Par Kader Bakou «Les Français ont bâti à Alger une ville tellement belle qu'elle est restée belle malgré tous les efforts des Algériens pour la rendre moche.» Le jeune homme, qui a fait cette remarque «crue», à l'époque, n'avait pas encore décidé de partir vivre à l'étranger. Il n'a pas tout à fait tort. Nous avons presque tout fait pour défigurer Alger. Un beau trottoir, un joli jardin ou une coquette place publique quelque part ? Les marteaux piqueurs ou les bulldozers arrivent, remuent et cassent tout pour construire à la place «quelque chose qui ne ressemble à rien», selon une célèbre expression populaire. Un exemple ? Les pavés originaux de la place des Martyrs étaient meilleurs. Ils étaient anti-dérapants et ils avaient même un ingénieux système qui permettait l'écoulement progressif des eaux pluviales. Ces pavés ont été remplacés par des dalles collées les unes aux autres et qui transforment la place en patinoire les jours de pluie. Ceci sans parler de la couleur. Les espaces verts ont rétréci comme une peau de chagrin. La plupart des travaux de restauration des vieux immeubles ou de monuments sont, en fait, des modifications de mauvais goût. Il n'y a pas que les anciens quartiers européens qui ont été amochés. La Casbah en sait quelque chose. Le jeune Algérien qui a dit que les Français ont bâti à Alger une ville tellement belle qu'elle est restée belle malgré tous nos efforts pour la rendre moche a fait une demande d'immigration au Canada. Deux années plus tard, il s'est installé à Montréal. Aujourd'hui, il est devenu citoyen canadien et sujet de Sa Gracieuse Majesté britannique. Il est écrivain et ingénieur en informatique. Ceux qui aiment vraiment Alger ont mal au cœur quand ils la voient subir ce qu'elle est toujours en train de subir. L'inculture ambiante est elle aussi responsable de la fuite des cerveaux et... des cœurs ! K. B.