Il y a des gestes que certains chanceux ne connaissent pas : régler le réveil à six heures du matin, sauter du lit aux aurores, affronter les sempiternels bouchons pour rejoindre leur lieu de travail, tourner en rond dix fois avant de dénicher une place où se garer, se nourrir de «junk food» bourrée de cholestérol à la pause-déjeuner et se coltiner deux heures d'embouteillages pour rejoindre leurs chaumières. Et pour cause, ces sacrés veinards ont des boulots qui leur permettent de bosser à partir de chez eux à l'exemple des écrivains, correcteurs, chroniqueurs, journalistes freelance... Est-ce vraiment la panacée de bosser à distance ? Témoignages. Leila, 35 ans Mariée et mère d'une petite fille âgée de deux ans, Leïla (35 ans) collabore en free-lance pour plusieurs publications et maisons d'édition. «Comme tout le monde, j'ai connu les réveils matinaux par météo glaciale, les transports en commun bondés, les embouteillages infernaux et tutti quanti... Mais après la naissance de ma fille, j'ai choisi de bosser autrement. Grâce à mes nombreux contacts, j'ai régulièrement du travail d'écriture et de correction que je peux effectuer tranquillement chez moi avant de l'envoyer via internet. Cela me donne plus de liberté dans le sens où je peux organiser ma journée tout en prenant le temps de me consacrer à mes obligations familiales. Ainsi par exemple, pas besoin de confier ma fille à une nounou. Je mesure la chance de profiter de chaque moment passé avec elle et de la voir grandir. Faire mes courses, cuisiner, jouer avec la petite, prendre un thé l'après-midi avec une amie... J'organise mon emploi du temps comme je veux. J'avance à mon rythme et m'arrête dès que je me sens lasse. Pour moi, c'est un grand privilège de travailler ainsi sans contrainte d'horaires, de transport... Mes sœurs soumises aux huit heures par jour m'envient vraiment. Mes rentrées financières ne sont pas régulières mais sont néanmoins correctes. Subir le stress de la course contre la montre ne me tente pas du tout. Moins de revenus, certes, mais une vie plus cool, je ne regrette pas mon choix.» Samiha, 49 ans Les salles de rédaction bruyantes et enfumées, très peu pour Samiha (49 ans). Forte de sa licence en langue française et de son expérience en tant que prof de français, cette quadragénaire a fini par adopter un autre style de vie. «Je reçois des manuscrits d'auteurs à corriger, des communiqués de presse à rédiger pour des boîtes de communication et des travaux d'écriture en général, confie-t-elle. Il y a quelques années, mon mari a eu un grave accident de voiture. Du jour au lendemain, j'ai dû démissionner de mon poste d'enseignante au lycée pour m'occuper de lui. Afin de ne pas rester inactive, j'ai pris des travaux de correction et de relecture à la maison. Cela me permet de gagner ma vie tout en servant de garde-malade à mon conjoint lourdement handicapé. Généralement, je consacre mes matinées au ménage et à la popote. Après une pause d'une demi-heure, je me mets devant mon ordinateur. Evidemment, l'organisation et la motivation sont très importantes lorsqu'on travaille seule. On est souvent tenté d'aller s'étendre sur le canapé pour regarder un film, pour lire un bouquin ou faire une grosse sieste. Personnellement, je travaille environ quatre heures par jour à l'exception du vendredi. Au fond, l'ambiance entre collègues me manque. En travaillant seule, je me sens un peu isolée du monde. Ce n'est pas très épanouissant de manquer d'échanges ! Si le destin ne m'avait pas mise sur cette route, je serais encore prof au lycée. Communiquer avec des jeunes élèves et avec mes collègues me manque beaucoup, je l'avoue !» Nassima, 45 ans Nassima cumule plusieurs casquettes. Elle s'occupe de correction et de relecture, réalise des reportages pour la presse, signe des scénarios et fait partie d'un comité de lecture pour une maison d'édition. «Mes journées sont pleines, confie-t-elle. Je fais plusieurs choses à la fois et j'avance assez vite puisque je travaille chez moi. Un gain de temps considérable par rapport aux inextricables embouteillages pour se déplacer d'un point à l'autre de la capitale. Ça, c'est le côté positif ! Néanmoins, mon mari et mes deux adolescents ont tendance à croire que, puisque je suis à la maison, je suis plus disponible. Résultat des courses : ils ont la fâcheuse manie de se décharger sur moi : des photocopies à faire, un livre à acheter, un document d'état civil à faire légaliser, un cadeau à acheter... sans compter leurs exigences gustatives qu'il faut combler chaque jour : «Maman prépare-nous des m'hadjeb. Maman, j'ai envie d'un moelleux au chocolat, etc.» Ils oublient que j'ai une tonne de boulot à abattre et que jongler entre travail intellectuel et ménage est loin d'être une sinécure ! Rester bien au chaud à la maison pour travailler alors que les autres affrontent tous les aléas de la jungle urbaine a, certes, quelque chose de réjouissant à condition toutefois de ne pas vivre en vase clos et de garder le contact avec ses semblables. Et si c'était ça le vrai bonheur ?