Trois procureurs à l'origine d'une enquête pour corruption visant les proches du Président turc Recep Tayyip Erdogan ont quitté précipitamment la Turquie quelques heures avant qu'un mandat d'arrêt soit lancé contre eux, a rapporté hier l'agence officielle turque Anatolie. Le bureau du procureur d'Istanbul avait ordonné lundi l'arrestation de Zekeriya Oz, Celal Kara et Mehmet Yuzgec, accusés de «former une organisation criminelle» pour «tenter de renverser le gouvernement par la force». Mais la police a découvert que les deux premiers avaient fui la Turquie pour la Géorgie tôt lundi matin à 10 minutes d'intervalle, a rapporté l'agence. Elle précise qu'ils avaient appris être visés par un mandat d'arrêt avant qu'il ne soit formellement lancé. Les deux hommes ont ensuite gagné l'Arménie, selon Kemal Girit, le gouverneur de la province d'Artvin, sur la mer noire. Selon le quotidien Hurriyet, Ankara a contacté les autorités géorgiennes pour obtenir leur extradition. La police turque recherchait le troisième procureur, Mehmet Yuzgec, qui était toujours en fuite, précise le journal. Les trois procureurs avaient été supendus de leurs fonctions en mai dernier, accusés d'avoir abusé de leur pouvoir en menant en décembre 2013 une enquête pour corruption, qui a secoué le gouvernement de M. Erdogan, alors Premier ministre, en visant quatre de ses ministres. Les charges pour corruption ont été abandonnées plus tard en raison d'un «manque de preuves». Depuis son arrivée au pouvoir en 2003, M. Erdogan, élu en août 2014 à la magistrature suprême, a multiplié les plaintes en diffamation ou insulte contre ses adversaires, qu'il s'agisse d'adversaires politiques, de journalistes, de magistrats ou de simples citoyens. Le président Erdogan avait dénoncé cette enquête comme une tentative de «coup judiciaire » fomenté par son ancien allié devenu son pire ennemi, le prédicateur Fethullah Gülen installé aux Etats-Unis et ses partisans infiltrés dans les administrations turques. Le président islamo-conservateur mène depuis une lutte sans merci contre Gülen et les autorités ont déjà procédé à de vastes purges dans la police comme dans l'appareil judiciaire, arrêtant tous ceux considérés comme proches du prédicateur détesté. Le Parti de la justice et du développement (AKP) d'Erdogan a échoué à remporter la majorité absolue lors des législatives de juin dernier pour la première fois depuis son arrivée au pouvoir en 2002, plongeant la Turquie dans l'incertitude politique.