C'est un scénario catastrophe, notamment l'érosion des réserves de change, l'aggravation des déficits et un endettement public accentué, que le directeur du département Moyen-Orient, Afrique du Nord et Asie centrale au Fonds monétaire international (FMI) n'écarte pas d'ici cinq ans pour l'Algérie, si l'actuelle politique économique et sociale n'est pas infléchie, modifiée. Cherif Bennaceur - Alger (Le Soir) En visite de travail et hôte de plusieurs membres de l'exécutif, le directeur du département Moyen-Orient, Afrique du Nord et Asie centrale au Fonds monétaire international (FMI), Ahmed Masood, a animé jeudi après-midi, sous l'égide de la Banque d'Algérie, une conférence sur l'impact de la chute du prix du pétrole sur les pays de la région. Abordant le cas de l'Algérie, dans le contexte de dégringolade des cours de pétrole, le représentant du FMI se voudra critique. Certes, Ahmed Masood considérera que l'Algérie «est beaucoup mieux préparée et sa position est plus forte» par rapport à celle des années 1980, pouvant ainsi faire face à tous chocs externes résultant des perturbations de l'or noir. Une aptitude favorisée par «la politique macroéconomique prudente» qui a été adoptée, relève ce directeur du FMI, évoquant le faible niveau d'endettement extérieur ainsi qu'une importante épargne accumulée. Ainsi, l'Algérie a «réussi à développer et à renforcer des marges de manœuvre budgétaire» lui permettant, observe l'hôte de la Banque d'Algérie, de pouvoir être «bien placée» pour s'adapter à la nouvelle donne. Des vulnérabilités encore apparentes Pourtant, Ahmed Masood relève que des «vulnérabilités» étaient déjà perceptibles, bien avant la baisse frontale des prix. Une vulnérabilité apparente dans le prix d'équilibre budgétaire (prix du baril permettant d'assurer un équilibre budgétaire) de plus en plus élevé depuis 2005, de l'ordre de 120 dollars, dans un contexte d'accroissement soutenu des dépenses publiques et des importations et de déficit budgétaire accru. Sur la base de ce constat et de l'évolution des cours du baril, le directeur régional évoque deux scenarii possibles sur le moyen terme, les cinq prochaines années, pour l'Algérie. Le premier scénario qu'Ahmed Masood présentera se base sur l'hypothèse que les cours de l'or noir restent stables entre 50 et 75 dollars. Dans ce cas, si la politique économique suivie actuellement, basée sur le financement des investissements par les recettes des hydrocarbures, n'est pas modifiée, infléchie, le risque plane de voir le déficit budgétaire se creuser encore et davantage. De fait, c'est un scénario catastrophe que le représentant du FMI évoquera, dans la mesure où il n'écarte pas la possibilité du «rétrécissement des marges de manœuvre», le risque d'un fort endettement public, la poursuite du déficit du compte courant de la balance des paiements. Voire, le risque que les réserves de change, estimées actuellement à hauteur de 185 milliards de dollars, diminuent fortement, se réduisant à 72 ou 70 milliards de dollars vers 2020. Ce qu'il considérera «intenable» pour un pays comme l'Algérie, outre la hausse de l'inflation mais aussi la baisse de la croissance et l'accroissement du chômage, des jeunes notamment. Ainsi, un scénario possible s'il n'y a pas de changement de politique économique, en cas d'éviction avérée du secteur privé et absence de diversification économique, laisse-t-on entendre. Un scénario non envisageable si... Mais un scénario que le directeur régional estime toutefois non-envisageable, dans la mesure où l'Algérie «n'est pas, aujourd'hui, en situation de crise » mais dans « une phase de transition». Cela même si notre pays devra s'«adapter» à la nouvelle réalité des prix du pétrole, attendus fluctuer entre 60 et 70 dollars le baril, mais loin des 110 à 120 dollars atteints les dernières années. Cela étant, Ahmed Masood évoque un second scénario, sur la base d'une fourchette de prix du pétrole similaire. Soit l'opportunité pour l'Algérie de tirer profit de la conjoncture pour «implémenter les éléments de réaction». Le FMI plaide une consolidation budgétaire Le représentant du FMI plaidera ainsi pour une consolidation budgétaire «graduelle» mais soutenue et qu'il faudra mettre en œuvre dès maintenant et en développant une communication efficiente vis-à-vis des citoyens. Explicite, Ahmed Masood évoque la réduction des dépenses non d'investissement mais des dépenses courantes et des transferts sociaux ainsi que le ciblage des subventions. Certes, une décision qui sera «dure» et «longue» à prendre, concède-t-il, tout en estimant qu'il est impératif de la mettre en œuvre de façon graduelle et d'œuvrer à rassurer les Algériens. A même de contribuer à terme à la réduction des importations, la consolidation budgétaire escomptée ne réglera pas pour autant le problème de la relance de la croissance et du chômage des jeunes qui restera encore élevé. Outre cette consolidation budgétaire, il appellera à stimuler la contribution de l'investissement privé, seul à même de générer la création d'emplois et la croissance, ainsi que la diversification des exportations. Ce qui devrait se traduire, à terme, par une réduction progressive du déficit budgétaire, voire sa transformation en excédent, une stabilisation de l'endettement interne et une reconstitution de l'épargne nationale des réserves de change. Soit le renforcement de la résilience de l'économie algérienne, escomptera le représentant du FMI qui relèvera, toutefois, que l'évolution des cours de l'or reste incertaine. Le choc est «là», selon Laksaci Dans cet ordre d'idées, le gouverneur de la Banque d'Algérie, Mohamed Laksaci, observera que le choc externe a été ressenti par l'Algérie essentiellement lors du quatrième trimestre 2014, même si la dégringolade des cours a commencé dès juin. Toutefois, le gouverneur considère que la chute des cours «n'a pas remis en question» la stabilité macroéconomique du pays, liée à la maîtrise de l'inflation qui a été estimée à 2,9% en fin d'exercice, de même que la stabilité financière a été maintenue. Mohamed Laksaci observe également la solidité avérée des banques, malgré le fort accroissement des crédits à l'économie (en croissance de 26% en 2014 contre une moyenne de 20% durant les années précédentes). De surcroît, des banques qui ne sont pas en situation d'endettement externe selon le gouverneur qui note que même si la liquidité bancaire reste «encore appréciable», en excès, ces établissements peuvent néanmoins se refinancer dès cette année auprès de la Banque d'Algérie ou opter pour le marché interbancaire. Certes, «le choc est là», relève le gouverneur qui constate, néanmoins, qu'en raison du niveau «historiquement faible» de la dette extérieure, la question se pose de savoir «comment tirer profit (de la situation)» pour générer de la croissance plus forte et des emplois. Et ce, dans la mesure où le secteur des hydrocarbures dispose de capacités d'autofinancement, le défi est d'impulser une croissance plus forte hors hydrocarbures, impliquant le secteur privé mais aussi une implication des banques plus forte dans la mobilisation de l'épargne notamment des ménages, sur la base d'une rémunération «plus attrayante» et la promotion des produits financiers. Le contrôle des changes relève des banques, considère Laksaci Peu loquace et assez élusif, le gouverneur de la Banque d'Algérie l'était à propos des affaires de malversations supposées et impliquant des établissements bancaires locaux ou à l'étranger. Des affaires qui soulèvent la question de l'efficience et de l'efficacité du dispositif de contrôle des changes en œuvre en Algérie. Indiquant qu'une réglementation datant de février 2007 a contribué à la modernisation du dispositif, Mohamed Laksaci a assuré que les dispositions régissant le contrôle des changes sont claires. Selon le gouverneur, le contrôle des changes relève en premier lieu des banques et «a posteriori» de la Banque d'Algérie. Une autorité qui a «intensifié» les interventions à ce titre, indique le gouverneur qui précise par ailleurs que son institution dispose de moyens d'action idoines et compte 130 inspecteurs assermentés.