L'année scolaire tire à sa fin et avec elle son lot d'examens. Le plus attendu, considéré comme le sésame d'une nouvelle vie, est, sans conteste, le baccalauréat. Trois lettres qui sonnent dans les oreilles des lycéens et de leurs parents. Des anecdotes relatives à cet examen sont racontées çà et là. Un sujet pourtant retient lui aussi l'attention, celui de la possibilité ou le choc de pouvoir/devoir rendre sa feuille blanche. D'anciens bacheliers Souhila, cadre dans une entreprise publique : «j'ai failli le faire» Souhila raconte ses souvenirs d'examen du baccalauréat avec mélancolie. Près de dix années après l'avoir eu, cette maman, cadre dans une entreprise publique, se souvient encore du trac et de l'angoisse qui lui ont coupé la respiration le premier jour d'examen. «C'était mon père qui m'avait déposée devant le lycée d'Alger-Centre. Quelques jours auparavant, nous avions fait des repérages pour que nous puissions savoir combien de temps prendraient les allers-retours. Je me rappelle que mon père avait même localisé des boulangeries-pâtisseries pour que je puisse acheter quelque chose à manger. Dès que j'ai vu la bâtisse, j'ai eu peur. Je me suis rendu compte que c'est bon, l'examen est arrivé. L'examen de la vie pour lequel depuis que j'ai été scolarisée, on n'arrêtait pas de m'en parler. On me rabattait les oreilles sans cesse avec le bac. J'avais l'impression que cela était une question de vie ou de mort», raconte Souhila d'une voix enrouée. «Pour mes parents et surtout pour mon père, je voulais le décrocher. Le jour de l'examen, j'étais tellement tétanisée que j'en tremblais. Après les procédures d'usage, je me suis assise péniblement derrière le pupitre. J'étais une bonne élève et je révisais régulièrement mais j'avais une telle pression que je me suis aussi imposée, que le jour J, je n'arrivais plus à respirer et tout devenait confus dans ma tête. Lorsqu'on nous a remis la feuille d'examen, je l'ai prise en flageolant. J'ai dû faire un effort qui m'a semblé surhumain pour pouvoir tout lire. Je parcourais la feuille sans comprendre ! J'ai essayé de meubler un peu le temps en inscrivant les renseignements d'usage et j'ai repris le sujet. J'étais incapable de réfléchir. «Sans m'en rendre compte, j'ai commencé à suffoquer. Une des surveillantes est venue vers moi et m'a parlé avec douceur. Mais je ne répondais pas. je lui ai alors remis ma feuille d'examen blanche en lui disant que je ne savais plus rien. Elle m'a demandé d'aller me laver le visage. Elle m'a accompagnée et m'a gentiment rassurée : ‘‘il ne faut pas t'inquiéter, ce n'est qu'un examen et dis-toi bien que même si tu ne l'as pas, la vie continuera et tes parents continueront à t'aimer''.» Ce n'est qu'un examen parmi tant d'autres. Reprends ta place, et dis-toi que tu es à la maison en train de réviser. Sans plus.» Souhila reprend son souffle avec émotion pour continuer son récit : «C'est ce que j'ai fait. J'ai repris ma place et j'ai bien respiré. J'ai fermé les yeux un moment en m'imaginant dans ma chambre. J'ai pris le sujet d'examen et j'ai, petit à petit, repris sa lecture et pu faire des annotations. J'avais perdu beaucoup de temps mais j'avais pu répondre à beaucoup de questions. Ce qui était le plus important pour moi c'est que j'ai pu dépasser mon angoisse. L'après-midi même et les autres jours d'examen, j'étais beaucoup plus à l'aise ce qui m'a permis de décrocher mon baccalauréat.» Souhil, cadre supérieur dans une entreprise privée : «J'ai rendu une feuille blanche par défiance au professeur» Ce n'est pas lors de son examen de baccalauréat que Souhil a des souvenirs de la fameuse feuille blanche mais plutôt de ses études universitaires. «J'ai fait des études en sciences commerciales. Je suis ce qu'on appelle un bosseur ou un khebbache. Je ne ratais aucun cours, je prenais note même pour écrire que le professeur a respiré», dit-il en riant. «Pour moi, être étudiant à l'université était un rêve qui devenait réalité. Pour ma première année, j'étais très organisé et je suis parvenu à être apprécié par la majorité des enseignants. Mais, il y avait un professeur qui était indigne d'exercer ce noble métier. Il toisait tous les étudiants. Il avait un air de supériorité et de mépris envers tout le monde. Malgré cela, j'étais présent à ses cours avec une poignée d'étudiants. Le reste ne voulait pas y assister et se contentait de se débrouiller les polycopies. Cet enseignant arrivait à la salle, jetait son cartable sur la table, prenait sa chaise et s'asseyait en lisant le cours. Il ne prenait pas la peine de regarder les étudiants. Un jour, à la fin du cours, j'ai demandé des éclaircissements, il a à peine marmonné une réponse. De cours en cours, je le détestais mais je continuais à assister à ses cours. Ce qui m'a permis avec mes recherches personnelles de maîtriser ce module. Le jour de l'examen, j'avais écris une seule phrase : je maîtrise parfaitement ces questions mais je ne vous laisserai pas l'honneur de corriger ma copie ! Le jour de l'affichage, j'ai eu un zéro sans être exclu. Lors des cours, il s'est bien souvenu de moi et il a plus ou moins fait des efforts dans sa façon d'être. Il m'a fallu beaucoup de courage, moi, pour qui les études sont une priorité suprême. J'ai dû entrer en synthèse et en rattrapage et j'ai sauvé mon année universitaire. Mais je suis assez content de mon geste qui, je l'espère, a pu épargner à d'autres étudiants d'avoir un tel professeur.» Nesrine, femme au foyer : «J'ai préféré rendre une feuille blanche plutôt que copier» Nesrine raconte plein d'anecdotes par rapport à son examen de baccalauréat. Celle dont elle en est la plus fière est sa résistance à la tricherie. «J'étais une lycéenne moyenne. Je n'étais pas la plus brillante ni la plus mauvaise. Je révisais mes cours et j'étais très appliquée. Le jour de l'examen, il y avait un cours que je n'avais pas bien révisé, celui des sciences naturelles. J'ai cogité longtemps. Pour moi, ne pas répondre au sujet principal équivalait à rendre une feuille blanche parce que le barème des deux premiers exercices était insignifiant. A un certain moment, devant mon désarroi, un candidat, voyant que j'étais coincée, a essayé de m'aider parce que les correcteurs, à part un, étaient sortis de la salle. Eh bien, vous savez, je lui ai dit : ‘'Non merci, je préfère rendre ma feuille blanche que tricher. Je veux avoir la satisfaction d'avoir mon bac avec mon propre travail.'' Le candidat a été vexé par ma réaction, mais moi j'étais fière ! J'ai quand même décroché mon examen moyennement mais j'en suis fière encore aujourd'hui. J'ai intégré par la suite la filière bibliothéconomie et j'attends toujours d'exercer mon métier.» n racontent leurs souvenirs à ce sujet.