«Le fanatisme est un monstre qui ose se dire le fils de la religion.» (Voltaire) L'attentat du 7 janvier dernier contre l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo a été l'occasion pour la grande majorité de la classe politique française de lancer un appel à l'unité nationale. Malheureusement, à l'heure où la France entière était en deuil, le Front national n'a pas su résister à la tentation de la récupération politique. Un fanatisme pouvant en cacher un autre, moins de 24 heures après le drame, plusieurs hauts responsables du FN ont appelé à déchoir de la nationalité française les responsables de cet attentat abject, sous un prétexte, une fois n'est pas coutume, absurde : les auteurs de la tuerie disposeraient (ce qui reste à prouver) de la nationalité algérienne. Au-delà de l'ironie cynique qui veut qu'un parti politique, dont le président d'honneur n'est autre qu'un tortionnaire qui a souhaité étouffer la liberté du peuple algérien, appelle à lutter contre les ennemis de la liberté, je tiens à alerter la classe politique et les citoyens des deux rives de l'absurdité et la dangerosité de cette proposition. Car le Front national vient de commettre une erreur morale, politique et historique. Faute morale, car le Front national jette les Français d'origine étrangère et en particulier d'origine algérienne en pâture, quand les citoyens français, quelles que soit leurs origines ou leurs religions et au-delà de leurs différences, font bloc pour surmonter ensemble cet épisode tragique et dire non à l'obscurantisme. Attitude d'autant plus minable que le policier assassiné à bout portant par les terroristes s'appelait «Ahmed». Faute politique, car l'appel à la déchéance de nationalité revient à nier l'identité française de ces terroristes et laisse penser qu'aucune responsabilité ne saurait être imputée à la France. Que finalement, c'est leur «algérianité» qui les a poussés à agir ainsi. Rappelons que les terroristes sont nés et ont grandi en France, ont fréquenté l'école républicaine et ne connaissent peut-être pas grand-chose du pays de leurs ancêtres. Nier le parcours franco-français des deux tueurs, c'est refuser de voir la vérité en face. Aujourd'hui, la France doit se poser les bonnes questions : - Pourquoi dans une quête d'identité légitime, certains jeunes Français choisissent la voie du radicalisme religieux ? - Où la République française a-t-elle failli pour que des jeunes Français ne se vivent pas comme tel ? Enfin faute historique, car cet épisode montre que la haine de l'Algérien est tellement ancrée dans l'ADN du Front national, qu'elle l'empêche d'avoir un regard lucide sur l'histoire récente de l'Algérie. Un pays qui lutte sans merci contre le fanatisme religieux depuis plusieurs décennies, un pays où la population et en particulier les journalistes ont payé un lourd tribut pour que la liberté d'opinion ne cède pas face aux terroristes. Enfin, le seul dans le monde arabe qui a remporté une victoire politique et militaire contre l'islamisme radical. Aujourd'hui l'heure est à la décence, au recueillement et au soutien de toutes les victimes et surtout à la solidarité nationale pour qu'ensemble nous luttions contre les obscurantistes et construisions une société plus juste, plus humaine et plus fraternelle. Akli Mellouli, Président de l'Espace franco-algérien