance en juillet de cette année, Médeghri sera nommé wali de Tlemcen jusqu'au mois d'octobre, date à laquelle il sera promu ministre de l'Intérieur. Un poste qu'il occupera jusqu'à sa mort, douze ans plus tard. «Il était d'une très forte personnalité, n'acceptait pas les pressions, opiniâtre et très jaloux de ses prérogatives», témoignera Ould-Kablia qui fera part de ses tout premiers différends avec le Président de l'époque, Ahmed Ben Bella. Un litige lié à la désignation des walis puisque Ben Bella préférait placer ses anciens amis du MTLD au moment où Médeghri voulait intégrer les jeunes cadres sortis des écoles du FLN. Un bras de fer qui allait connaître son épilogue en été 1964 quand Ben Bella signa un décret présidentiel lui retirant la DGSN, les transmissions nationales, la Fonction publique et la réforme administrative. D'où sa démission avant de revenir l'année suivante sur injonction de feu Bachir Boumaza, alors ministre de l'Industrie, pour redonner vie au projet de l'Ecole nationale d'adminsitration qui, dès ce mercredi, portera son nom. Et les mérites de Médeghri ne s'arrêteront pas là puisque on lui doit également les premiers codes communal et de wilaya, le statut de la fonction publique ou encore le FCCL (Fonds commun des collectivités locales) durant le règne du président Boumediène avec qui ses déboires se poursuivront. En effet, l'enfant de Saïda ne faisait pas mystère de sa désapprobation de certaines des options économiques et sociales de cette époque. Il était notamment contre les nationalisations tous azimuts, surtout celles des terres agricoles qu'il assimilait à une «dépossession des Algériens» qui allait, comme il avertissait, «faire perdre au pays le savoir-faire, l'auto-financement et la confiance». Autant de réserves auxquelles Boumediène répliquait intelligemment à travers une opération de «confinement» de Médeghri. En instaurant, poursuivra Ould-Kablia, des commissions au niveau des wilayas, réduisant ainsi les missions des walis et en élargissant les APC aux organisations de masse, toutes issues du parti unique. «Des mesures du pur style marxiste visant le dépérissement de l'Etat» aurait jugé Médeghri, qui finiront par bien le faire plier, lui qui s'est «réfugié» à Annaba et subir dépression sur dépression jusqu'à sa «mort» le 10 décembre 1974 alors qu'il n'avait que 40 ans. Une perte cruelle et immense pour le pays tant, témoignera encore Ould-Kablia, Médeghri était «entier, réellement démocrate et moderniste». M. K. L'ENA baptisée au nom d'Ahmed Médeghri L'Ecole nationale d'administration (ENA) porte, désormais, le nom du défunt ministre de l'Intérieur Ahmed Médeghri dont on célèbre, aujourd'hui, le quarantenaire de son décès. Une juste reconnaissance, de gratitude et de considération à l'endroit de celui que l'on considère comme le «père de l'administration algérienne», ses réalisations multiples visant à asseoir les fondements et les bases d'une administration algérienne indépendante sont là pour l'attester. Parmi ses chantiers pionniers, la création justement de cette école nationale de l'administration, le projet d'une Ecole supérieure des cadres qui n'a pu se concrétiser même si un premier contingent de 24 jeunes cadres dont l'actuel Premier ministre a été sélectionné, la création d'appendices locaux de formation des cadres des collectivités locales que sont les CFA (Centres de formation administrative), les tout premiers codes communal et de wilaya, le Fonds commun des collectivités locales (FCCL),... A Médeghri, on doit également la création de l'état civil dans les régions sahariennes pour les populations nomades touaregs et la reconstruction de l'état civil dans les régions dévastées par la guerre de Libération nationale, le premier recensement général, l'organisation des premières consultations électorales, le redéploiement des finances locales, la mise en place d'institutions locales au niveau des communes et des wilayas, l'assainissement et le redressement des services publics locaux, le développement économique local et la promotion de la petite et moyenne industrie locale, l'adoption d'un statut général des agents publics de l'Etat et des collectivités territoriales, le réaménagement territorial des wilayas dont le nombre a été porté de 15 à 31.