�Toutes les robes noires d�ambulent dans le sous-sol de la cour d'Alger. Dans la grande salle de r�union, un seul sujet domine toutes les discussions. Il s'agit de la d�cision d'invalidation des �lections pour le renouvellement du Conseil de l'ordre du barreau d'Alger prise par la commission charg�e du contr�le des �lections. Cette derni�re est pr�sid�e par un ex-b�tonnier, en l'occurrence ma�tre Alaouer Ali Ammar, qui avait pr�sid� aux destin�es de cette structure de 1981 � 1983. En grande discussion avec deux autres avocats, le b�tonnier sortant ma�tre Sellini Abdelmadjid, le 125e b�tonnier de l'histoire du barreau d'Alger affiche un optimisme total. A ses interlocuteurs, deux jeunes avocats dont la moyenne d'�ge ne d�passe pas la quarantaine, il d�clare : "Nous allons refaire les �lections et nous les remporterons comme celles de jeudi dernier." Ce jour, le 5 janvier 2005, l'enjeu �tait de taille. Plus de deux mille avocats �taient invit�s � �lire leur conseil et de surcro�t le 126e b�tonnier du barreau d'Alger. Or, contrairement aux ann�es pass�es, "les �lections ont �t� invalid�es". Les causes : "Il y a eu des irr�gularit�s dans l'op�ration de vote", d�clare ma�tre Mentalachtah, un ancien avocat faisant partie des 194 candidats ayant postul� � ce conseil de l'ordre. Sept listes et des ind�pendants Pour l'�lection du 126e conseil du barreau d'Alger, 194 avocats se sont port�s candidats pour briguer les 31 places du conseil. Pour cela, au moins sept listes ont �t� constitu�es sans compter les ind�pendants. Jusque-l�, les choses se sont bien d�roul�es, jusqu'au jeudi 5 janvier o� des candidats ont protest� "�nergiquement aupr�s de la commission", revendiquant l'annulation du vote "pour faux et usage de faux." "Il y a eu irr�gularit�. Sinon comment expliquer qu'� une semaine de l'op�ration de vote, on arr�te une liste de candidats du corps �lectoral et le jour de l'�lection on fait ressortir une autre liste. Qui a donn� autorisation � ces avocats de voter ? Le b�tonnier sortant n'a pas le droit de signer le moindre document autorisant l'un ou interdisant � l'autre de voter", s'est indign� un autre avocat. "La majorit� des candidats en dehors de la liste de ma�tre Sellini ont contest� la r�gularit� du scrutin. C'est une pratique qui n'honore gu�re notre profession", a ajout� pour sa part ma�tre Mentalachtah. Un autre avocat revendique pour sa part, qu'"une commission d'enqu�te soit mise sur pied pour d�terminer les responsables de cette tentative de fraude et que ses auteurs soient sanctionn�s". "Faux !" r�torque le b�tonnier sortant. Abdelmadjid Sellini qui avait remport� haut la main les �lections de 2002 qualifie ses d�tracteurs de "mauvais perdants". Selon lui, "ils ont �t� tout simplement sanctionn�s par les urnes". La preuve, dira-t-il, "sur les vingt premiers, dix-sept font partie de la liste Sellini". Et d'ajouter : "Si on veut contester les �lections, il fallait le faire soit avant, soit apr�s les r�sultats. Je ne vois pas o� se trouve l'irr�gularit�. O� sont ces extra � la profession qui ont vot� � la place des avocats", s'est interrog� cet ex- magistrat, de surcro�t un ex-procureur de la R�publique au niveau de la cour d'Alger, qui a rejoint le corps de la d�fense au d�but des ann�es 1980. Ma�tre Abdelmadjid Sellini qui d�fendait son bilan � la t�te du barreau d'Alger dira : "Moi-m�me j'ai intervenu aupr�s de la commission, lui demandant d'annuler le vote". Et d'ajouter : "Les �lections seront refaites et les choses s'�clairciront ce jour l� !" "On risque la disparition, ou se contenter des proc�s de divorce" A chaque rendez-vous �lectoral portant renouvellement du conseil de l'Ordre du barreau d'Alger, une ambiance particuli�re caract�rise la cour d'Alger. Cette situation est due � plusieurs raisons. La premi�re, il faut le reconna�tre est que le barreau d'Alger dont le premier b�tonnier a �t� �lu en 1848 (Chabert – Moreau 1848 – 1859) est consid�r� comme la structure la plus influente au sein de l'union des barreaux alg�riens. Tr�s souvent, le b�tonnier de l'Ordre des avocats d'Alger est �lu � la t�te de l'union des barreaux alg�riens, comme ce fut le cas pour l'avocat Sellini. Ajoutez � cela, le barreau d'Alger de surcro�t de la capitale constitue aux yeux d'un grand nombre d'observateurs un acteur important dans les diff�rents secteurs d'activit�s. "Le b�tonnier n'est pas seulement un titre, mais plut�t c'est quelqu'un qui peut faire la pluie et le beau temps. Il y a d'importants int�r�ts en jeu, surtout que notre pays s'appr�te � faire son entr�e dans l'�conomie lib�rale mondiale avec son adh�sion � l'OMC et l'UE. Vous savez, lorsque des soci�t�s �trang�res veulent s'installer en Alg�rie, ils prennent attache directement avec les repr�sentants du barreau de la capitale pour s'impr�gner de la r�alit� juridique du pays, sans compter que cette m�me structure est sollicit�e de partout tant au niveau institutionnel qu'international". Me Mentalechta pose quant � lui la probl�matique sous un autre angle purement professionnel. "Il faut que le barreau soit une structure forte. Il faut que des avocats exp�riment�s soient �lus au sein de cette structure et se lancent dans le travail pour doter la d�fense tant en moyens mat�riels que professionnels, qui permettront aux robes noires de faire face aux enjeux qui les attendent. Si les choses restent en l'�tat actuel et une fois que des bureaux de conseil d'avocats �trangers s'installent chez nous, les avocats alg�riens risquent la disparition ou se limiteront � ne traiter que les proc�s de divorce. Les investisseurs choisissent des avocats sp�cialis�s dans des secteurs d'activit� bien d�termin�s. Ils n'ont pas besoin d'avocats g�n�ralistes. De mon point de vue, je trouve anormal que des magistrats b�n�ficient de formation et pas les avocats. En un mot, je dirais que lorsque le corps de la d�fense est affaibli, ce sont tous les droits constitutionnels qui sont bafou�s". Abder Bettache