Au sixième jour de la manifestation, les populations des régions mitoyennes affluent en masse à In Salah, où des milliers de citoyens manifestent en famille contre le gaz de schiste. Les renforts sécuritaires continuent d'arriver dans la région, et la RN1 a été encore une fois coupée à la circulation. Mis à part les grands renforts sécuritaires déployés aux portes d'In Salah, et qui donnent l'image d'une avant-bataille, des sources locales affirment que la situation est plutôt calme en ville où la population manifeste pacifiquement et en famille. Par contre sur la RN1, qui a été à nouveau coupée à la circulation, la situation est plus ou moins tendue. Des protestataires ont immobilisé sept camions de transport de carburant, selon nos sources. Entre-temps, des populations en provenance de localités mitoyennes à l'exemple d'Inghar, à 65 km d'In Salah où le chef de daïra a été également chassé de la ville, continuent d'affluer. Aussi, d'autres villes dépendant de la wilaya d'Adrar, en l'occurrence Tit, Aoulef et Akebli, qui se situent approximativement à 120 km du lieu de la manifestation. Le fait nouveau, révèlent nos sources, est le soutien du mouvement touareg «Mefrat» de Tamanrasset à la population d'In Salah. Quelques dizaines de personnes sont arrivées hier, à bord de deux bus, dans la région pour se joindre à la manifestation. La grève générale perdure, commerces et offices publics et privés demeurent à l'arrêt. Les écoliers n'ont toujours pas rejoint leurs bancs d'école. Le wali de Tamanrasset, qui selon nos sources, aurait signé une réquisition pour une intervention qui devait avoir lieu hier, a été sommé par sa hiérarchie de rester sur place, à In Salah. «Les autorités publiques hésitent encore à intervenir de peur que la colère ne se propage dans d'autres régions du sud», concluent nos sources. Mehdi Mehenni Abbas Bouâmama, sénateur RND de Tamanrasset : «J'ai attiré l'attention de Sellal il y a une année» Le Soir d'Algérie : Que vous inspirent les évènements d'In Salah ? Abbas Bouâmama : La situation m'inquiète au plus haut point. Je la redoute dans le sens, où six jours après le début de la contestation, le gouvernement n'a pas encore bougé. Si jamais il y a dérive, nous tenons le Premier ministre Abdelmalek Sellal, pour le principal responsable. Car nous avons attiré son attention il y a plus d'une année sur l'inquiétude de la population du Sud quant au projet d'exploitation du gaz de schiste. De ma tribune au parlement je l'ai interpellé lors de son passage devant le Sénat, lui suggérant la nécessité de faire un travail de sensibilisation auprès de cette population. Qu'est-ce que vous avez plus précisément suggéré ? Il fallait expliquer ce projet aux habitants de la région et les rassurer sur les risques écologiques qu'ils soupçonnent. Les jeunes du Sud sont aujourd'hui très conscients et à l'ère du temps. Il y a parmi eux des ingénieurs et techniciens supérieurs spécialisés dans plusieurs domaines, y compris celui des hydrocarbures. Il fallait leur expliquer les technicités prévues pour mener à bien ce projet, et les prédispositions prises pour protéger l'environnement et surtout la nappe phréatique de la région. Mais Sellal, a dû penser que j'intervenais, ce jour-là, pour le plaisir de parler. Aujourd'hui, il est trop tard, et la position de la population d'In Salah est mienne. Son opinion est souveraine, et je suis un représentant du peuple. Qu'est-ce qui a le plus provoqué la colère de la population ? C'est la visite en catimini du ministre de l'Energie avec ceux de l'Environnement et des Ressources en eau, pour l'inauguration du premier puits de gaz de schiste dans la région. C'était une grande erreur, dans le sens où ils se sont dirigés de l'aéroport, droit vers le site de forage, avant de refaire le même chemin. La population s'est sentie humiliée et déconsidérée. Le gouvernement n'a consacré à cet évènement sensible que quelques minutes au journal télévisé de 20h. Il n'a pas joué son rôle. Les autorités publiques ont choisi la répression comme mode opératoire, qu'en pensez-vous ? La répression est un comportement non responsable et inacceptable. Il fallait dialoguer avec la population, même si couper la route à la circulation n'est pas un comportement exemplaire. S'il y a une autre intervention des forces de l'ordre, ça sera une grande erreur. La violence engendre la violence et il ne faut pas oublier qu'il y a maintenant des femmes et des enfants parmi les protestataires. Aussi, beaucoup de gens affluent d'autres régions mitoyennes pour se joindre aux manifestations.