Pour ce 35e anniversaire du Printemps berbère et un an après le lynchage des manifestants de Tizi-Ouzou par les forces de l'ordre, l'Etat algérien s'implique pour la première fois dans la commémoration d'Avril 1980. Samedi dernier, la salle de cinéma Al Khayyam, fraîchement rénovée, a accueilli la première édition du Printemps du cinéma amazigh (du 18 au 21 avril), organisé par le Haut-Commissariat à l'amazighité (HCA) en partenariat avec l'APC d'Alger-Centre. Cette manifestation qui deviendra annuelle s'inscrit dans la ligne de promotion et de vulgarisation de la culture berbère prônée par le HCA, à sa tête M. El Hachemi Assad. Ce dernier a rappelé dans son allocution que cette institution organise depuis le 11 janvier des activités culturelles et des projections à la salle Khayyam tous les quinze jours. Il annonce par ailleurs que le HCA vient de lancer une application en tamazight pour Androïd et Apple, et qu'à partir de cette semaine un cours d'alphabétisation berbère pour adultes sera disponible au niveau du siège de cet organisme en partenariat avec l'association Iqraâ. Le HCA parraine également un jumelage entre la commune d'El-Khroub, la wilaya de Constantine et la ville de Tizi-Ouzou pour des «bains linguistiques» : «Un groupe d'élèves d'El Khroub se rendra d'ailleurs ce 24 avril au village Ath Abderrahmane d'Ath Ouacif.» Cette cérémonie fut aussi l'occasion de rendre un hommage appuyé à Khadra, une ancienne caissière de la Cinémathèque d'Alger qui y a passé une trentaine d'années. Plus tard, c'est le P/APC d'Alger-Centre, M. Abdelhakim Bettache (MPA), s'exprimant en kabyle, a évoqué la mémoire de Kamel Amzal, étudiant kabyle assassiné par les islamistes en 1982 à la cité universitaire de Ben Aknoun ; il rendit hommage à Mouloud Mammeri et affirma : «On militera encore jusqu'à l'officialisation de tamazight.» Et de rappeler, par ailleurs, qu'Al Khayyam fait partie des quatre salles de cinéma récemment réhabilitées par l'APC et qui seront suivies par d'autres : Le Paris, Le Français et Le Chihab. Malheureusement, les projections en data show étaient des films programmés pour cette première journée et ont souffert de nombreuses défaillances techniques dues à la qualité des copies. D'abord, le court-métrage Tagara n lejnun (La fin des djinns) de Cherif Aggoune (1990), premier film en berbère de l'histoire du cinéma algérien, n'a pu être visionné correctement, ce qui a amené le réalisateur à expliquer au public, non sans colère, que la copie en 35 millimètres «est prise en otage dans un bureau à Alger, comme d'autres films dont personne ne veut s'occuper». Il faut dire que la salle Al Khayyam est équipée pour l'instant d'un projecteur data show et aussi d'un support pour 35 millimètres, mais elle ne bénéficie pas encore de la technique numérique. Par ailleurs, les court et moyen métrages Dihya de Omar Belkacemi (2009) et Le tour d'argent de Hafid Aït Braham (2009) ont pu être visionnés dans des conditions plus ou moins correctes. Le premier raconte l'histoire d'une jeune mère délaissée dont le mari a quitté le pays pour des raisons vraisemblablement politiques. Femme courage, elle assumera seule l'éducation de son enfant et affrontera vaillamment le patriarcat et la misère. Le tour d'argent s'inscrit dans le registre de la comédie et décrit, dans un style léger et bien rythmé, l'aventure d'un homme vivant dans la précarité qui gagne le gros lot au loto.