Comme à pareil moment des étés caniculaires. Hier, après la prière du soir, je n'avais plus sommeil. J'ai ouvert la porte-fenêtre coulissante de mon balcon et me suis affalé pour me détendre sur mon fauteuil skaï vintage ; respirant la brise vespérale. Je compulsai de la main droite un gros album-photos de ma jeunesse trépidante. J'errai dans les méandres de la caverne du souvenir et pendant que j'étais plongé dans la réminiscence des années bonheur, mes yeux fatigués scrutaient la photo de ma chère amie «Doma» disparue. En m'arrêtant plus longuement sur sa photo portrait en noir et blanc que celles des autres compagnons et compagnes de jeunesse, j'ai ressenti une vague impression ; il me semblait qu'elle me souriait à travers la frange de ces lèvres ondoyantes alors que son âme alla fleurir dans les jardins d'Eden. J'étais probablement sous l'emprise d'une vision mirifique ; la vénusté de ma sémillante amie ne laisse pas indifférent. Quand je fus sur le point de tourner la page, j'ai failli tomber en syncope. J'entends une voix suave s'élever des replis plastifiés : - «Mon ami Med... oui mon ami Med, j'ai appris tes amères déconvenues et comme je te connais stoïque devant l'adversité et ta fortitude pour retenir la colère ; tu réussiras à passer tous les écueils qui se dresseront devant toi pour parachever ton œuvre sur les bienséances d'une époque révolue mais où la résilience était l'apanage de nous tous.» Sans cette magie de l'image spéculaire, j'ai retrouvé pendant un court instant, l'amitié tutélaire et de nouveau admiré la beauté des âmes sincères qu'on ne pouvait tromper, leurrer, se peignait sur tous les fronts. Je crois savoir qu'elle est venue chercher auprès de son ami sincère, le soulagement au sentiment qu'elle éprouvait pour «M.G3», disparu en 1976 des suites d'une terrible maladie. «Doma» était une jeune fille qui lit au plus profond des âmes. Son cœur serein, limpide comme une source aux eaux miraculeuses, repoussant la richesse et les grandeurs dont se pareront quelques décennies plus tard les adeptes du lucre de la reine de Saba. Chez «Doma» comme chez toutes ou presque les filles de son époque, il n'existe dans la vie aucun obstacle difficile à franchir que celui du célibat à l'union sacrée du mariage. Même si l'amour est considéré prépondérant il peut être aussi frileux et pour atténuer le froid intense qui le saisit soudainement, suscitant psychiquement une algophobie ; il n'y a pas d'autre panacée que de renforcer l'amour fusionnel, le seul susceptible d'empêcher l'érosion de l'amour et de résister au épreuves du temps. «Doma et M.G» s'entendaient à merveille. Ils avaient fêté un samedi, dans l'intimité, leurs fiançailles, avec nous ses amis ; chez elle au boulevard Mohamed V. Lors de cette sympathique fête, ils ont conclu un pacte d'alliance, convolé en justes noces le mois de juillet de l'année 1977. Comment ne pas se souvenir de ces moments de jeunesse joyeuse et douloureuse. Les heures, des jours, des semaines, des mois, des années défilent comme des torrents fougueux. Au moment où je refermais l'album, soudainement je ressentis des sensations pénibles ; une sorte de malaise comme un mal qui me faisait souffrir le calvaire de Sisyphe. Tout ce qu'il y avait de beau dans cette idylle s'est arrêté net, brusquement, cédant la place à un moment funeste. Nos deux amis n'étaient plus parmi nous. Ils nous ont quittés simultanément laissant derrière eux un grand vide que nous n'arriverons jamais à combler. Il n'y a pas plus affligeant que la perte de ceux qu'on aime. Plus loin que je m'en souvienne, j'ai toujours admiré mes deux amis disparus pour la sublimité du respect, de l'urbanité et de leur innocence virginale. Je me rappelle encore que nous nous étions préparés comme au siècle du Parnasse pour danser au quadrille des mariés. Le souffle vital qu'ils chantaient à l'unisson s'était arrêté, nous laissant dans un sentiment d'effroi insurmontable. On allait vivre sans eux au-dessus de notre courage les quelques années qui restaient de l'existence du royaume de la jeunesse avant sa disparition dans le sillage d'une transformation thaumaturgique de la mort. M. B. A nos lecteurs Cette page est la vôtre. Si vous avez été témoin de faits qui vous ont paru hors du commun, de situations heureuses ou malheureuses, si vous connaissez des personnes qui mènent une vie peu ordinaire, profitez de cet espace que nous vous offrons pour vous exprimer. Partagez-les avec nos lecteurs. Cette richesse d'expériences que vous allez leur conter les rendra, sans nul doute, un peu plus forts pour affronter avec courage la vie. Alors, à vos plumes !