«Ce qui embellit le désert c'est qu'il cache un puits quelque part.» (Antoine de Saint-Exupéry, 1900-1944, écrivain, poète et aviateur, extrait de Le Petit Prince). La sclérose en plaques (SEP) est considérée comme une maladie auto-immune — le système immunitaire de l'individu «attaque» par «excès d'activation», et par voie de conséquence endommage, la «gaine de myéline» (gaine, constituée de couches de lipides principalement, qui protège et isole les fibres nerveuses un peu comme le fait la gaine de plastique qui entoure des fils électriques). La destruction progressive de cette gaine qui protège les cellules nerveuses du cerveau et de la moelle épinière aboutit à une formation de «plaques» de sclérose qui se disséminent au niveau de ces deux structures nerveuses. Il s'agit donc d'une maladie inflammatoire du système nerveux central. La notion de dissémination lésionnelle dans le temps et dans l'espace est fondamentale, et de telles lésions ont pour conséquence de profondes altérations de la conduction des messages nerveux (le message nerveux est un courant électrique parcourant la fibre nerveuse et généré par des molécules appelées neuromédiateurs). Cette dégradation conduit à une altération, une déformation ou une interruption des messages vers et en provenance du cerveau. C'est ce qui conduit aux symptômes observés dans la SEP. Il est admis que les atteintes de la gaine de myéline provoquent les poussées (les «attaques») dans la SEP, au cours desquelles les symptômes apparaissent et durent de 24 heures à plusieurs mois. La persistance de la démyélinisation peut conduire à l'atteinte de la fibre nerveuse (l'axone) elle-même, voire à sa destruction. Cette atteinte de l'axone est responsable de la «progression» de la SEP avec une augmentation du handicap. Rappels sur le système nerveux central Le système nerveux central est constitué de matière «grise» et de matière «blanche». Chaque région du système nerveux (qu'il s'agisse de matière grise ou blanche) remplit une fonction spécifique, par exemple le traitement des informations visuelles, de la lecture, de la parole, etc. La matière grise est constituée des corps cellulaires des neurones (cellule nerveuse). Elle reçoit, analyse et produit les signaux qui sont à la base de nos perceptions, émotions et comportements. Ces signaux sont transmis d'un point à un autre du système nerveux par la matière blanche grâce aux axones (prolongements des neurones jouant le rôle de câbles électriques) qui la constituent et qui permettent à un courant électrique généré dans le corps cellulaire des neurones de se propager sur de grandes distances. Cette fonction est assistée par des cellules (oligodendrocytes) qui déposent une gaine de myéline entourant les axones et jouant ainsi le rôle primordial d'isolant. L'isolation par la gaine de myéline permet aux signaux électriques de circuler plus rapidement le long de l'axone. L'épidémiologie Sur le plan épidémiologique, la sclérose en plaques affecterait aujourd'hui entre 7 500 et 15 000 patients en Algérie, avec une trentaine de cas chaque année selon l'estimation des spécialistes. Il s'agit d'une maladie chronique grave à évolution souvent progressive mais imprévisible, qui atteint la myéline du système nerveux central par un mécanisme encore mal élucidé. Les études épidémiologiques indiquent que la SEP résulte probablement de l'interaction d'une susceptibilité génétique et d'un ou plusieurs facteurs environnementaux parmi lesquels des agents infectieux de type viral, dont le rôle est depuis longtemps suspecté mais non prouvé. Débutant en moyenne à l'âge de 30 ans (20-40 ans) avec une prépondérance féminine (sexe ratio de 1,7/1), elle constitue la première cause non traumatique de handicap sévère acquis du sujet jeune. Le retentissement de l'incapacité et du handicap sur la vie quotidienne familiale et professionnelle est souvent majeur. Au cours de la dernière décennie, d'importants progrès ont été réalisés dans les domaines du diagnostic, des traitements à visée tant étiologique que symptomatique et de l'évaluation de la maladie. Sur le plan du bilan, l'objectif est de rechercher : - les arguments cliniques, para-cliniques et évolutifs permettant d'établir le diagnostic ; - éliminer une autre affection susceptible d'expliquer les signes observés ; - préciser la forme évolutive de la maladie, en évaluer sa gravité initiale, et rechercher de façon systématisée la présence des complications fréquentes ou habituelles pouvant être silencieuses, annoncer le diagnostic, choisir une prise en charge adaptée et accompagner le patient et son entourage. Les symptômes Les symptômes de la sclérose en plaques dépendent de la localisation des plaques de démyélinisation et de l'inflammation se déclenchant n'importe où sur le trajet des fibres nerveuses du système nerveux central et leur évolution est variable, mais le plus souvent imprévisible. Par exemple, une plaque se situant sur un faisceau n'ayant pas le «monopole» de sa fonction ne créera pas de limitation fonctionnelle majeure avant que les autres fibres assurant la même tâche soient elles-mêmes touchées. Cependant la probabilité de toucher une voie de signalisation unique et importante augmente avec la survenue de chaque nouvelle plaque. Le handicap s'aggrave donc en même temps que de nouvelles plaques se créent, au fil du temps. Ainsi plus de 80% des patients expérimenteront, quinze ans après le diagnostic, une partie des symptômes cités ci-après et cinquante pour cent d'entre eux nécessiteront une aide pour se déplacer. On essaiera de passer en revue les symptômes qui caractérisent la sclérose en plaques. Ainsi, l'atteinte des voies motrices des membres provoque de la fatigue, un déclin de la dextérité et une baisse de la force pouvant aller jusqu'à la paralysie. Des crampes et des spasmes (contractures musculaires) sont déclenchés par l'interruption des voies contrôlant la réactivité des muscles à l'étirement. Ces spasmes douloureux interfèrent avec l'autonomie et le travail des patients. L'atteinte du nerf optique induit une baisse de l'acuité visuelle. Une diplopie («double vision» ou perception simultanée de deux images d'un simple objet qui peuvent se déplacer horizontalement, verticalement ou en diagonale) peut résulter de l'interruption des fibres contrôlant soit les muscles de l'œil soit la coordination des mouvements des deux yeux. En plus d'une baisse de la sensibilité (pouvant aller jusqu'à sa perte totale), les malades de la SEP peuvent ressentir des fourmillements, des picotements, des douleurs (très fréquentes) et autres sensations de brûlures. Les intestins et la vessie sont sous le contrôle du système nerveux comme la plupart des organes du corps, il n'est dès lors pas étonnant de constater que plus de 90% des patients souffrent de troubles urinaires, 30% sont constipés et 15% d'entre eux sont sujet à des incontinences anales (émission incontrôlée de matières fécales solides, liquides ou gazeuses). La fatigue est un problème majeur pour les patients atteints de SEP. Avec plus de 90% des patients touchés, elle constitue la cause majeure des arrêts de travail occasionnés par cette maladie. L'activité sexuelle n'est pas épargnée par la terrible maladie qu'est la SEP. Ainsi les hommes peuvent souffrir d'impuissance et les femmes de sécheresse vaginale. Les deux genres peuvent être victimes d'une diminution de la libido (désir) et d'un déclin de la perception des sensations agréables et orgasmiques de l'amour. Des troubles cognitifs et émotionnels finissent de «gâcher» la vie des patients. Parmi ceux-ci figurent les troubles de l'attention, de la concentration, de la fluidité de la pensée et de la mémoire. La dépression se retrouve fréquemment (60%). Elle peut résulter de la dégradation du bien-être personnel et de l'humeur. Le taux de suicide est sept fois plus élevé chez les patients atteints de SEP et la dépression en est une cause majeure. L'évolution L'évolution de la SEP n'est pas homogène. En effet pendant la phase précoce de la maladie, plus de 85% des patients verront leurs symptômes se développer par poussées provoquant des limitations fonctionnelles qui disparaissent d'elles-mêmes dans de nombreux cas. Il s'agit de la forme rémittente de la sclérose en plaques. Les poussées provoquant un handicap fonctionnel ne se résolvant pas complètement à la fin de la poussée sont à la base de l'évolution des symptômes de la forme rémittente, symptômes s'inscrivant dans la chronicité. Environ quinze ans après le diagnostic, la maladie cesse de progresser par poussées et la moitié des patients sont victimes d'une dégradation permanente et continue de leurs capacités. Cette évolution progressive provoque plus de symptômes neurologiques que la forme cyclique. Le nombre de handicaps résultant croît donc beaucoup plus rapidement. Parmi les 20% de patients qui ne voient pas la progression de leur maladie débuter par une forme rémittente se trouvent des patients qui vont évoluer vers une forme bénigne (c'est-à-dire sans limitation fonctionnelle) et des patients qui débutent leur déclin d'emblée par une forme progressive, appelé forme progressive primaire. On rappelle qu'il existe différents types de SEP : les formes rémittentes sont caractérisées par des périodes de poussées et de rémissions (avec une récupération partielle ou complète). Environ 85% des personnes diagnostiquées débutent par cette forme. Si, après 10-20 ans, la fréquence des poussées et le handicap sont restés faibles, on parle de SEP bénigne. Quant aux formes secondairement progressives, elles succèdent aux formes rémittentes chez de nombreuses personnes. Elles se caractérisent par une accumulation progressive du handicap, avec ou sans poussées. Enfin, les formes primaires progressives se caractérisent par une aggravation progressive du handicap dès le début de la maladie, sans période poussées-rémission. Environ 15% des patients débutent par cette forme évolutive. Les mécanismes probables du déclenchement de la maladie La sclérose en plaques est une maladie dégénérative du système nerveux central. Aujourd'hui, il ne fait aucun doute pour la communauté scientifique que les lésions de la SEP sont la conséquence de réactions auto-immunes (le malade fabrique des anticorps dits auto-anticorps contre ses propres tissus sains) contre la gaine de myéline. Ainsi l'étude des lésions a démontré que les plaques naissantes et donc encore actives étaient constituées d'axones démyélinisés, de débris de la couche de myéline ainsi que d'un nombre anormalement élevé de cellules immunitaires. De plus, le modèle expérimental de laboratoire de l'encéphalopathie allergique (modèle murin appelé «EAE» pour encéphalite aiguë expérimentale) a démontré qu'il suffit de rendre le système immunitaire réactif envers quelques composants de la gaine de myéline pour occasionner des plaques et produire des symptômes semblables à la sclérose en plaques. Différentes approches (pièces anatomopathologiques, imagerie, modèle murin) ont permis de comprendre que l'attaque de la myéline par le système immunitaire dans le cadre de la SEP était préférentiellement cellulaire, c'est-à-dire que les macrophages et les lymphocytes T (macrophages et lymphocytes T sont des globules blancs) sont les plus impliqués dans le développement des lésions. Malgré les avancées de la recherche nous ne savons toujours pas ce qui pousse le système immunitaire à attaquer la gaine de myéline chez les personnes atteintes de sclérose en plaques. Tout se passe comme s'il y avait une rupture de la tolérance du système immunitaire vis-à-vis du soi. Il est cependant clair qu'une susceptibilité génétique favorise le développement de cette maladie. En effet des études épidémiologiques ont montré que 5% des personnes ayant un parent du premier degré atteint de sclérose en plaques en souffriront et un peu moins 25% des vrais jumeaux subiront la maladie si leur frère ou sœur est atteint. Si la maladie était purement génétique les jumeaux développeraient la maladie ensemble dans presque tous les cas, ce qui laisse à penser qu'un facteur environnemental (un virus, une bactérie ?) influence le développement de la réponse auto-immune provoquant les dommages caractéristiques de la maladie. Au final, il est admis que les symptômes sont dus à la perte de la gaine de myéline et à la mort d'une partie des axones, probablement en raison de la perte du support nutritionnel que la gaine de myéline leur apporte. Lors du développement d'une plaque, les altérations induites sur la myéline bloquent le passage de l'information provoquant ainsi la poussée caractérisant la SEP. La repousse de certains oligodendrocytes et la réorganisation de molécules à la surface des axones permettent ensuite une récupération partielle des capacités perdues. Cependant la perte des quelques axones morts est irréversible. Les causes probables du dérèglement immunitaire Plusieurs hypothèses susceptibles d'expliquer les causes de ce dérèglement immunitaire ont été évoquées au fil du temps : les infections, l'ensoleillement et vitamine D, le tabac et peut-être la vaccination contre l'hépatite B. En ce qui concerne les infections, si on a mis en évidence le rôle d'un certain nombre de facteurs infectieux dans le déclenchement de la SEP, aucun facteur de causalité directe n'a pu être démontré. Les infections, notamment ORL, participeraient au déclenchement des poussées avec d'autres co-facteurs, sans pourtant en être la cause. Actuellement, plusieurs virus sont étudiés sans pour autant que le rôle d'aucun d'entre eux puisse être retenu. Le rôle d'une infection par le virus d'Epstein-Barr a été avancé dans plusieurs publications, de même que celui de rétrovirus. L'ensoleillement est une des hypothèses qui pourrait expliquer le gradient nord-sud de prévalence de la SEP par le biais du mécanisme de la vitamine D. Les études les plus intéressantes sur le sujet ont été menées en Australie mais ces résultats restent préliminaires. Pour ce qui est du tabac, plusieurs études ont mis en relation une augmentation du risque de déclenchement d'une SEP avec la consommation de tabac et/ou le tabagisme passif. De même, le tabagisme parental semblerait accroître le risque de SEP durant l'enfance. Quant à la vaccination contre l'hépatite B, il existe actuellement un consensus scientifique établissant que la vaccination contre l'hépatite B n'est pas une cause de la SEP, comme l'ont notamment démontré les études épidémiologiques. Pour l'heure, la connaissance des facteurs environnementaux reste insuffisante pour pouvoir envisager une prévention de la SEP. Les traitements actuels de la SEP et les perspectives les plus prometteuses de la recherche Nous évoquerons, successivement, les traitements actuels et ensuite les perspectives de la recherche, en particulier concernant les nouveaux traitements médicamenteux, la greffe de cellules souches et la mise au point d'un anticorps monoclonal contre un rétrovirus (MSRV) impliqué dans le déclenchement de la SEP. Il n'existe pas de traitement spécifique contre la sclérose en plaques mais 3 catégories de traitements sont utilisés à ce jour : ceux qui agissent sur la durée et la sévérité des poussées, ceux qui traitent les symptômes et la gêne quotidienne et enfin les traitements de fond (qui agissent notamment sur l'immunité).Il y a une dizaine d'années, seuls les corticoïdes permettaient de traiter la SEP, en agissant uniquement sur la durée des poussées. Aujourd'hui, les avancées thérapeutiques sont réelles et il existe plusieurs traitements : - les immunomodulateurs (Avonex®, Betaferon®, Rebif® - acétate de glatiramer) qui agissent sur la phase inflammatoire et sont efficaces sur les formes rémittentes (2/3 des cas de SEP au début). Ils permettent en effet de diminuer de 30% en moyenne la fréquence des poussées et semblent aussi réduire le handicap à moyen terme. Mais il a été observé que certains patients répondaient mieux à ces traitements que d'autres, des études en cours tentent de trouver une explication à ce fait. Il n'y a pas d'effet secondaire grave pour ces médicaments qui s'administrent par voie intramusculaire ou sous-cutanée: - les immunosuppresseurs (Elsep®) sont des traitements plus «agressifs» et sont prescrits en deuxième choix et pour une durée courte, dans des formes très inflammatoires. Le Natalizumab (Tysabri®), un anticorps monoclonal humanisé, est disponible en France, en milieu hospitalier depuis juin 2007. Ce traitement permet de bloquer le passage du lymphocyte activé dans le sang. Une réduction de 68% du taux de poussées et un retard du handicap clinique ont été observés en phase III de l'essai thérapeutique. Traitement très prometteur, il comporte néanmoins un risque de complication opportuniste puisqu'il bloque le trafic des cellules immunitaires. L'indication du Natalizumab est donc réservée aux formes très actives de la maladie où l'on observe encore beaucoup de poussées et/ou une activité à l'IRM malgré un traitement de fond, et en première intention dans certaines formes très agressives avec poussées multiples. Les formes progressives n'ont toujours pas de traitement adapté et efficace à l'heure actuelle mais des études sont en cours et un essai thérapeutique devrait voir le jour prochainement. La rééducation fait partie intégrante du traitement. Elle est indispensable en dehors des poussées pour prévenir rétractions, limitations articulaires, attitudes vicieuses. L'indication d'une prise en charge en rééducation justifiée dès que la fatigue (parfois seul symptôme) devient invalidante ou dès qu'une gêne apparaît (boiterie, maladresse d'un membre supérieur, troubles de l'attention ou de la mémoire, troubles urinaires, visuels, de l'élocution). Quant à la recherche, elle a permis la mise au point de nouveaux traitements en cours d'essai. En effet, une trentaine de molécules sont aujourd'hui testées en traitement de la SEP dans le cadre d'essais cliniques, la plupart en traitement des formes rémittentes. Les deux principaux essais concernent un anticorps dirigé contre les lymphocytes responsables de l'inflammation (Campath), au Royaume-Uni, et une molécule empêchant le passage des lymphocytes T dans le système nerveux : le FTY 720. Parmi les autres molécules en cours d'étude, on trouve notamment des statines, des antibiotiques, des immunosuppresseurs ou des immunomodulateurs. L'intérêt de la greffe de moelle n'est pas établi, mais une étude européenne est en cours. La piste prometteuse de la remyélinisation (régénération de la gaine de myéline détruite), grâce à la greffe de cellules souches est une avancée scientifique capitale. Depuis une dizaine d'années, de nombreuses recherches visent à mieux comprendre le processus de remyélinisation. La réparation de la myéline survient souvent de manière spontanée. Ainsi, deux tiers des lésions sont spontanément re-myélinisées en totalité ou partiellement. Soit beaucoup plus que ce qu'on estimait jusqu'à présent. Mais les patients ne sont pas «égaux» face à la remyélinisation car elle ne se produit pas toujours. Les recherches actuelles visent à comprendre ce phénomène et les facteurs qui entrent en jeu. On suppose qu'il existe en effet des facteurs favorisant ce processus et d'autres l'empêchant. En se reformant, la myéline protège l'axone fragilisé, ce qui prévient la dégénérescence. Deux cibles sont donc à l'étude : l'une consistant à favoriser la remyélinisation spontanée en stimulant les facteurs favorables et en inhibant les autres ; l'autre consiste à remyéliniser par la transplantation de cellules souches par exemple. Les recherches actuelles, menées par plusieurs équipes françaises, étudient la meilleure cellule souche et la voie de remyélinisation la plus adaptée. Les chercheurs espèrent ainsi que les cellules souches pourraient aider à reconstruire les fibres nerveuses perdues. Cette approche permettrait de réparer les dommages provoqués dans les stades progressifs de la maladie et qui conduisent à une aggravation du handicap. Cependant, actuellement, il n'existe pas assez de preuves scientifiques pour affirmer que les cellules souches agissent dans ce sens. Les chercheurs du monde entier sont d'accord sur le fait qu'il est nécessaire d'acquérir des données supplémentaires dans ce domaine compliqué et compétitif avant de lancer des essais cliniques dont l'objectif serait de reconstruire les fibres nerveuses. Plusieurs types de cellules souches ont montré un bénéfice potentiel. On peut citer les cellules souches hématopoïétiques (HSCs), les cellules souches neurales (NSCs), les cellules souches embryonnaires (ESCs) et les cellules souches pluripotentes induites (iPSCs) qui pourraient être utilisées en fonction des différents types de SEP. Ces différents types ont tous été largement étudiés chez les animaux. Certains d'entre eux sont dans les stades initiaux d'essais cliniques (essais incluant des personnes). Tant que les essais ne sont pas terminés, nous ne pouvons être certains qu'ils sont efficaces et sans danger. En ce qui concerne l'hypothèse de la piste virale, cette dernière a été mise à profit, dans notre laboratoire, pour la mise au point d'un anticorps monoclonal contre un rétrovirus (MSRV) impliqué dans le déclenchement de la SEP. En effet, depuis quelques années déjà, on se demande si l'apparition de la sclérose en plaques ne pourrait pas être liée à certains virus. On invoque à ce propos un sous-groupe particulier de virus appelés «rétrovirus endogènes» (appelés aussi «gènes ancestraux »). Ces derniers font partie de notre génome mais restent le plus souvent inactifs, autrement dit, ils ne forment aucune protéine et ne se multiplient pas. On a mis en évidence la présence marquée d'un rétrovirus endogène particulier (MSRV, rétrovirus associé à la sclérose en plaques) chez 80% des patients atteints de SEP. Ce rétrovirus semble capable de produire une certaine protéine d'enveloppe (env Protein) retrouvée dans le sang et dans le cerveau des patients atteints de SEP. Dans le modèle animal de la SEP, on s'est aperçu qu'une administration supplémentaire de cette protéine d'enveloppe accentuait les symptômes chez les animaux. La stimulation du système immunitaire induit par cette protéine d'enveloppe est l'une des hypothèses avancées pour la pathogenèse (déclenchement et déroulement) de la SEP. Cette protéine se lie à certains récepteurs à la surface des monocytes (cellules du système immunitaire qui circulent dans le sang) dont la fonction est de reconnaître des structures d'agents pathogènes comme les virus ou les composants des parois des cellules bactériennes. Une fois la protéine d'enveloppe liée à ces récepteurs, les monocytes sont stimulés. A leur tour, ils activent les lymphocytes T qui, à terme, endommagent le tissu cérébral. Une telle stimulation du système immunitaire pourrait, estime-t-on, influencer négativement l'évolution de la SEP. Une stimulation préjudiciable du système immunitaire. Un anticorps, «protecteur» et «régulateur», a été ainsi a mis au point en tant que nouvelle thérapie qui tenterait de combattre ces mécanismes pathogènes. L'anticorps fabriqué en laboratoire lie la protéine d'enveloppe (env Protein) du MSRV et inhibe son interaction avec les récepteurs des cellules immunitaires. La «stimulation excessive» du système immunitaire induite par la protéine d'enveloppe devrait ainsi être atténuée. L'anticorps n'ayant aucune influence directe sur la réponse immunitaire normale et s'attaquant uniquement à la stimulation excessive du système immunitaire par le MSRV. Il est espéré qu'il ne perturbera pas les réponses immunitaires classiques contre virus et bactéries. En conclusion, le XXIe siècle s'ouvrira certainement sur des perspectives thérapeutiques très intéressantes, mais nous ne pouvons pas répondre aujourd'hui à la question essentielle que posent les malades, à savoir quand pourront-ils disposer d'un traitement efficace ? Pour un tiers d'entre eux (les formes ambulatoires) et pour les personnes chez qui le diagnostic de SEP sera posé dans les années à venir, l'interféron bêta est à ce jour le seul traitement reconnu et il sera suivi d'autres, plus efficaces et moins contraignants dans les années qui viennent. Pour les patients en phase progressive, dont l'invalidité augmente insidieusement, nous disposons de substances susceptibles d'être efficaces, mais la rapidité avec laquelle nous trouverons les meilleurs d'entre elles, dépend des moyens disponibles pour organiser des essais cliniques avec la rigueur scientifique indispensable. Si les moyens nécessaires sont mis en œuvre avec diligence et persévérance, on peut espérer que la médecine pourra, dans peu de temps, maîtriser, ne fut-ce que partiellement, les deux problèmes cliniques qui donnent à la SEP son caractère si pénible : la fréquence imprévisible des poussées et la progression inéluctable du handicap. K. S. (*) Professeur des universités, directeur de recherches service d'immunologie des transplantations CHU de Lyon, France.