Le rideau est tombé sur le feuilleton judiciaire de l'affaire de l'autoroute Est-Ouest. Jeudi dernier, en fin de matinée, plus exactement à 11h45 mn, le président du tribunal criminel, M. Tayeb Hellali, a rendu son verdict dans une salle pleine à craquer. Sur les seize mis en cause, seulement trois ont bénéficié de la relaxe. Abder Bettache - Alger (Le Soir) - Chani Medjdoub et Mohamed Khelladi, deux accusés contre lesquels le représentant du ministère public a requis vingt années de prison ferme ont vu le tribunal criminel les condamner à dix ans de prison ferme et trois millions de dinars d'amende. Le tribunal a également ordonné à l'encontre de l'homme d'affaires algéro-luxembourgeois, la saisie de ses comptes bancaires au Luxembourg, sa villa d'El Biar et sa voiture. L'homme d'affaires, Addou Tadjeddine a été condamné à 7 ans de prison ferme et 3 millions de dinars d'amende. La justice a ordonné aussi de saisir ses comptes en Suisse. Son neveu, Addou Sid Ahmed qui a comparu durant tout le procès en liberté provisoire, a été condamné à 3 ans de prison, dont une année ferme. Ce dernier a été placé dans le box des accusés avant même la prononciation du verdict. Même procédure faite à un autre inculpé en l'occurrence Allab El Khier. Or, à la différence d'Addou Sid Ahmed, celui qui avait pour la première fois décroché la franchise de la vente des appareils de l'électroménager de marque Samsung a bénéficié de la relaxe. En plus de sa condamnation à dix années de prison ferme, Mohamed Khelladi, l'ex-directeur du département des projets nouveaux (DPN) au sein de l'Agence nationale des autoroutes (ANA) a vu, par ailleurs, le tribunal criminel prononcer à son encontre une amende 7 millions de dinars. L'acquittement pour Bouchama et condamnation des Chinois Les condamnations à la prison ferme ont également touché l'ex-colonel, Khaled du DRS, M. Ouazane Mohamed, dit Khaled. Ce dernier contre lequel, l'accusation a requis trois années de prison ferme a vu le tribunal criminel retenir contre lui notamment les chefs d'inculpation de «trafic d'influence, d'abus de pouvoir et de blanchiment d'argent», le condamnant ainsi à 3 ans de prison ferme. Fella, Radia et Widad Ghrieb, filles de l'ex-ambassadeur d'Algérie au Mali, n'ont pas échappé elles aussi, à la condamnation du tribunal criminel. Elles ont été condamnées à un an de prison avec sursis et 500 000 dinars d'amende. La peine prononcée à leur encontre a provoqué chez elles stupéfaction et colère. D'ailleurs, l'une d'entre elles a éclaté en sanglot à la sortie de la salle d'audience. Hamadane Salim, parent par alliance au Ghrieb a été reconnu lui aussi coupable. Il a été condamné par le tribunal criminel à sept ans de prison ferme, alors que Ghazali Ahmed Rafik, ex-directeur des études à l'Agence nationale des autoroutes (ANA) a été de son côté, condamné à une année de prison avec sursis. Même condamnation pour les frères Bouznacha qui ont écopé d'une année de prison avec sursis. Cela dit, le tribunal criminel a prononcé l'acquittement en faveur de trois personnes. Il s‘agit de Mohamed Bouchama, ex-secrétaire général du ministère du Travaux publics, de Farachi Belkacem, l'ex-directeur de cabinet du département des Transport et Ghellab El khier un homme d'affaires. Les entreprises et groupements étrangers impliqués dans l'affaire, dont Cojaal et Citic-Crcc, ont été condamnées en tant que personnes morales à 5 millions de dinars d'amende. Grève de la faim de Chani Medjdoub Les personnes morales poursuivies dans cette affaire n'ont pas échappé à la condamnation du tribunal criminel. Ainsi, une amende de cinq millions de dinars a été «infligée» contre chacune des sept entreprises étrangères, à savoir Citic Crcc-Chine, Cojaal-Japon, Pizarroti-Suisse, Caraventa Suisse, Isolux Corsan Espagne, SMI Canada et COBA Portugal. La peine prononcée à l'encontre des huit entreprises étrangères était «identique» à celle requise par le Procureur général. Les plaidoiries de la défense n'ont pas convaincu les membres du tribunal criminel qui ont retenu à leur encontre notamment les chefs d'inculpation de «blanchiment d‘argent, de détournement et d'abus de confiance». L'autre fait marquant de cette fin de procès est celle relative à la sortie médiatique de la défense du principal mis en cause à savoir Chani Medjdoub. En effet, avant même l'annonce du verdict du procès de l'affaire, les avocats du concerné ont fait état de la mise en exécution de la menace de la grève de la faim illimitée de leur client. Une menace déjà brandie par le mis en cause au troisième jour du début du procès, soit à la fin de son audition par le président du tribunal criminel. Le principal accusé a fait part de son intention d'entrer en grève de la faim à partir du 10 mai. «Chani Medjdoub accusé, aux côtés de 22 personnes morales et physiques de corruption et blanchiment d'argent notamment, a pris cette décision car il a perdu tout espoir dans l'appareil judiciaire, déterminé à l'anéantir en confectionnant des dossiers de poursuites successives à partir d'une procédure souche dite de l'autoroute Est-Ouest», a déclaré son avocat Me Belarif. La Cour suprême saisie La défense de Chani a distribué un communiqué dans lequel ils expriment leurs vives inquiétudes aux «conséquences de cette décision». Ils disent cependant comprendre «le désespoir qui dicte (cette décision) et respectent la détermination de leur client qui place son honneur au-dessus de la survie dans l'indignité». Le collectif des avocats de Chani Medjdoub considère que leur client est victime d'un «acharnement de la justice», qu'ils qualifient d'ailleurs de «véritable meurtre judiciaire soigneusement préparé et déjà entré en exécution». Cela dit, à la fin du procès, les avis ont divergé au sujet des peines prononcées. Mais, il ressort des discussions engagées avec un grand nombre d'avocat constitués dans cette affaire, que «des pourvois en cassation seront introduits auprès de la Cour suprême pour le rejugement de cette affaire». Il n'en demeure pas moins que des avocats ont apporté des commentaires sur cette affaire, à l'instar de Me Maâchou Kamel qui a déclaré que «c'est un procès qui s'est déroulé dans des conditions très honorables et démocratiques», alors que pour sa part, l'avocat de l'ex-secrétaire général du ministère des Travaux publics, Me Miloud Brahimi, s'il y a bien une leçon à retenir dans l'affaire de l'autoroute Est-Ouest, c'est qu'il ne faut plus s'amuser à maintenir en détention préventive ou provisoire, une personne, au bénéfice de la présomption d'innocence qui est un principe constitutionnel». Il est à rappeler que Mohamed Bouchama qui a bénéficié de la relaxe avait passé plus d'une année en détention préventive, au lendemain de l'éclatement de cette affaire. A. B.