La régularisation fiscale serait-elle la solution à l'emprise de l'informel, l'évasion de capitaux, en attendant la mise en œuvre d'une éventuelle amnistie fiscale? Evoquant la question de la régularisation fiscale, le président de la Cellule de traitement du renseignement financier (CTRF) indique par ailleurs que 85 affaires de blanchiment d'argent ont été transmises à la justice. Cherif Bennaceur – Alger (Le Soir) - L'amnistie fiscale constituerait- elle la solution à l'emprise de l'informel ? Les 40 milliards de dollars qui circulent dans l'informel peuvent-ils être réinsérés dans le circuit bancaire ? Le questionnement est toujours d'actualité. Le président de la Cellule de traitement du renseignement financier (CTRF), un organisme spécialisé placé auprès du ministère des Finances, s'y est également prêté. Hier, l'invité de la rédaction de la Chaîne III de la Radio nationale, Abdenour Hibouche, n'a pas, certes, évoqué la question de l'amnistie fiscale. Rétif à «anticiper sur les décisions que prendraient les pouvoirs publics» et mettant en avant le rôle de la Direction générale des impôts (DGI), le président de la CTRF a laissé entendre la faisabilité de l'option, au moins «sur le plan technique». La régularisation fiscale liée à des prérequis Ainsi, Abdenour Hibouche, qui indiquait que le dispositif algérien de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme est conforme aux normes internationales édictées par le Groupe d'action financière (GAFI), relève que cet organisme intergouvernemental a agréé en 2010 un programme de «régularisation fiscale ». Un programme qui permet à un contribuable de «s'auto-dénoncer » à l'autorité fiscale, à charge cependant de respecter «quatre prérequis», précisera M. Hibouche. Soit, la garantie de l'efficacité du dispositif de lutte et de prévention, l'existence d'une coordination entre les autorités nationales en matière de poursuites et d'enquêtes, l'entraide judiciaire et l'échange d'information au plan international et l'interdiction d'exemptions d'obligations fiscales, explicitera-t-il. Une régularisation fiscale qui pourrait être ainsi possible en Algérie, d'autant que le GAFI «n'y voit pas d'objections, sous réserve» de mettre en œuvre ces prérequis, considère le responsable du GAFI. Soit la nécessité pour les banques d'être «vigilantes», qu'elles s'assurent de l'identité de leurs clients et de l'origine des avoirs déposés et assurent un contrôle continu, considère Abdenour Hibouche. De même, il laissera entendre que des mesures sont en voie d'élaboration au niveau du gouvernement concernant le marché informel de la devise, au-delà de l'implication de la Banque d'Algérie et d'autres institutions. Les concessionnaires automobiles ne jouent pas le jeu Ce faisant, des banques et des établissements financiers, qui se conforment aux obligations légales en vigueur depuis 2005 et qui participent activement au dispositif national de lutte contre le blanchiment d'argent, considère le président de la CTRF. Ainsi, les banques «jouent le jeu et font des déclarations de soupçons» à la CTRF concernant certaines transactions et opérations financières et commerciales, relèvera Abdenour Hibouche. Ce qui n'est pas le cas des professions libérales, pourtant tenues légalement de le faire mais qui «pratiquement ne font pas des déclarations», déplore-t-il. Un manque de collaboration qui implique ainsi les notaires, les avocats, les huissiers, les commissaires aux comptes, les commissaires priseurs et les négociants en métaux, les intermédiaires en opérations de bourse mais aussi les concessionnaires automobiles, constate le président de la CTRF, sans être davantage explicite. L'évasion financière pourrait être d'une ampleur incommensurable Ce faisant, cet organisme spécialisé a pu traiter et transmettre à la justice 85 affaires dont 3 récemment et portant essentiellement sur le blanchiment d'argent, le transfert illicite d'argent, relève M. Hibouche. L'invité de la radio indique, sans davantage de détails, que ces affaires portent sur des infractions à la réglementation des changes constatées par les douanes et la Banque d'Algérie, sans lien direct avec le financement du terrorisme. Toutefois, il précise que son organisme ne transmet que «les soupçons confirmés», après avoir été traités et corroborés par «des compléments d'informations» recueillis auprès d'autres institutions. Il citera ainsi les services de sécurité, les douanes, la Banque d'Algérie et l'administration fiscale, avec lesquelles le partage d'informations est continu. A ce propos, Abdenour Hibouche indique que la CTRF a signalé quelque 1500 affaires à ces instances. Estimant que le nombre de 85 dossiers transmis à la justice place l'Algérie au premier rang dans la région Moyen Orient – Afrique du Nord dans le domaine de la lutte contre le blanchiment d'argent, le président de la CTRF considère néanmoins que l'évasion financière serait d'une ampleur incommensurable. Selon le président de la cellule, si les affaires traitées directement par les services de sécurité, la justice, les douanes et le fisc étaient comptabilisées, l'Algérie occuperait le «premier rang mondial» en termes de volume de malversations.