Une très forte agitation a secoué il y a quelques semaines le RND. «Tempête politique», avançaient certains ; «sort scellé» de Bensalah qui se cherche une «sortie honorable», ou mieux encore «fin de mission pour Bensalah», se hasardaient d'autres. Les tirs ont fusé de partout et la fronde était savamment orchestrée puisque les frondeurs déclaraient ne plus vouloir de Bensalah mais en même temps exigeaient le «retour» d'Ouyahia, l'ancien secrétaire général du RND. «Ouyahia va sauver notre parti», a-t-on entendu fin avril et début mai, et depuis, plus rien. Qu'est-ce qui explique que l'offensive guerrière contre l'actuel secrétaire général du RND se soit tout d'un coup arrêtée ? Le léger lifting du gouvernement et son incroyable rajustement 4 jours plus tard ? La difficulté de trancher dans deux conflits ayant surgi concomitamment dans les deux formations qui pèsent dans le soutien du pouvoir en place et les consignes qui auraient pu être données pour mettre en sourdine le lance-pierre contre le SG du RND ? Ne pas rajouter à la cacophonie politique ambiante qui échappe à tout entendement ? Ou, plus prosaïquement, l'absence en haut lieu, pour l'heure et chez les décideurs, d'accord pour la succession à la présidence et le formidable tâtonnement qui caractérise toutes les décisions prises en haut lieu aujourd'hui ? Revenons un instant aux faits. Lors de la première semaine de mai, Abdelkader Bensalah est, tout à coup, devenu l'homme à abattre. Une pétition de membres du Conseil national (230 membres sur 350, ont avancé ses auteurs) aurait été signée pour demander à Bensalah – élu SG au congrès il y a seulement une année et demie, de démissionner. La veille, un communiqué dénonçant la gestion «amorphe» du parti par Bensalah était émis, comme a circulé, également, une pétition de soutien à Ouyahia alors qu'en janvier 2013, ce dernier, à la tête du RND depuis 1999, avait été poussé par une forte contestation à démissionner. Il est vrai que, depuis, Ahmed Ouyahia, sorti aussi de la chefferie du gouvernement qu'il assuma de 2008 à 2012, a été remis en scelle à un très haut niveau, puisqu'il assure la direction de cabinet de Bouteflika et, mieux encore, on lui a confié l'organisation et l'animation de la grand-messe des discussions sur une nouvelle mouture de la Constitution. A ce niveau, il n'est pas inutile de rappeler que Bensalah avant lui, en 2013, a été, lui aussi, chargé de rencontres élargies pour l'élaboration d'une nouvelle Constitution et que l'une comme l'autre des deux versions n'ont jamais vu le jour, tout au moins n'ont jamais été rendues publiques. Les contestataires-parlementaires et membres du Conseil national du RND se sont élevés contre la gestion du SG, Bensalah, selon eux, «étant devenu un frein pour l'activité du parti. Plutôt que s'en remettre aux assises devant statuer sur son remplacement s'il fallait que la base du parti en décide ainsi, démocratiquement, ils avancent et exigent déjà son remplacement par le retour d'Ouyahia à la tête de la direction nationale». Face à cette fronde, Bensalah, homme discret n'ayant jamais cherché à occuper la scène médiatique, a, malgré tout, consenti à parler cette première semaine de mai à la presse. S'il a refusé de qualifier de crise la situation au RND, il a ajouté : «Les événements se sont accélérés ces derniers jours, mais personnellement, je n'ai officiellement rien reçu de concret. Je confirme, toutefois, que le parti vit une situation particulière. J'ai eu vent de certaines informations concernant un malaise mais je n'ai pas d'éléments palpables qui confirment ou démentent les informations rapportées par la presse ces derniers jours». Il va se donner «quelque temps» avant de réagir et de prendre une décision quant à son avenir à la tête du RND. La lecture faite par toute la presse de cette seule et unique réaction de Bensalah était que le SG du RND allait jeter l'éponge, certains annonçant même l'imminence de son départ. Depuis, silence radio. Le deuxième homme dans la hiérarchie du pouvoir de par son statut de président du Sénat et premier responsable du RND, ne semble plus engagé dans aucune bataille de son parti. Parallèlement, les frondeurs se sont, tout d'un coup, tus. Plus aucune contestation n'a été portée publiquement. Deux lectures peuvent être faites de ce silence. A Bensalah, les décideurs ont peut-être demandé de s'éclipser du RND et de laisser la place à celui que l'on prépare à la succession de Bouteflika, Ouyahia en l'occurrence, qui reprendra ainsi les rênes du RND comme forte assise à son élection, la présidentielle ayant toujours été, il ne s'en est pas caché, sa plus grande ambition. Cette première hypothèse aurait toutefois été suivie d'une campagne engagée sur les bienfaits du retour de l'homme providentiel, ce qui n'a pas eu lieu. La deuxième hypothèse est qu'Ouyahia n'a plus les faveurs des décideurs et, partant, il est inutile de poursuivre la fronde. La réponse à ces interrogations sera sûrement donnée le 10 juin prochain, lors du Conseil national du RND, instance suprême et organe de décision entre deux congrès. En cette affaire du RND comme en d'autres, beaucoup d'autres liées au pouvoir en place, la cacophonie est de mise et les jeux sont aussi nombreux qu'obscurs.