L'Algérie est en «manque» d'hommes d'Etat, de projet d'avenir, considère le consultant Sammy Oussedik qui estime que le pays n'a qu'une marge de manœuvre limitée dans le temps, avant «le choc». Cherif Bennaceur - Alger (Le Soir) Invité hier du Forum du quotidien Liberté, l'expert en finances, relations internationales et conseil en stratégie d'entreprises, Sammy Oussedik, estimait que l'Algérie est confrontée à «une combinaison» de menaces tant externes (conflits et instabilité aux frontières) qu'internes, une crise «multidimensionnelle, multiforme», des «crispations». Ainsi, explicitera-t-il, la situation du pays est marquée par l'«épuisement», l'«étiolement» des modèles rentiers (la rente révolutionnaire, la rente des hydrocarbures), une crise des valeurs «dans la société civile, politique», le dévoiement du sens du travail et de l'intérêt général, la violence rendue «légitimée, sacralisée», la prédation, la corruption en tant que mode de redistribution des richesses. Mais les Algériens «étant condamnés à vivre ensemble», Sammy Oussedik relèvera donc l'«urgence» d'agir, de mobiliser la société, de la «fédérer» sur la base d'un «grand dessein», d'une vision commune. Appelant à rompre avec le «zaïmisme», l'«unanimisme», il estime qu'«il est temps que des élites éclairent le chemin», qu'il faut «renouer» avec les valeurs. Cela même s'il reste «dubitatif» quant à la possibilité d'une «transition pacifique» qu'il souhaite pourtant. Or, l'invité de Liberté observe que la rhétorique, le discours des partis politiques fait rarement référence à un projet d'avenir. «Nous avons des hommes d'argent, des hommes de pouvoir mais nous manquons d'hommes d'Etat», dira le consultant. Voire, «ces hommes d'Etat existent mais sont rares», rectifiera Sammy Oussedik qui considérait auparavant que davantage qu'une question de «personnes», c'est «la matrice» - cet ensemble de «cercles non étanches», constitués de décideurs, d'hommes politiques en exercice ou dans la périphérie, de technocrates et de «clientèles» abreuvées par la rente - qui a «engendré la situation actuelle». Il s'agit d'œuvrer à offrir, «construire» une alternative à la situation actuelle, d'autant que l'Algérie, avertit-il, «se dirige vers le mur, le moment où la courbe des revenus et celle des besoins vont se croiser», s'entrechoquer. Mais le pays n'a qu'une marge de manœuvre limitée dans le temps, observera-t-il, les disponibilités du Fonds de régulation des recettes risquant de fondre en moins de trois ans si elles continuent à couvrir les déficits budgétaires. Comment pouvoir réduire l'impact de ce choc ? Comment pallier la «panne d'imagination face à la crise» ? A ce questionnement, l'hôte du forum qui s'interrogera sur ce «qu'on a fait durant les quinze glorieuses de la manne» des hydrocarbures, considère que l'Algérie ne peut se «payer le luxe de rester dans son splendide isolement» et doit se préparer à affronter un monde «âpre». L'opportunité selon Sammy Oussedik d'œuvrer collectivement à restaurer l'intérêt général qu'incarne l'Etat, la notion de travail et d'impulser une série d'actions stratégiques, de réformes en termes de rationalisation des dépenses publiques, évaluation et audit des politiques publiques, «réinitialisation» du système financier, réforme fiscale, refondation de la politique industrielle, réexamen du mode d'insertion dans l'économie mondiale... fiscal, financier, commercial... A charge cependant d'agir sur la base de la «cohérence», l'«efficience» et l'efficacité en termes de réglementation et allocation des ressources, insistera Sammy Oussedik. Une problématique et des défis à relever que ce consultant avait déjà abordés dans une note «Reset Algeria : éléments de méthode, principes et mesures», rédigée en mars 2014, à la veille de l'élection présidentielle. Et des enjeux que l'impulsion d'Ibtikar, un mouvement de réflexion et d'action, citoyen, trans-générationnel, collaboratif, et dans lequel ce consultant s'implique actuellement, pourrait contribuer à éclairer.