De notre bureau de Bruxelles Aziouz Mokhtari Et si les tragédies incessantes en Méditerranée, flux migratoires clandestins, naufrages quotidiens de pauvres gens, préparaient les nouvelles guerres de l'Otan avec l'appui de l'UE, une sorte de Qorsene Ighannem, départ du nord ?... Lors du dernier sommet des chefs d'Etat et de gouvernement européens (jeudi dernier-Bruxelles), une décision est passée inaperçue parmi le lot des résolutions adoptées, celle consistant à intervenir directement en territoires des pays «exportateurs» de clandestins. Certes, quelques dirigeants ont atténué la portée de la cette évolution, mais tous à la tête de pays non concernés directement par l'affaire. En revanche, la France, l'Italie et l'Espagne, les plus proches géographiquement du sud de la Méditerranée, «arabo-africaine» comme disent, maintenant, beaucoup de leaders, ici, semblent, à tout le moins, excités par cette tendance. Intervenir directement veut tout simplement signifier agir militairement en pays étrangers et souverains, en dehors de mandats de l'ONU et en piétinant le droit international en cours. Il est vrai saccagé plutôt plusieurs fois qu'une (guerres des Bush en Irak, agressions turque, française, qatarienne et saoudienne en Syrie, débarquement de l'Otan puis assassinat de Gueddafi en Libye, expédition punitive de la dynastie Al-Saoud au Yémen...). Pourtant, la nouvelle orientation européenne interpelle et inquiète. Que veut, précisément, signifier «attaquer le problème à la source», «détruire les embarcations de clandestins avant leur arrivée en Europe», «punir les passeurs avant qu'ils n'agissent». Les formules sont spartiates, ne laissent pas de doute aux intentions de Bruxelles. Et s'il y en avait quelques-uns, l'Otan les auraient balayés tous, sans ménagement. Quelques jours à peine après le Sommet de Belgique, l'Alliance atlantique communique : «Nous devons être unis pour affronter cette crise...» Et, plus loin dans le texte : «Il s'agit d'un énorme défi international qui demande une réforme globale.» Mais que vient faire l'Otan dans cette galère ? Le terme était déjà utilisé par Molière dans la bouche de l'un de ses personnages qui reprochait son manque de vigilance qui l'a conduit à être prisonnier et mis dans une galère à destination d'Alger. «Dans Alger», écrivait-on, à l'époque. D'autres signaux et propos apparaissent qui font craindre le pire. Les lieutenants du Président français Hollande critiquent Sarkozy dans sa guerre en Libye non pas dans son fondement, juste, selon eux, mais parce que la France «s'était retirée prématurément». L'un d'eux a même déclaré : «Sarkozy n'a pas assuré en Libye le service après-vente.» Les associations humanitaires, les ONG les plus indépendantes et des personnalités de haut rang au niveau européen montent au créneau pour dénoncer et mettre en garde toute cette escalade. Est-ce, sera-ce suffisant ? Pas évident du tout au vu du peu d'allant européen à endiguer, politiquement et humainement, les flots migratoires déferlant du sud de la mer d'Ulysse et de El Badji. Il se dégage l'impression que Bruxelles laisse la tragédie prendre des allures encore plus alarmantes, pour justifier la guerre, les guerres à venir là-bas, en «Méditerranée arabe et africaine». Entre-temps, les entorses aux lois, aux règlements, aux traités et même à la logique diplomatique sont légion. Des Maghrébins et Africains sont expulsés de Malte alors qu'ils étaient dans l'île que pour des vacances. Parmi eux, 12 Algériens. Malte procède par des arrestations «préventives» avec comme acte accusateur «le délit de faciès». Cette façon de procéder devrait être élargie et d'autres membres des 28 ne tarderont pas à s'en inspirer... C'est, en quelque sorte, une préparation d'un «Qorsene Ighannem» à l'envers. Dans cette légendaire qasida (auteur inconnu), Hachemi Guerouabi, lui, interprète avec brio la prise de Malte par un raïs et un équipage partis d'Alger. Un véritable reportage où tout est indiqué avec minutie, le départ des aventures du voyage, la préparation de l'expédition, la descente sur Malte et les belles prises dont, évidemment, des très jolies esclaves européennes.