La navette maritime la Pêcherie-El Djamila suscite toujours la curiosité des Algériens. L'engouement reste le même depuis son inauguration. Même le mauvais temps ne dissuade pas les usagers des deux bateaux assurant le transport sur cette ligne. Rym Nasri - Alger (Le Soir) - Vendredi, 9h 15 tapante. Un vent assez fort souffle sur le port d'El Djamila (ex-La Madrague) à Aïn Benian. La mer est agitée et les vagues ne cessent de grandir. Quelques embarcations de pêche tanguent dans le petit port. Le bateau reliant le port de La Pêcherie (Alger) à celui d'El Djamila n'est pas encore arrivé. Pourtant, c'est l'heure habituelle pour son départ d'ici. Sur le quai, même le guichet pour la vente des tickets est fermé, mais les candidats au voyage ne désespèrent pas. Ils guettent l'arrivée du bateau. «Je ne crois pas que le bateau va rentrer au port. Regardez la mer, elle est démontée », dira un marin à deux jeunes, venus se renseigner sur le bateau en partance pour La Pêcherie. Dix minutes plus tard, «Ischiamar I» apparait à l'entrée de la crique. Il avance doucement vers le port avant d'accoster prudemment. Les voyageurs arrivés à destination descendent. Sans tarder, d'autres montent à bord. 9h 35, le bateau quitte le port d'El Djamila. A peine sorti de la petite crique, affronte les vagues et le vent. Installés sur son pont, les passagers sont surpris de découvrir une mer très agitée. Des jeunes, des femmes et des enfants réagissent aux interminables mouvements du bateau. Des rires et des cris de joie et d'émerveillement se mêlent à ceux provoqués par la peur. Certains enfants pleurent. Agrippé au cou de son père, le petit Seif-Eddine, âgé de 4 ans, crie : «Je veux retourner au port». Tout en pleurs, il supplie les agents maritimes chargés de la sécurité des passagers, qui sillonnent les lieux. «Arrêtez le bateau, arrêtez le bateau !». Akram sourit à la réaction de son petit frère. Agé de 12 ans, il fait le courageux en se maintenant en place face aux nombreuses montées et descentes du bateau sur les vagues. Un balancement qui devient de plus en plus puissant. Les vagues grandissent et arrosent de temps à autre les passagers. Le regard hagard, le garçonnet regarde autour de lui pour voir la réaction des autres. Il n'en peut plus. La peur s'empare de lui. Accroupi, il se réfugie derrière les sièges pour se cacher des vagues. «J'ai peur que le bateau coule», dit-il, le visage tout blême. Pour sa première montée à bord d'un bateau, Akram n'en gardera sûrement pas un bon souvenir. A quelques mètres de là, au contraire c'est la joie. Trois petites filles en robes fleuries crient et rigolent au moindre mouvement du bateau, sous le regard vigilant de leurs parents installés juste derrière elles. Assises, scrutent des yeux tout autour d'elles. Elles découvrent le pont du bateau, ses sièges bleus, le drapeau algérien flottant en l'air, la cabine du commandant dont la porte est entrouverte laissant voir quelques machines à l'intérieur, les balustrades auxquelles sont accrochées des cordes, la grande bleue tout autour, les vagues, ... Bref, les fillettes semblent émerveillées. A mi-chemin, leur maman leur montre des cargos en rade. «Regardez là-bas, il y a de grands bateaux pour marchandises », leur dit-elle. Les trois filles se retournent vers les quatre navires. Elles restent ainsi à les fixer jusqu'à leur disparition à l'horizon. Plus loin, un garçon âgé d'une dizaine d'années, appelle sa mère au téléphone. «A l'instant, nous passons juste en face de Bab El Oued. D'ici, je vois le stade», lui précise-t-il. Content de son «exploit», il lui rapporte les détails de son «aventure» : la houle, le vent, son frère qui est tombé, la mer qui les a arrosé, ... 10h 30, «Ischiamar I» accoste au port de la Pêcherie. Des dizaines de personnes attendent sur le quai. Seulement, le bateau ne repartira pas. C'est sa première et dernière rotation pour cette journée. L'état de la mer n'en permet pas d'autres. «La houle rend l'accostage difficile au port de La Madrague. Cette navette est la dernière pour aujourd'hui», explique Sid Ahmed, agent maritime, chargé de la sécurité des passagers à bord du bateau. Moyen de transport ou balade de plaisance ? Après une année, la navette La Pêcherie-El Djamila continue de susciter de l'engouement. Pour répondre à la demande croissante, un deuxième monocoque de 330 places et réparties en deux niveaux, a été mis en service début juillet, permettant d'augmenter le nombre de rotations entre les deux escales. Dédié au transport des voyageurs, le trajet est toujours considéré comme une traversée de plaisance notamment en été. Les usagers continuent de se comporter comme des touristes. Malgré la houle d'hier, des adolescents, des jeunes et même des femmes ne se sont pas empêchés de prendre des photos en groupe, les incontournables selfies, et de filmer le littoral, de la mer, tout au long de la traversée.